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Encore un champion du monde suspendu pour des contrôles manqués

Elijah Manangoi a été suspendu deux ans en raison de trois contrôles anti-dopage manqués. Il s’agit du 2ème champion du monde sanctionné pour ce motif en deux mois. Et du 139ème Kenyan à subir une suspension pour des faits de dopage…

Quasiment chaque mois, le Kenya établit un nouveau triste record, celui du nombre d’athlètes suspendus. Et pas des moindres ! Elijah Manangoi rejoint cette sinistre liste des Kenyans mis en cause pour des faits de dopage. Ils sont à ce jour plus de 50 interdits de compétition et ils ont été 138 sanctionnés depuis 2008. Avec lui, c’est encore un champion du monde qui est limogé.

Et dire que la théorie de trop de spécialistes du Kenya était que le dopage touchait la « sous-couche », comprenez des athlètes sans trop de talent, mais tellement avides d’argent qu’ils optaient pour des raccourcis douteux.

Brother Colm, l’emblématique prêtre irlandais devenu à Iten un coach de référence, surtout grâce à David Rudisha, en faisait partie, et il soulignait ainsi en 2015, au moment où les affaires de dopage commençaient à émerger, qu’elles concernaient surtout des athlètes de niveau intermédiaire, et des coureurs sur route.

Mais ces arguments ont explosé en plein vol, et au fil des mois, ce sont des spécialistes de la piste et affichant de très gros palmarès qui ont rejoint cette cohorte des bannis.

Le dernier en date, Elijah Manangoi, confirme cette tendance, il comptait le titre mondial conquis en 2017, et un record personnel à 3’28’’80, qui le plaçait dans le top 11 de tous les temps.

7 suspensions pour contrôles manqués

Le cas Manangoi se révèle aussi très emblématique de la volonté de l’Athletics Integrity Unit de traquer les athlètes douteux en usant de tout l’arsenal juridique à sa portée, et en particulier celui des contrôles anti-dopage manqués.

Trois tests loupés entre juillet et décembre 2019, et Elijah Manangoi sort par la petite porte. Comme ce fut le cas cette année pour Christian Coleman, Wilson Kipsang, Alfred Kipketer, Deajah Stevens, Alex Korio Oliotiptip, Michelle Lee Ahye. L’AIU a aussi décidé de faire appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport contre l’acquittement de Salwa Aid Naser.

Le temps des faux-semblants paraît terminé, et l’AIU n’apparaît plus disposée à accepter toutes ces excuses bidons données par les athlètes pour justifier leurs manquements. D’autant que certaines semblent « copiées-collées » d’un dossier à l’autre. Par exemple, l’argument du retard dû à un problème de bouchon se retrouve chez Manangoi, comme chez Wilson Kipksang en début d’année.

Désormais, l’AIU insiste aussi sur la responsabilité qu’impose un statut de star de l’athlétisme, qui exige un vrai professionnalisme incluant aussi une bonne gestion des contraintes de localisation. Et refoule ainsi les pseudos alibis, comme celui de Manangoi qui soutient que sa blessure a agi sur sa santé mentale, qu’il souffre d’accès de colère, et de pertes de mémoires…

Plus de contrôles inopinés

La nouvelle stratégie de l’AIU s’appuie aussi sur l’augmentation de tests inopinés, avec 7772 en 2019, contre 6007 l’année précédente. Et sur la nouvelle possibilité de contrôler à toute heure un athlète, y compris en-dehors de l’horaire prévu sur sa localisation, ce qui a ainsi provoqué la chute de Christian Coleman.

Une suspension pour tests manqués a-t-elle moins de « gueule » qu’un contrôle positif ? C’est le point de vue de certains experts anti-dopage, mais le pragmatisme prévaut à l’AIU, car trois no shows débouchent tout de même sur une suspension de deux ans. Certes ce ne sont pas les 4 ans qu’un athlète positif reçoit, mais ces deux années peuvent précipiter un arrêt de carrière, et une sortie par la petite porte.

Cette sanction plus courte justifie aussi la prise de risques des athlètes, de pointer aux abonnés absents que leur cure de produits dopants n’est pas tout à fait achevée, et que leurs analyses leur montrent que toute trace de produits n’a pas disparu. Le choix de la disparition temporaire devient alors une bonne stratégie surtout quand on n’a que 27 ans comme Elijah Manangoi, ou 24 ans comme Christian Coleman, et qu’un come back après deux années apparaît très possible.

Les Kenyans s’agacent de ce harcèlement

Au Kenya, ce jeu du chat et de la souris irrite particulièrement, avec la théorie d’un harcèlement mené contre les athlètes kenyans, puisqu’ils sont déjà 4 cette année sanctionnés pour ce motif, contre 3 dans le reste du monde. La Fédération d’athlétisme du Kenya soutient qu’ils tombent en raison de leur ignorance des règles, et elle a déployé depuis juillet une application téléchargeable sur les téléphones, et traduite en Kiswhahili, pour faciliter l’actualisation permanente des localisations.

Bien sûr, on n’évitera pas que comme tous les athlètes suspendus pour no shows, Elijah Manangoi crie à son innocence, et clame à tout va qu’il est « propre » et n’a jamais eu recours au dopage. Mais les gesticulations verbales s’évanouiront vite… Il restera les décisions. Mais demeureront aussi sur les tablettes les performances passées, les titres conquis par des athlètes qui ne peuvent qu’apparaître comme douteux.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : D.R.