Mehdi Frère a reçu une suspension provisoire suite à des manquements de localisation. Le nom du marathonien s’ajoute à une liste de plusieurs athlètes de l’Equipe de France qui ont connu la même mésaventure, comme récemment Amaury Golitin, Pierre Ambroise Bosse ou Mouhamadou Fall. La procédure de Mehdi Frère ne fait que débuter.
Pour la première fois, un athlète français se voit suspendu provisoirement par l’Athletics Integrity Unit, qui n’intervient pas habituellement dans les cas français qui sont traités par l’AFLD. Ceci en raison de l’intégration de Mehdi Frère à la fois dans le groupe cible AFLD et AIU.
Et l’AIU a appliqué de manière stricte à l’encontre de Mehdi Frère les règles du code mondial : à savoir une suspension provisoire pour des manquements de localisation car une telle suspension n’est obligatoire qu’en cas de contrôle positif. Par comparaison, en pleine procédure, Mouhamadou Fall avait pu disputer le Mondial 2022 sur l’épreuve individuelle.
Une suspension provisoire pour protéger les intérêts du sport
Pourquoi une telle rigueur ? Parce que, comme le rappelle l’AIU sur son site, « une suspension provisoire dans de tels cas n’abroge en aucune manière la présomption d’innocence et n’est pas une reconnaissance précoce de culpabilité. » Mais elle est plutôt utilisée à titre de précaution « pour protéger les intérêts du sport ».
En l’occurrence, protéger les résultats du championnat d’Europe ? et peut-être des Jeux Olympiques car le délai sera très court pour Mehdi Frère pour présenter une défense solide et espérer être disculpé de toute charge à temps pour se voir sélectionné par la FFA d’autant que deux marathoniens, Félix Bour et Hassan Chahdi, ont réussi les minima !
Mehdi Frère se présentait aussi aux Europe parmi les favoris pour le semi marathon, 8eme rang européen avec ses 1h01’35 de mars à Paris, et également auréolé de son titre de champion du monde militaire de semi conquis le 27 mai.
Des manquements dus à des changements tardifs d’adresses ?
Selon les informations données par Mehdi Frère à Romain Donneux pour l’Equipe, le problème soulevé par l’AIU se situe sur le 3eme manquement qui aurait été constaté en février 2024. Il s’ajoutait à deux autres manquements, de février 2023, d’octobre 2023 qui, eux, avaient été justifiés en leur temps auprès des autorités antidopage.
À chaque fois, toujours selon les déclarations de Mehdi Frère, puisque les autorités antidopage ne communiquent pas sur les éléments du dossier, les mêmes erreurs auraient été commises : un lieu changé trop tard ou pas modifié.
Cela apparaît anodin pour l’observateur « basique » mais alerte les responsables du suivi des sportifs sur la plateforme Adams. Pourquoi ? Parce que les changements de dernière minute leur laissent la désagréable impression qu’il y a une volonté de compliquer la tâche des contrôleurs qui pourraient être diligentés pour un prélèvement, et qu’ils peuvent ainsi dissimuler une stratégie pour disposer de quelques heures utiles pour permettre aux produits absorbés de disparaître.
Mouhamadou Fall, une relaxe refusée par le Conseil d’Etat
Illustration avec le cas de Mouhamadou Fall. Le sprinter avait été relaxé en juillet 2023 par la Commission des Sanctions de l’Afld mais le Conseil d’Etat a refusé fin mai 2024 cette décision, en récusant l’idée d’un troisième manquement non fondé.
Les éléments fournis permettent de mieux comprendre : le 15 juin 2022, Fall s’était localisé à l’Insep. Le 16 juin, et jours suivants, à son domicile aux États Unis
Premier problème ; le contrôleur le croise à l’Insep le 16 juin, il n’est donc pas aux États Unis. Deuxième problème : il change son adresse pour les 17 et 18 juin à 1h40 du matin pour se localiser à l’hôtel des athlètes du meeting de Paris. C’est plus que tardif et ne laisse évidemment pas le temps d’organiser un contrôle. Car monter un contrôle inopiné demande du temps, pour trouver un preleveur disponible très tôt le matin et proche du lieu.
Autant de raisons pour lesquelles les règles fixées par l’Agence Mondiale et l’Afld sont très claires ; le sportif doit mettre à jour sa localisation le plus tôt possible quand il la connaît.
Des champions du monde stoppés par leurs erreurs de localisation
Et compte tenu du nombre d’athlètes qui ont vu leur carrière stoppée pour de tels manquements, le message aurait dû être compris depuis longtemps maintenant pour des athlètes niveau Équipe de France.
Citons les trois champions du monde, l’Americain Christian Coleman, le Kenyan Elijah Mannagoi, la Bahreïn Salva Eid Nasser, le vice champion de monde l’Espagnol Mohamed Katir ou côté français Teddy Tamgho, Sofiane Selmouni ou Darien Garfield. Puis Amaury Golitin qui n’avait pas hésité à falsifier des documents. Ou encore cet hiver, Pierre Ambroise Bosse, sanctionné, lui, pour des no shows.
Mehdi Frère l’affirme depuis le début : il ne lui est pas imputé des no shows qui apparaissent tellement plus graves que les manquements dans les localisations. Toutefois sur le plan du code mondial, les deux relèvent du même article, le 2.4 qui prévoit deux ans de suspension, ajustables selon le contexte.
Des suspensions d’au minimum un an
Sur cet article, la base de données Anti Doping databases recense un total de 194 sportifs sanctionnés (incluant 56 athlètes et 14 Français) pour un total de 13525 cas recensés. C’est un petit pourcentage mais longtemps les 3 manquements étaient calculés sur 18 mois et non pas 12 mois, et les agences ne pouvaient pas utiliser tous types d’informations pour démontrer que le sportif n’avait pas respecté les règles.
Les durées de suspension apparaissent très variables, mais d’au minimum un an. En athlétisme, les décisions actuelles de l’Athletics Integrity Unit sont de deux ans (excepté pour l’Italien Nick Ponzio 18 mois) et parfois très alourdies en cas de circonstances particulières aggravantes.
Une procédure courte en cas d’accord
Elles sont prononcées par l’AIU : si après une instruction complète, qui intègre évidemment les éléments de la défense du sportif, l’AIU maintient la violation des règles antidopage, elle formule une proposition de sanction à l’athlète en lui donnant un délai d’environ deux semaines pour l’accepter ou pas. Par exemple pour l’Espagnol Katir, il lui a été proposé une suspension de deux ans et le délai pour répondre était d’une semaine !
En cas de désaccord de l’athlète sur la proposition, la procédure se poursuit devant le Tribunal Disciplinaire présidé par Charles Hollande et qui compte 47 membres de 32 pays différents. Cette instance dont le secrétariat est assumé par « Sports Résolutions », installé à Londres, est chargée d’étudier le dossier et de faire une proposition de sanction. Celle-ci ne peut plus être ensuite contestée que devant le Tribunal Arbitral du Sport.
Analyse ; Odile BAUDRIER