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Big Bang du Dopage au Kenya ; la recordwoman du monde de marathon + 5 Kenyans suspendus en 3 jours.

Le 17 juillet, tombait l’annonce de la suspension provisoire de Ruth Chepngetich, la détentrice du record du monde de marathon depuis octobre 2024. Une nouvelle qui n’a guère surpris tant ses 2h09’ semblaient irréalistes. Et dans la foulée, 5 autres Kenyans ont été également suspendus, en seulement 3 jours. Quel triste record !

C’est un nouveau record à l’actif de l’Athletics Integrity Unit, avec un total de 6 Kenyans en 8 jours… L’instance anti-dopage n’a pas hésité à publier dans la même journée, le 24 juillet, le nom de 3 athlètes suspendus pour des faits de dopage : Berhane Tesfay d’Erythrée (4 ans pour EPO – 38 ans – record à 2h07’ – vainqueur du marathon de Mumbai 2025 en 2h08’) – Morine Michira (2 ans pour higenamine et octodrine- 22 ans – record de 1h08’ au semi – vainqueur de la Stramilano 2025 ) et Roncer Konga (4 ans pour testostérone-30 ans – record de 59’08 au semi – vainqueur du semi de Shangai 2025).

Le 21 juillet, il y avait eu deux coureurs suspendus : Ronald Kimeli Kurga (6 ans pour triamcinolone acetonide) et Charles Kipkkurui Langat (4 ans pour testotérone) . Plus le 25 juillet, Sheila Chebet (5 ans pour tramadol et manipulation d’un contrôle-27 ans – victorieuse du semi de Cannes en 2023 en 1h12 – record à 2h33 sur marathon).

Une liste qui confirme à nouveau l’usage très répandu du dopage au Kenya, toujours avec des produits plus que classiques : EPO – anabolisants – triamcinolone. Et toujours par des athlètes de tous les âges et de niveaux contrastés, mais très présents sur les podiums des épreuves européennes et asiatiques.

Ruth Chepnegetich, au cœur des polémiques après ses 2h09’

Cette explosion fait suite à l’énorme nouvelle de la suspension provisoire de Ruth Chepngetich, la détentrice actuelle du record du monde de marathon, sur un contrôle positif à l’Hydrochlorothiazide (un diurétique). Un choc qui n’a pas surpris grand monde, tant sa performance du marathon de Chicago avait heurté le monde du running. Totalement incrédule de la voir devenir la première femme sous les 2h10’, soit 2 minutes de moins que le précédent record du monde et 4 minutes de mieux que son record personnel… Et cela bien qu’elle soit championne du monde 2019, et double vainqueuse de Chicago.

Mais Ruth Chepngetich n’allait pas seulement obtenir ce titre de « PREMIERE » pour cette performance hors norme. Elle allait aussi devenir la première athlète du Kenya défendue par sa fédération, Athletics Kenya, face à ses attaques. Et également la première à voir une intervention officielle de députés du Kenya pour exiger des excuses du journaliste américain Robert Johnson, « coupable » d’avoir questionné la marathonienne.

Quelques mois plus tard, elle sera aussi la première à voir une pétition s’organiser autour de son record, à l’initiative de l’entraîneur suédois Peter Eriksson, exigeant en particulier plus d’informations sur les tests anti-dopage effectués dans les mois précédant un record du monde et également la suspension d’un pays de compétitions internationales, à partir de 10 cas de dopage dans l’année.

Mais le coach suédois avait également revendiqué un point très important : celui de la suspension des entraîneurs et managers liés à des athlètes contrôlés positifs. Une position partagée par de nombreux acteurs de l’athlétisme, y compris des managers, choqués de voir que finalement l’entourage professionnel du sportif suspendu n’est jamais mis en cause.

Federico Rosa, manager de cinq marathoniens mondiaux suspendus pour dopage

Pourtant les noms de certains managers apparaissent plus que fréquemment aux côtés de ceux de leurs athlètes dopés. Et le cas de Ruth Chepngetich a ramené sur le devant de la scène celui de Federico Rosa. Le manager italien s’affirme comme l’un des plus puissants au Kenya, de part son antériorité dans le pays avec l’implication très précoce de son père, le docteur Gabriele Rosa, précurseur de l’athlétisme au Kenya.

Les observateurs minutieux de l’anti-dopage, comme le Britannique Edmund Willison , n’ont pas manqué de noter que le cas de la recordwoman du monde de marathon serait le 5ème marathonien de top niveau mondial suspendu pour des faits de dopage et managé par Federico Rosa. Mais ce travail de recensement semble plutôt aléatoire puisque sur la fiche de Federico Rosa, manager reconnu par World Athletics, ce sont actuellement 100 noms qui apparaissent, coureurs sur route et/ou sur piste, Kenyans ou autres nationalités, sans que cette liste (en date de septembre 2024) soit vraiment fiable pour refléter la vraie situation de manager, puisque World Athletics ne peut garantir que tous les athlètes managés y figurent, et que les noms « anciens » ne figurent plus.

Il reste que les noms les plus célèbres sont bien connus, comme ceux de Asbel Kiprop, le champion olympique du 1500 m en 2008, Lawrence Cherono, vainqueur de Boston et Chicago, Sarah Chepchirchir, vainqueuse de Tokyo, et il pointe une vérité plutôt dérangeante : Ruth Chepngetich (si sa suspension provisoire est bien confirmée dans les mois à venir) serait la troisième athlète féminine de top niveau mondial de la Team Rosa à se voir interdite pour dopage.

Le record du monde de Ruth Chepnegetich devrait demeurer sur les tablettes

Avant elle, deux autres femmes qui se sont aussi distinguées pour être des PREMIERES : Rita Jeptoo a été la première femme suspendue après avoir remporté le World Marathon Major, en 2014, et Jemima Sumgong, la première suspendue juste après un titre olympique sur marathon, aux JO 2016. Toutes les deux pour prise d’EPO.

Ruch Chepngetich, elle, devrait devenir la PREMIERE détentrice d’un record du monde sur marathon à subir une suspension pour dopage. Malheureusement, le contrôle positif ayant eu lieu en mars 2025, son record du monde d’octobre 2024 devrait demeurer sur les tablettes, comme l’est resté également le titre olympique de Jemima Sumgong.

Sa suspension, d’une durée de seulement deux ans puisque suite à la prise d’un « simple » diurétique, l’Hydrochlorothiazide pourrait même lui permettre de revenir dans deux ans. Et il demeure toujours possible de prétendre avoir eu recours à ce diurétique simplement pour perdre du poids…

Pourtant, le taux détecté dans ses urines s’avère supérieur à 195 fois la dose maximale tolérée par l’anti-dopage (3900 ng au lieu de 20). Cela laisse présumer d’une utilisation massive du Hydrochlorothiazide, juste avant le contrôle, et très certainement pour dissimuler un produit « lourd », type ce bon vieux EPO, qui aurait alors été sanctionné par une suspension de 4 ans.

Une tactique très bien organisée, pour éviter un arrêt de carrière complet, même si les exemples d’athlètes de retour à leur niveau antérieur après une suspension ne sont pas si nombreux.

  • Analyse : Odile BAUDRIER
  • Photo : D.R.

https://www.spe15.fr/httpspe15-frle-manager-federico-rosa-accuse-de-dopage-3-marathoniennes-du-kenya/