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Vincent Rousseau « dans ma malchance, j’ai eu beaucoup de chance »

Vincent Rousseau

Vincent Rousseau dans la collégiale de Mons qu’il a photographiée pendant un an

 

Commune de Jurbise, grande banlieue Nord de Mons. Petit pavillon, le long d’une route verdoyante qui s’échappe à la perpendiculaire de la N 56. Panneaux solaires sur le toit. Break Audi  garé sur le gravier. La porte s’est ouverte. Vincent Rousseau encore dans l’embrasure, de lâcher «en vingt ans, on change ». Etait-ce une question, une affirmation ? Il s’est passé les mains dans une tignasse grisonnante, nous sommes rentrés. 

 

Vingt ans déjà. Pas un coup de fil, par un mail, vingt ans sans se parler, sans se croiser. Sans un au revoir. Sans excuses, sans conflit. Juste deux routes qui se séparent. C’est ainsi.

 

Vincent Rousseau aurait tort de croire qu’il a changé. Que le temps a fait son œuvre. A 54 ans, le trait est certes plus épais, les dix kilos qu’il a de trop, c’est lui qui le dit, se dissimulent sans peine sous un gros pull. Comme s’il y avait nécessité de se rassurer, il demande des nouvelles des Arpin,  Pantel, Thiébaut, Chauvelier, curieusement de Philippe Dien. Mouvement de houle entre passé et présent. Mais il a encore ce regard vif, ces yeux bleus perçants, ce nez à l’affût. Nous retrouvions le Vincent de Font Romeu, d’Helsinki, de Reims également, lorsqu’il court son second marathon en France, le Vincent qui se fait plumer lors d’un France de 10 000 remporté par Benoit Z, le Vincent enfin, recordman d’Europe du marathon avec 2h 07’20’’, grand pourfendeur du dopage, à tel point que cela en devient obsessionnel. Un poison presque mortel.

 

La salle de séjour est spacieuse, lumineuse. Elle donne sur un carré de pelouse. Au fond, deux cabanons en bois, sur la gauche, un weber qui attend les beaux jours. Les meubles sont de bois clairs. Quelques bibelots. Un gros poêle à bois diffuse une chaleur douce. Un cardio bipe en sourdine. Nous buvons un café. Vincent précise « j’aime encore le chocolat, tu te souviens ». L’entretien débute. La première question porte sur le dopage. Pouvait-il en être autrement ?

 

Interview réalisé à Jurbise par Odile Baudrier et Gilles Bertrand- Photos Gilles Bertrand

 
. A peine la porte franchie, nous n’étions pas assis que nous parlions dopage. Cette problématique a-t-elle vraiment perturbé ta carrière ?

Hier, j’ai regardé le 5000 mètres des Championnats du Monde à Stuttgart en 1993. Cela restait encore humain. On voit que Kirui part. Derrière, ils sont trois à relayer. Il y a Gebrselassie, Morku Bikila et Bayesa, mais ils ne peuvent le rattraper. Cela se gagne en 13’02’’. Quand on voit le 10000 m, dix ans après à Paris, le 2ème 5000 m se court plus vite que ce 5000 m de Stuttgart. Il y a manifestement un changement. A un moment, j’ai vu les 12’44’’ de Gebrselassie à Zürich en se promenant, je me suis dit là, il se passe quelque chose. Et l’année suivante, je vois tous les coureurs passer sous les 13’. Quand on prend Dave Bedford, avec un record correct en 1973, et que l’on prend Richard Chelimo, on passe de 27’30’’ à 27’08’’, en 23 ans. Puis en trois ans de temps, ce qui correspond vraiment à la période EPO, on passe de 27’08’’ à 26’22’’. On gagne plus en 3 ans qu’en 23 ans. Là manifestement, il y a quelque chose qui se passe. On voyait les records du monde qui tombaient pratiquement à chaque meeting. On a eu ainsi au Van Damme, dans le même meeting, record du monde du 5000 et du 10000 m, avec Paul Tergat et Daniel Komen.

. Tu constates un vrai changement en compétition mais à l’entraînement, observes-tu déjà des modifications dans la façon de se préparer ?

A un moment, je ne comprenais pas, je ne comprenais plus. Les bases d’entraînement avaient été complètement changées. Il y avait quelque chose qui ne collait pas. Je voyais à Font Romeu des coureurs qui ne faisaient que de la piste, que de la résistance. Mais entre temps, il faut récupérer ?! Moi, je faisais une séance tous les trois jours. Là, c’était des séances tous les jours. La base endurance, ils ne la faisaient plus, elle était faite par l’EPO. On comprend les choses a posteriori. A l’époque, on ne comprenait pas. Qui a pris de l’EPO ? (il cite des noms…)

. A Font Romeu, tu as croisé maintes fois ta route avec celle de Paula Radcliffe. Quel jugement portes-tu sur elle ?

Certains disaient que Paula n’était pas propre (il cite le nom d’un coureur belge). Moi, tout le temps qu’elle était à Font Romeu, je n’ai jamais rien vu. C’est quelqu’un qui n’échappait pas aux contrôles. Tous les jours, elle s’arrachait, je n’ai jamais vu quelqu’un qui savait souffrir comme ça. Tout se faisait dans la souffrance. Les gens qui sont à l’EPO sont à l’aise, ils ont de l’aisance. Je regarde des images anciennes, comme celle de Cram lorsqu’il bat son record du monde sur 1500 m, c’est dans la souffrance. Il suffit de prendre une image du 5000 de Montréal, il y a 20 ans, tout le monde arrive dans la souffrance, tout le monde s’arrache les tripes. Maintenant, on voit un 5000 où tout le monde est à l’aise. Le schéma actuel est triste. Il faut vivre avec. Quand je revois ce 5000 m de Stuttgart en 1993, c’’était peut-être le dernier beau 5000 mètres.

. C’est donc sur la fin de ta carrière que tu es directement confronté à ce problème ?

La première fois j’ai été confronté à ça, pour la Stramilano en 1996 sur la fin de ma carrière. Je venais de faire un entraînement au seuil, soit 12 km à 2’53’’ au kilomètre. J’arrive à la Stramilano, je vois tous les Kenyans qui déboulent dans une grosse Mercédès avec le Docteur Rosa. Je passe au 3000 m en 7’58’’. Moi, j’étais complètement à la rue derrière. Puis 27’37’’ aux 10 bornes. On se demandait ce qui se passait. Même si on n’a pas de preuves pour accuser, on voit que cela correspond vraiment aux périodes EPO. Avant, il y avait un seul bonhomme devant, comme Kirui en 1993. Après, on est arrivé à des chronos de 12’39’’-12’37’’. Maintenant, les coureurs ont plus de fréquence. Un peu comme en cyclisme. Car au niveau cardiaque, l’EPO exige moins, les coureurs sont plus « fréquents » et ils se blessent moins tout en allant plus vite. Quand on voit les fréquences, c’est dingue. Comment peuvent-ils les tenir au niveau cardiaque ? Là, on se dit l’athlétisme, c’est fini ! Cela a mis un coup de frein à tout, au développement des jeunes. A la disparition du 5000 m et du 10000 m dans les meetings. Tout s’est transféré sur le marathon.

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. Cela semble t’obséder de répéter ces noms, de repenser à ce passé ?

Non, pas du tout. J’ai fait comme un deuil de tout cela. Je refais du sport pour moi car je suis passé par une phase difficile. Cette phase difficile est indépendante du sport. On a toujours des leçons de vie. J’ai eu des leçons de vie. J’ai appris à skier à 40 ans, je n’y arrivais pas, je voulais tout arrêter. Et puis, je vois une femme unijambiste sur la piste. Du coup, j’ai continué. J’ai eu la même chose avant la finale du 5000 m à Rome, où je passe tout juste. Juste avant, il y a le 1500 m en chaise roulante. Je me dis « Là, je n’ai pas le droit de paniquer. Il ne peut rien m’arriver de grave. »

. Tu évoques le fait de regarder des courses anciennes sur internet, Est-ce que parfois tu visionnes à nouveau la course où Abel Anton te bat lors des Europe d’Helsinki en 1994?

Abel Anton, ce n’était pas flagrant à cette époque. Et moi, je n’étais pas au mieux de ma forme. Après, il y a eu des révélations sur les Espagnols. Je me dis que j’ai peut-être perdu un titre.

. Et toi, as-tu le sentiment que l’on ait pu mettre en doute les 2h 07’20’’ que tu as réalisés, propre ?

Oui. C’est certainement déjà arrivé. Surtout que moi, j’ai beaucoup parlé à un moment. Moi, je sais que j’ai couru 3’36’’ en 1985, 7’39’’ en 1989. Et que je n’ai pas amélioré ces chronos-là après quand l’EPO est arrivé. Sur 5000 m, je courais 13’15’’ en 1986, et 13’10’’ en 1993. Du jour au lendemain, quand ce bazar-là (comprenez l’EPO) est arrivé, je n’ai pas pu suivre. Avant, tous les Kenyans rencontraient le mur, et après, le mur n’existait plus pour personne. Que s’est-il passé ?

. Est-ce que ces problèmes-là ont contribué à décider de l’arrêt de ta carrière ou bien est-ce plutôt les problèmes de blessures ?

Un peu des deux. J’avais tout de même 33 ans. J’ai arrêté deux ans plus tôt que ce que j’aurais dû faire. 33 ans, c’était trop tôt. Mais c’est clair que dans ce contexte-là, ça ne me donnait plus envie de continuer. Quelque part, j’ai été confronté à des choses injustes. J’ai vu mes records tomber alors que ce n’était pas logique du tout. Par un athlète devenu Belge par un mariage blanc, en période EPO, reconnu dopé, et qui ne vivait même pas dans le pays. Pour moi, c’était fini. La notion de la vie avait complètement changé. Ca a enlevé tout le plaisir. Quelque part, ce que l’on a fait n’est plus reconnu. Ce que l’on a fait a l’air ridicule.

. L’athlète dont tu parles est Mohammed Mourhit. Il a battu tes records sur 5000 et 10 000 m, il a été sacré deux fois champion du monde de cross en 2000 puis 2001. As-tu ressenti une forme de complicité de la part des officiels ?

Oui, certainement. A un moment, je l’ai dit. Le directeur technique disait « Mourhit, on ne sait pas où il est. » On ne pouvait pas mettre en place quelque contrôle que ce soit. Lors des Mondiaux de cross, à Dublin, il abandonne. Il était prévu de le contrôler. On le retrouve deux heures après, emmitouflé dans les tribunes. On n’avait pas pu le contrôler. A un autre moment, on demande les valeurs, on me répond « Il n’a que 55 d’hématocrite »… 

. Ressens-tu encore aujourd’hui un profond sentiment d’injustice ?

C’est le genre de choses où on ne sait plus du tout rivaliser. Quand on voit que les maîtres de l’entraînement sont des gens qui se sont intoxiqués aux métaux lourds dans un garage (il fait allusion à Alberto Salazar entraîneur de Mo Farah et de Galen Rupp). Alors que moi, j’avais vraiment fait une recherche sur moi-même. On est dans une forme d’aberration totale. Ce qui est anormal, c’est que pour quelqu’un pris pour dopage, toutes ses performances antérieures ne soient pas effacées. A partir du moment où l’on prouve qu’il y a triche, il y a plus de probabilité que la triche y soit sur 6 ou 7 ans, sur le long terme. Mais heureusement que j’ai eu une belle époque. Dans ma malchance, j’ai eu beaucoup de chance.

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. Vincent Rousseau marathonien, quand décides tu de passer sur la route ?

A Rotterdam, en 1993, j’étais lièvre. Je suis en tête au 37-38ème kilomètre. C’était de l’inconscience. J’arrivais là-bas sous entraîné, j’étais juste capable de faire le lièvre. Mais je continue et j’ai vu le mur. Là, j’ai compris qu’il y avait un vrai problème énergétique. J’ai réfléchi à quoi faire ? Je n’avais plus d’hydrates de carbone. C’est là que j’ai trouvé la séance à jeun. Je termine 5ème en 2h 13’. Cerron gagne en 2h 11’’, dans des conditions de froid, 3° degrés, et de tempête.

. L’automne suivant, tu cours Reims en 2h 09’13’’. Comment fais-tu évoluer ton entraînement ?

Je n’avais pratiquement que les courses à jeun. Puis j’ai ajouté les sorties longues à côté, et je fais 2h07’51’’ à Rotterdam, et 2h07’20’’ à Berlin. A l’époque, le record du monde était à 2h06’50’’.

. Lorsque tu réalises 2h07’20’’, tu es à 30 secondes du record du monde, pensais-tu aller chercher ce record ?

Pendant 39 km, j’ai couru dessus. Les lièvres se sont retirés au 25ème kilomètre. Soit on allait faire un mauvais chrono, soit il fallait y aller tout seul car personne ne voulait mener ou relayer. Je n’avais pas le choix. Entre le 25ème et 30ème kilomètre, j’ai réussi à sortir, en appuyant vraiment très très fort. Je suis sorti à 2’53’’ pendant 1 ou 2 km. Mais ça m’a fait très très mal et je l’ai payé à la fin. J’ai coincé. Si j’avais pu doser le marathon de Berlin à ma manière, si j’avais pu sortir facilement, c’aurait été différent. Dans cette course, j’ai eu Pinto 2 minutes derrière, et deux ans plus tard, il gagne Londres en 2h 06’35’’, en se baladant ?!

. La période marathon fut courte et intense, est-elle la plus heureuse dans ta carrière ?

J’aurais dû démarrer plus tôt, trois – quatre ans plus tôt. En fait, on l’avait vu en 1988, par des tests de lactate. J’avais 1.6 à 5’50’’ au 2000 m. On voyait que le seuil était là. Mais on n’a pas exploité ces données et on n’est pas montés sur marathon à ce moment-là.

. Lorsque tu dis « On », de qui s’agit-il ?

J’étais avec un entraîneur, Guy Pierrart. Il avait de très bonnes notions. On a travaillé au seuil dès la période scolaire. On avait la notion de seuil dès 1978. Il y a peu de gens qui avaient déjà cette notion à l’époque. On parlait de résistance ou d’endurance.

. Comment vient cette idée de sortie à jeun ?

Pour mon premier marathon, comme lièvre, j’ai compris ce que c’était de frapper le mur. C’est un peu comme passer de l’essence au diesel. Il y a un problème d’optimisation énergétique. A partir de là, j’ai mis au point les courses à jeun car je voulais garder ma vitesse de base sur 10.000 mètres, sans nécessairement faire les longues sorties. Mais attention, les courses à jeun ne remplacent pas les longues sorties. Il faut les deux et travailler beaucoup au seuil comme de pouvoir courir au seuil en fin de longue sortie. Je n’ai pas du tout été reconnu pour ça. Je n’ai rien publié non plus, mais on savait que c’était moi ! Les gens ont parfois interprété à différentes sauces. Parfois certains faisaient les longues sorties à jeun, c’était une aberration totale. Moi, je me limitais à 45-50 minutes, parfois 1 heure pour perdre du poids. Ce fut une source de progrès énormes dans ma carrière, et de progresser sur 5000 m (en 1993, il bat son record sur 5000 et 10 000, 13’10’’99 et 27’23’’00).

J’ai été le premier à mettre au point la sortie à jeun, mais je n’ai pas du tout été reconnu pour ça. Alors que c’est utilisé dans tous les sports maintenant, Martin Fourcade, (un silence, il hésite à prononcer le nom), même Fromme dans sa préparation Tour de France.

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. Comment s’est faite ta transition de carrière après ton arrêt ?

J’ai beaucoup voyagé, j’allais souvent en Espagne, j’ai visité. Je continuais un peu de sport, du vélo, de la course à pied avant une grosse période d’arrêt. J’ai bien gagné ma vie. J’ai réinvesti dans des appartements, sur le marché financier. Tout a été fait dans la facilité. Et encore maintenant, je fais facilement les choses, je comprends vite. J’anticipe très bien ce qui va se passer. Maintenant, est-ce sain ? Non. Car dans la vie, il y a une vraie valeur, c’est le travail, ce n’est pas la spéculation.

. Sauf erreur, tu passais tes nuits à boursicoter ?

Non, pas à boursicoter, à faire des bons placements. Je ne fais pas du day trading. Maintenant le système est malsain, tout est géré par des robots. Il faut savoir gérer l’irrationnel.

. Peut-on parler d’une période de dépression après ton arrêt ?

Tout sportif est dans un schéma endorphines. On produit de l’endorphine à haute dose, ce qui donne une sensation de bien-être. Tant qu’on garde un schéma endorphines, qu’on se maintient, même de différentes manières, on n’a pas ce problème-là. Quand j’ai vraiment arrêté pour de bon, il n’y a pas si longtemps, je n’étais pas bien, on n’a plus d’endorphines. C’est ce qui me permet de penser, j’en suis persuadé, qu’avec l’endorphine, il y a moyen de traiter tous les problèmes de dépendances, et de dépression. Et quand on ne peut plus courir, il faut arriver à des activités alternatives même si la sensation d’endorphines est la plus forte avec la course à pied.

Vincent Rousseau dans son fief de Font Romeu

Vincent Rousseau dans son fief de Font Romeu

. Ce trou noir n’est pas survenu de suite après la fin de ta carrière. Mais bien plus tard. Quelles ont été les raisons ?

Je suis passé par une phase difficile, la perte de mes parents, de ma sœur, la séparation avec ma femme, tout cela en trois ans de temps, j’avais complètement arrêté le sport. J’avais ma sœur dans un hôpital, mon père dans un autre. J’avais trop d’éléments externes, je ne savais plus où donner de la tête. Il y avait tout en même temps. Et tout dans la souffrance. Que ce soit mon père, ma sœur. Elle a eu un cancer long, elle ne pouvait plus s’alimenter, pendant un an. La fin était inéluctable. Elle avait parlé de se faire euthanasier, et elle est partie juste avant. Elle nous a fait ce cadeau-là. Ce sont des phases de vie difficiles.

. Passé cet épisode douloureux, il y a donc eu une reprise en main corporelle ?

Oui, car si tu te laisses aller sur la santé, ce n’est pas bon (il interroge sur ce que sont devenus les Arpin, Pantel, Chauvelier… ). Je me suis mis à beaucoup grossir, j’étais mal dans ma peau. Je me suis dit que si je continuais à prendre du poids, j’étais foutu. Car on rentre dans une forme de dépression. Les anti-dépresseurs sont toxiques, les gens génèrent des dépendances. On peut se retrouver avec des problèmes cardiaques alors que ton gosse (il est âgé de 9 ans) a besoin de toi. J’ai repris par le sport. Je viens de passer deux mois à Font Romeu pour perdre du poids. J’ai refait de la marche nordique, du ski de rando, des montées de pistes d’alpin en raquettes. Il me reste encore dix kilos à perdre avant de pouvoir recourir.

. Dernièrement, tu as investi dans une start up qui a mis au point des programmes de remise en forme par le sport. Cet investissement est-il lié à ton parcours personnel ?

La base technologique a été développée pour le running, mais je voudrais pouvoir traiter toutes les dépendances. C’est une autre philosophie que les médicaments. Car quand je vois les dégâts des médicaments, de l’alcool, du tabac. Mais il faut que les gens soient motivés. Quand on passe une période avec des anti-dépresseurs, c’est difficile. C’est un autre état d’esprit. Ca a marché pour moi.

. On connaît ta passion pour la photographie. Dernièrement, tu t’es lancé dans un projet très éloigné du sport, celui de photographier la collégiale de Mons. Pourquoi avoir mené un tel projet qui a duré une année ?

Par désoeuvrement. J’ai voulu éditer un livre dédié à ma sœur, car je savais qu’elle allait partir, et qu’elle aimait ce genre de choses. Cela m’a également permis de m’isoler et de me déconnecter par rapport au sport. L’œuvre de Jacques Du Broeucq est magnifique, mais mal mise en valeur. J’ai fait les photos de toutes les sculptures en albâtre de Du Broeucq (lors de la séance photo réalisée dans la collégiale de Mons, il tient à préciser qu’il est agnostique pour éviter tout malentendu). J’étais arrivé à un excellent niveau. J’ai présenté un dossier pour Mons 2015, capitale européenne de la culture. Mais dans Mons 2015, tous les projets étaient politisés. On n’était pas jugés à la qualité d’un dossier, on était jugés par les soutiens. En fait, j’aurais été un peu trop médiatisé, et ça aurait fait de l’ombre à d’autres.

Vincent Rousseau à Helsinki en 1994

. Comme dans le sport, avec ce travail artistique, cherchais-tu une forme de reconnaissance ?

Oui, un petit peu. Pour autre chose que le sport. Mais je ne l’ai pas eue. Montrer que l’on est capable de faire autre chose que du sport.

. Aujourd’hui accepterais-tu une invitation pour assister à un grand meeting tel que celui de Bruxelles ?

J’y suis retourné une fois. L’an passé, on m’a demandé de parler de l’historique de Van Damme. J’ai revu les courses d’Ivo, il aurait dû gagner le 800 mètres. Aux J.O. de Montréal, la Belgique avait un athlète dans chaque discipline, du 800 m au marathon. On n’aura plus jamais ça. C’était vraiment l’âge d’or de l’athlétisme belge.

. Il y a une forme de désabusement dans tes propos

Maintenant, je regarde les courses anciennes sur internet, mais je ne regarde plus les meetings. Je m’informe, je regarde les chronos, mais je ne regarde plus les courses. Pour moi, quelqu’un qui regarde le Tour de France, quelque part, il est coupable. Pour un meeting d’athlé, c’est pareil. Il est complice.

Vincent Rousseau « dans ma malchance, j’ai eu beaucoup de chance »


> Interview réalisé à Jurbise par Odile Baudrier et Gilles Bertrand- Photos Gilles Bertrand

 

Vincent Rousseau en 1994 à Helsinki

Vincent Rousseau en 1994 à Helsinki

 

Vincent Rousseau en 1992 lors des J.O. de Barcelone

Vincent Rousseau en 1992 lors des J.O. de Barcelone