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Susan Jeptooo, suspendue 18 mois POUR DOPAGE

C’est pour une utilisation d’heptaminol, un produit de la catégorie des stimulants, que Susan Kipsang Jeptooo est suspendue, pour une durée de 18 mois. A sa charge, un contrôle positif effectué le 4 septembre 2021, lors du Championnat de France de 10 km de Langueux, où elle avait terminé 2ème. Quelques semaines après ce contrôle positif, la marathonienne avait été mise en examen pour des faits d’obtention et détention illicite de substances psychotropes et obtention et détention de faux documents administratifs en relation avec le Kenyan Nicholas Chumba.

« 10 km de Langueux, c’est ma course préférée ». Le 4 septembre 2021, Susan Jeptooo poste ce message sur son compte Facebook. L’athlète de St Julien 74 renoue avec la compétition tout juste un mois après son marathon des Jeux Olympiques de Tokyo, où elle était la seule représentante française sur la distance, et qu’elle a terminé à la 36ème place.

Ce 10 km de Langueux, elle le connaît bien, elle y a couru de multiples fois depuis 2017, et c’est même sur ce circuit connu pour sa rapidité, qu’elle a établi son record sur la distance, 31’57’’ en 2018.

En ce début septembre 2021, Susan Jeptooo ne sait pas encore qu’elle est en réalité sous surveillance des gendarmes de l’anti-dopage, avec son téléphone sur écoute depuis plusieurs mois, suite à l’interpellation de Nicholas Chumba. Ce Kenyan s’était retrouvé dans les « radars » de l’OCLAESP après qu’il ait identifié par plusieurs personnes comme le coureur dénommé Kennedy Kipyego, qui avait été contrôlé positif à la testostérone en avril 2016 au marathon d’Annecy. En avril 2019, l’OCLAESP effectue une perquisition au domicile de Chumba à Roanne, et le contrôle effectué à cette occasion révèle la présence de nandrolone.

Une perquisition surprise, basée sur des écoutes téléphoniques

Les enquêteurs de l’OCLAEPS remontent alors jusqu’à Susan Jeptooo, à son mari, Jakob Kipsang, et à son entraîneur Harzouz Saadi. Le trio se retrouve sous surveillance, sans le savoir, et mi-octobre, leur surprise est grande lorsque tous les trois se voient interpellés à leur domicile, au petit matin, pour une perquisition et mise en garde à vue. En cause, des éléments liés au dopage, mais aussi à des trafics divers, fausses identités, fausses ordonnances, faux certificats médicaux.

Mi-novembre, à la parution de l’article sur spe15.fr, qui révèle cette interpellation, Susan Kipsang Jeptooo et Jakob Kipsang, son mari, prennent contact avec moi par Messenger pour expliquer que « Nicholas Chumba a volé le certificat médical de Susan en 2018, et que le couple l’a appris lorsque la police est venue chez eux en octobre 2021 ».

Mais cette justification se voit mise à mal avec l’annonce officielle, le 22 novembre 2021, de la mise en examen de Susan Kipsang Jeptooo, Jakob Kipsang, et de Harzouz Saadi. Le Procureur de la République de Roanne a validé les accusations d’obtention et détention illicite de substances classées comme psychotropes, et obtention et détention de faux documents administratifs (identités, ordonnances, certificats médicaux).

La rumeur d’un contrôle positif au France de 10 km

En parallèle de ce volet judiciaire, d’autres informations font état d’un contrôle positif de Susan Jeptooo, et la rumeur pointe autour du Championnat de France de 10 km de Langueux. Le contrôle effectué à la fin de l’épreuve n’éveille visiblement aucune inquiétude de la coureuse, et le 26 septembre, elle s’offre même le luxe de s’aligner à deux épreuves le même jour, le 10 km Adidas à Paris, elle finit 2ème, et le Championnat de France d’Ekiden. Elle y effectue le dernier relais, et rafle le titre avec ses coéquipières de Athlé St Julien 74.

La voilà auréolée de deux podiums sur un France en quelques semaines, qui s’ajoute à celui obtenu à Pacé en 2020 sur le France de 10000 mètres. Car paradoxalement, cette coureuse habituée des places d’honneur sur les épreuves françaises les plus réputées a rarement disputé les Championnats de France, hormis en cross.

Ce n’est qu’après sa naturalisation, obtenue en septembre 2019, que Susan Jeptooo apparaît vraiment au grand jour. Elle a réalisé 2h29’ au marathon au printemps 2019, et devient ainsi une sérieuse prétendante à l’Equipe de France olympique. Début 2020, elle renouvelle ce chrono, avec 2h28’48’’ au marathon de Marrakech, et obtient le sésame pour Tokyo.

Un chrono surprenant ? Oui et non. Certes, elle a réalisé 2h40’ pour son premier marathon, en avril 2016, et elle est tombée à 2h30’ dès l’année suivante, mais elle a ensuite descendu les minutes très très progressivement, avec 2 minutes gagnées en 3 ans, entre 2017 et 2020.

Son entraîneur Harzaouz Saadi plaide la naïveté

Une évolution très logique pour son entraîneur Harzouz Saadi, qui la conseille depuis 2014, et qui affiche un discours offensif contre le dopage. Il sera même garant de la jeune femme pour qu’elle soit intégrée en avril 2019 dans le programme Quartz Elite avec de grands noms de l’athlétisme français. Il obtient ce sésame au nom de son amitié avec Pierre Sallet, le créateur de Quartz Elite, avec lequel il a pratiqué plusieurs années de triathlon dans les jeunes catégories.

Harzouz Saadi affirme alors : « Oui, il y a toujours de la suspicion autour des performances des Kenyans ou Kenyanes. Mais moi, pour Susan, je n’ai jamais eu aucun doute. » Il fait fi des réserves formulées par Pierre Sallet lorsqu’il constate des anomalies sur les analyses fournies par Susan Jeptooo, à son entrée dans Quartz. En mai 2021, très discrètement, l’équipe de Quartz décide même de faire sortir Susan Jeptooo du programme Quartz Elite, inquiète des résultats de ses analyses, et informée de rumeurs sur la recherche par la marathonienne de produits interdits.

En octobre 2021, l’entraîneur se voit lui aussi mis en cause par l’enquête de l’OCLAESP. Il soutient alors qu’il a rompu les relations avec Susan Jeptooo, car alertée par son comportement erratique, durant un long stage au Kenya à l’automne 2020, et également par sa performance lors du test de 30 km effectué pour sa sélection olympique au printemps 2021. Il affirme avoir été surpris par sa forme alors qu’elle est blessée depuis plusieurs semaines. Toutefois, en réalité, Harzouz Saadi n’a vraiment pris ses distances qu’après sa garde à vue le 13 octobre 2021.

Un contrôle positif demeuré secret

Durant toute la période de l’automne, où Susan Jeptooo, son mari, et son coach, sont apparus en difficulté avec la justice, l’annonce officielle de son contrôle positif n’est jamais apparue. L’AFLD, fidèle à son habitude du secret, n’a nullement communiqué et ce n’est que début juin 2022, que la rumeur se voit confirmée lorsque la marathonienne apparaît devant la Commission des Sanctions. Et encore, ce n’est que parce que ce jour-là, le cas de l’escrimeur Daniel Jerent est débattu en audience publique, que Stefan Lhermitte, présent pour l’Equipe, aperçoit la jeune femme, qui comparait seule, sans avocat, seulement accompagnée par un interprète.

C’est donc de l’heptaminol qui a été retrouvé dans ses urines lors du contrôle de Langueux. Un stimulant que l’on retrouve aussi dans les médicaments pour la régulation veineuse, et qui figure dans la liste S6 de l’Agence Mondiale Anti Dopage. Avec à la clef, une sanction plutôt modeste, 18 mois.         

L’heptaminol, le dopage à l’ancienne

A quoi sert l’heptaminol et pourquoi le classer dans les produits dopants ? Pour ses vertus stimulantes, comme le rappelait le professeur Audran lors du contrôle positif subi par le nageur Alain Bousquet, qui parlait d’ailleurs de « dopage à l’ancienne ».

Au printemps 2017, une autre Française, Christel Dewalle avait, elle aussi, été positive à ce produit, et Pierre Sallet avait insisté sur le fait que l’heptaminol était utilisé en cas d’insuffisance du retour veineux, avec présence de varices ou hémorroïdes.

Pierre Sallet expliquait aussi que « l’effet stimulant ne peut être nié, l’heptaminol apporte un effet « boost » sur une performance, rapide mais dans une plage de temps réduite.  Et l’effet stimulant s’estompe très vite avec la demi-vie de la substance, à peine quelques heures. »

Certes les indications médicales ne peuvent être balayées, mais elles n’ont visiblement pas été retenues pour Susan Kipsang Jeptooo, qui a pris le temps de constituer un dossier pour sa défense. Mais la Commission des sanctions n’a pas retenu ces éléments et a prononcé une sanction de 18 mois. A titre de comparaison, en 2010, le nageur Alain Bousquet avait reçu 2 mois, et en 2017, Christel Dewalle, la sanction avait été de quatre mois.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : DR