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Le couple Serra-Boxberger dans la tourmente de la justice

C’est un nouveau rebondissement, de taille, dans l’affaire du contrôle positif d’Ophélie Serra Boxberger de septembre 2019. Le journal l’Equipe vient de révéler que l’athlète et Jean Michel Serra, son mari, ont été mis en examen depuis septembre 2023, pour plusieurs motifs liés à des faux et usage de faux, falsification d’analyses… Egalement mis en examen un cardiologue, de la famille de l’athlète, alors qu’a contrario, Alain Flaccus, un temps accusé d’avoir injecté l’EPO à Ophélie, sa belle-fille, a été exonéré par l’enquête menée par l’OCLAESP.

Ce ne sont pas de nouveaux faits, ils remontent à l’automne 2023, mais ce n’est qu’en ce mois de février 2025, grâce au travail de Marc Leplongeon, et Romain Donneux, journalistes pour l’Equipe, qu’émerge au grand jour la double mise en examen d’Ophélie Serra-Boxberger et de Jean Michel Serra, son mari, ainsi que d’un cardiologue de la famille de l’athlète.

Les juges du Pôle de Santé Publique de Paris ont été convaincus par le dossier bâti par les gendarmes de l’OCLAESP depuis le mois de novembre 2019. Ceux-ci interviennent alors en parallèle de la notification par l’AFLD à Ophélie de son contrôle positif à l’EPO constaté le 18 septembre.

Les éléments présentés dans l’article de l’Equipe dressent un tableau très sombre autour des pratiques de l’athlète, qui se voit mise en examen pour obtention de médicaments avec une ordonnance fictive, falsification/dégradation d’éléments relatifs au contrôle ou analyse antidopage, faux et usage de faux. Jean Michel Serra n’est pas en reste, avec aide au mésuage et ou à l’abus de médicaments, falsification d’analyse, rédaction d’une ordonnance litigieuse.

Ophélie Serra-Boxberger, des variations sanguines anormales depuis 2017

Selon les informations de l’Equipe, c’est en réalité dès 2017 que les experts médicaux de l’AFLD ont pointé du doigt la jeune athlète, avec les mentions de « dopage probable » et « profil suspect ». Puis à l’automne 2018, c’est le docteur Depiesse, en charge du suivi biologique à la FFA, qui s’interroge sur le « suivi biologique perturbé » d’Ophélie, et questionne le Docteur Serra, alors responsable du suivi médical à la FFA. Celui-ci se veut rassurant.

Toutefois il prend alors l’initiative d’écrire à l’AFLD pour se plaindre d’un nombre excessif de contrôles sanguins menés sur Ophélie, alors même qu’elle est en carence de globules rouges. Quelques mois plus tard, au printemps 2019, lorsqu’émerge la nouvelle d’une liaison entre Ophélie et le docteur Serra, (qui deviendra à l’été 2019 son compagnon officiel, et à l’été 2023 son mari), ce courrier apparaît particulièrement embarrassant…

Les problèmes sanguins demeurent comme un fil conducteur dans cette affaire. Déjà, en juin 2016, lorsqu’Ophélie connaît une contreperformance majeure au meeting de Montbéliard, elle invoque une carence en fer, qu’elle n’aurait pas soignée à temps, par oubli de prendre sa supplémentation habituelle.

Puis au printemps et été 2019, ce sont des pertes sanguines dûes à des problèmes gastriques, qu’elle avance pour justifier des performances erratiques. Le Docteur Serra va utiliser cette pathologie pour répondre à de nouvelles questions du Docteur Depiesse : celui-ci s’inquiète de son taux élevé de réticulocytes, que l’on sait relié à l’utilisation de produits dopants sanguins et/ou transfusions sanguines.

Au même moment, c’est une hyperferritinémie (excès de fer) que ses analyses présentent, et là encore, le Docteur Serra vient à son secours, pour la justifier par une trop forte consommation d’alcool, évoquant même un alcoolisme. Plus tard, il sera question d’une hémochromatose (maladie génétique).

Pas assez de fer, trop de fer, les repères vacillent et ne peuvent que troubler. Tout récemment, dans l’article publié dans l’Est Républicain, après la révélation de sa mise en examen, Ophélie Serra Boxberger se refuse à tout commentaire sur ce volet judiciaire, et les détails révélés par l’Equipe, mais veut à nouveau insister sur ses problèmes de saignements d’origine digestive et sur des crises de colique néphrétique. En parallèle, elle aligne des semaines à 190 km, pour se préparer à son premier marathon.

Jean Michel Serra, un médecin très amoureux et très accommodant

Jean Michel Serra a balayé une vie entière, une profession de médecin du sport et médecin de l’athlétisme français à la FFA, pour l’amour d’Ophélie. Et les écrits dévoilés par l’Equipe, s’ajoutant aux éléments déjà connus de cette affaire, laissent à penser qu’il a franchi la ligne rouge, pour protéger sa compagne.

D’abord en adoptant un rôle de défenseur systématique face à son confrère, le Docteur Depiesse, lorsque celui-ci s’interroge sur certaines irrégularités sanguines. Ensuite en écrivant un mail, très inhabituel à l’AFLD.

Mais il aurait été beaucoup plus loin, selon l’enquête de l’OCLAESP, en prescrivant du Ferriprox, un médicament utile comme chélateur du fer (traitement de la surcharge en fer secondaire à des transfusions sanguines, également en incitant Ophélie à l’abus de médicaments ou la conseillant mal (misuage).

Une dérive étonnante pour ce Médecin. Au printemps 2018, je l’avais interrogé pour un sujet sur les injections de fer. Elles sont interdites en France hors hôpital et l’on sait que des athlètes de haut niveau françaises effectuent parfois des allers-retours en Belgique pour se faire supplémenter. La réaction du Docteur Serra est alors sans ambiguïté : c’est une hostilité totale à de telles pratiques, compte tenu de possibles risques sur le long terme, estimant même que si une athlète doit y avoir recours pour mener sa carrière sportive, il est peut-être préférable qu’elle renonce au haut niveau.

La position est forte, et très peu en relation avec ses actes futurs auprès d’Ophélie, qu’il assiste envers et contre tout. Au prix même de son travail à la FFA, où il se voit licencié en décembre 2019, pour des manquements constatés durant le Championnat du Monde de Doha de septembre 2019, et même si son licenciement sera requalifié en abusif avec dommages et intérêts, sa carrière médicale dans le monde sportif est terminée.

Pourtant lorsqu’Ophélie est entendue par les gendarmes après son contrôle positif, elle accuse très vite son compagnon d’être l’injecteur de l’EPO parce qu’il avait pratiqué de la mésothérapie sur elle à plusieurs reprises à Font Romeu, pour soigner ses blessures aux tendons d’Achille et aux ischios. Et également parce qu’elle lui avait trouvé un mobile peu noble : lui faire arrêter l’athlétisme pour avoir un enfant avec elle. Elle se rétractera ensuite pour mettre en cause Jean François Ponthier, responsable fédéral qui a supervisé la fin de sa préparation à Font Romeu. Puis finalement Alain Flaccus.

Alain Flaccus, un bouc émissaire idéal

C’est à sa troisième audition et après avoir pris connaissance des déclarations d’Ophélie, qu’Alain Flaccus s’accuse d’avoir effectué une piqûre d’EPO à son insu durant un massage. Un scénario très improbable, et dès la fin 2019 et le début 2020, plusieurs éléments convergent pour dire qu’il a été bâti lors d’une réunion rassemblant Ophélie, sa mère, Alain Flaccus, qui auraient alors mis en harmonie leurs témoignages pour les faire concorder autour de cette idée.

Puis quelques mois plus tard, coup de théâtre, Alain Flaccus revient sur ses aveux, et nie toute implication dans ce dopage. Ce que l’enquête menée par l’OCLAESP va valider, les éléments lui confèrent simplement le statut de témoin assisté sans mise en examen.

Pourquoi Alain Flaccus a-t-il accepté de se laisser accuser par Ophélie ? En raison de leurs relations très particulières. Alain Flaccus est le beau-père de la jeune femme, depuis les années 2002, et également son entraîneur dans ses jeunes années d’athlétisme. Mais il est aussi l’homme qu’elle accuse d’abus sexuels durant son adolescence. Les actes menés contre Ophélie Claude-Boxberger avaient été sanctionnés en 2009 par une exclusion d’Alain Flaccus du club de Montbéliard et de la FFA. Sans que la Justice ne soit alors saisie, ou ne se saisisse. Ophélie affirme avoir souhaité porter plainte dès 2007, mais avoir été dissuadée par sa mère.

A l’automne 2020, Ophélie, épaulée par l’avocate Maître Béatrice Lobier-Tubin, dépose plainte pour viols. Mais les investigations menées par la Brigade de Recherches de Montbéliard, avec les interrogatoires de nombreux témoins de Montbéliard et alentours, ont abouti à un classement sans suite par le Procureur de Montbéliard, estimant que les éléments manquaient de précisions pour poursuivre Alain Flaccus.

Malgré tout, Ophélie maintient ses accusations, et tout récemment dans l’émission « Dans les Yeux d’Olivier » diffusée le 19 février 2025, elle parle même à plusieurs reprises de viols subis à l’adolescence, plus précisément de pénétration manuelle durant des massages, et sur une durée de 4 années.

Dans cette émission, tournée sur plusieurs périodes distinctes, Ophélie se présente en victime d’un déni de justice, d’abord dans l’affaire des abus sexuels, puis dans celle de l’empoisonnement dont elle a accusé Alain Flaccus, et qui est s’est également conclue sans sanction pour celui-ci. Toutefois, l’enquête de l’OCLAESP exonère Alain Flaccus, tout en pointant du doigt les dérives du couple Serra-Boxberger.

L’émission intitulée « Crimes sexuels, de victimes à suspectes » laisse ainsi Ophélie Claude Boxberger et Jean Michel Serra distiller beaucoup de contre-vérités sans aucune vérification ou contre-poids, et qui, dans le dossier dopage, apparaissent complètement démenties par les rapports d’enquête. Il n’est ainsi jamais mentionné que le couple est en réalité mis en examen depuis plusieurs mois…

Analyse : Odile Baudrier

Photo : D.R.