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Les soubresauts autour de l’affaire Makhloufi

La découverte à l’INSEP d’un sac appartenant à Taoufik Makhloufi contenant des médicaments et seringues provoque de sérieuses secousses tant en Algérie qu’en France, et l’affaire est suivie jusqu’aux Etats Unis. Jimmy Gressier, qui se voit critiqué par certains pour avoir ouvert ce sac, a reçu le soutien de quelques athlètes de renom, comme Renaud Lavillenie, Kevin Mayer, Melina Robert Michon, Hassan Chahdi… avec ce slogan « STOP LE DOPAGE.IL FAUT PARLER »

Jimmy G. C’est ainsi que l’équipe des journalistes de Flo Track, site américain dédié à l’athlétisme, désigne Jimmy Gressier, pour évoquer cette affaire Makhloufi. Car la découverte de médicaments et seringues dans un sac que plusieurs éléments matériels désignent comme appartenant à Taoufik Makhloufi agite aussi les aficionados de l’athlétisme aux Etats-Unis, où les deux sites de référence, Flo Track et Lets’Run, l’ont mentionnée.

Avec une approche très singulière de la part de Flo Track, qui a choisi comme titre pour sa vidéo : « Comment les prototypes Nike font partie de l’enquête sur Makhloufi ». En référence à l’explication donnée par Jimmy Gressier pour justifier l’ouverture du sac qui avait été déposé par Taoufik Makhloufi dans la chambre de Rami Guerra avant son départ en stage pour l’Afrique du Sud au mois de mars.

La surprise de Jimmy Gressier et Mehdi Belhadj

Un acte qu’il explique par l’envie d’y trouver un nouveau modèle des pointes déclinées par Nike pour son élite, qui ont tant fait parler cette année. Avec l’énorme surprise, partagée avec Mehdi Belhadj, d’y découvrir en fait des boîtes de protéines, des médicaments et des seringues, qui jettent le trouble bien qu’ils ne figurent pas parmi les interdits fixés par le code mondial antidopage.

Une curiosité que Jimmy Gressier a revendiquée haut et fort à travers un post sur Instagram. Et il n’en pas fallu plus pour provoquer une déferlante de commentaires très contrastée, entre soutiens forts pour son attitude et accusations de « délation ».

C’est bien sûr en Algérie que cette indiscrétion a été la plus mal acceptée. Othman Hadj Lazib, champion d’Afrique du 110 mètres haies en 2010, s’est fait le porte-parole de ce courant, allant même jusqu’à soutenir dans une vidéo diffusée sur son compte Facebook qu’il connaissait bien l’INSEP pour s’y être entraîné dans le passé, et qu’il pouvait citer des athlètes français coupables de dopage…

Plus tardivement, est apparu le soutien d’Ammar Bouras, ancien entraîneur d’Hassiba Boulmerka, qui appelle à la solidarité envers l’athlète par ce slogan « On est tous Taoufik Makhloufi », en estimant qu’il s’agit d’une histoire à dormir debout. Mais les initiés n’ont pas oublié que sa fille, Zahra, a été suspendue deux ans en 2012 pour dopage au stanozolol.

Toutefois dans une semaine où l’actualité algérienne a fourmillé d’évènements graves, avec l’hospitalisation du président Tebboune en Allemagne pour cause de covid, et l’abstention record pour le référendum sur la constitution, l’affaire Makhloufi est passée en deuxième plan, se stoppant pour le moment sur le communiqué publié par l’athlète. Il y dénonçait « une campagne calomnieuse » menée contre lui, un « athlète propre », et affirmait n’avoir « jamais touché aux produits dopants durant toute sa carrière ».

Philippe Dupont sous le choc, mais confiant dans son athlète

Paradoxalement, depuis la diffusion du sujet par Thierry Vildary sur Stade 2, le tumulte s’est surtout amplifié en France, à la faveur des interviews successives de Jimmy Gressier et Philippe Dupont, publiées par Marc Ventouillac dans l’Equipe. Elles lèvent le voile sur le contexte très tendu qui entoure cette affaire, où Philippe Dupont, entraîneur de Taoufik Makhloufi, soutient son athlète qui lui a affirmé qu’aucun produit n’était prohibé, et s’indigne de ne pas en avoir été informé officiellement, et l’avoir découverte dans les colonnes de SPE15, le 1er octobre.

Comme ce fut aussi le cas pour Kévin Hautcoeur, qui est le co-entraîneur avec Philippe Dupont de Pierre Amboise Bosse, et qui, selon nos informations, n’a pas apprécié les contacts établis avec l’AFLD par Adrien Taouji.

Le coach de Jimmy Gressier n’a pas hésité longtemps pour informer de la problématique Rémy Wallard, policier détaché auprès de l’AFLD comme responsable des contrôles hors compétition et du groupe cible, et toujours omniprésent dans les affaires de dopage en athlétisme de par son passé, neuf fois membre de l’équipe de France sur 400 m, champion d’Europe par équipe du 4×400 en 2005. Et par ricochet, allait intervenir la perquisition de l’OCLAESP à l’INSEP pour valider les éléments découverts.

Le ras le bol des athlètes face à l’omerta

Fallait-il en parler ? Oui et encore oui. Plusieurs acteurs de l’anti-dopage m’ont confirmé en off leur soutien à la démarche du duo Gressier-Taouji, et ont salué la revendication de Jimmy Gressier sur son engagement dans la lutte anti-dopage, comme l’a fait publiquement Christophe Bassons.

Toutefois les plus actifs sur le plan médiatique ont été les athlètes, avec le relais via Instagram, d’un Visuel affichant un slogan simple « STOP LE DOPAGE. IL FAUT PARLER », pour afficher leur volonté de ras le bol face à l’omerta qui règne autour des pratiques déviantes.

C’est ainsi dans la soirée du 5 novembre que le dessin de cet homme muni d’un grand porte-voix est apparu successivement sur les profils de Renaud Lavillenie, Kevin Mayer, Melina Robert Michon, Hassan Chahdi, Pascal Martinot Lagarde, Liv Westphal, Alexis Miellet, Baptiste Mischler, Alexandre Saddedine, Fabien Palcau, Dorian Coninx, Alessia Zarbo, et aussi Quentin Bigot, qui a justement été impliqué dans le dopage dans le passé.

Un geste symbolique très positif, même s’il est notable que quelques grands noms de l’athlétisme français n’ont pas suivi le mouvement. Et que l’establishment fédéral demeure, à ce jour, étonnamment discret.

  • Texte : Odile Baudrier