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Les no shows, une technique anti-dopage à la loupe

L’annonce de possibles sanctions à l’encontre de près de 30 athlètes italiens, mis en cause pour des « no shows », (absences lors d’un contrôle anti-dopage inopiné ou non respect de l’obligation de localisation) a relancé le débat autour de cette méthode, et des contraintes qu’elle impose aux athlètes. Deux athlètes français, Teddy Tamgho et James Theuri, ont été suspendus en application de cette règle. Analyse de ces deux cas.

James Theuri

James Theuri

 

Bernard Amsalem est formel, l’obligation de localisation faite aux athlètes est une «  contrainte énorme pour les individus ». Tellement lourde à ses yeux que le Président de la FFA donne toutes les excuses à Teddy Tamgho, victime de cette règle et suspendu pendant un an pour trois contrôles manqués en 18 mois. Comme le fait également Philippe Rémond, le manager du marathon français, à l’égard de James Theuri, lui aussi sanctionné pour une année, faute de s’être localisé auprès de l’AFLD, comme exigé.

Pourquoi une telle mansuétude à l’égard du triple sauteur et du marathonien ? Parce qu’il peut sembler très compliqué de respecter au quotidien l’obligation d’être présent à heure fixe à un lieu programmé. L’athlète doit préciser via le logiciel « Adams » au début de chaque trimestre l’heure et le lieu où il prévoit d’être disponible pendant une heure pour chaque journée des trois mois à venir pour répondre à l’éventuelle sollicitation d’un contrôleur anti-dopage. Cela paraît effectivement très rigide. Mails il convient de noter que cette trame définie pour un trimestre complet peut être modifiée à tout moment en accédant au logiciel « Adams » pour communiquer ces changements, soit d’horaire, soit de lieu, suite par exemple à un nouveau planning, ou à des imprévus dans l’emploi du temps. Ceci tout de même au plus tard la veille du jour concerné. Des règles draconiennes évidemment lourdes à respecter pour les athlètes, même si seuls des athlètes d’élite sont concernés, selon une liste définie par l’IAAF à partir des TOP athlètes de chaque évènement, ou par l’AFLD pour la hiérarchie française.

Teddy Tamgho, trois fois absent en 15 mois

Alors, pour quelles raisons Teddy Tamgho a-t-il été suspendu par la FFA ? Car l’IAAF avait constaté son absence lors de contrôles inopinés, à trois reprises : le 19 décembre 2012, le 28 janvier 2014, et le 18 mars 2014. Soit trois manquements en 15 mois (la règle s’étale sur 18 mois). A noter que le triple sauteur figurait dans le groupe cible de l’IAAF depuis mars 2009, et donc soumis à cette procédure depuis cette date.

Le contrôleur s’étant présenté à ces trois occasions ne pouvait que constater l’absence de Tamgho au lieu et heure fixés. Pour chacun de ces loupés, l’IAAF proposait à Teddy Tamgho de se justifier dans un délai de 14 jours, mais le triple sauteur ne contestait pas les deux premiers dans le délai fixé. C’est ultérieurement qu’il revenait à la charge pour indiquer ne pas avoir entendu le contrôleur sonner à sa porte lors de sa visite de janvier 2014.

Pour son 3ème contrôle manqué, le triple sauteur indiquait s’être rendu de manière inopiné à Madrid pour y rencontrer son entraîneur et n’avoir pu accéder ni avec son téléphone, ni avec son ordinateur au logiciel Adams pour modifier sa location. Un argument technique pris en compte par la FFA qui estimait qu’il s’agissait plus d’une négligence de sa part que d’une volonté d’échapper au contrôle anti-dopage.

Mais il reste que la FFA n’avait pas d’autre choix que de prononcer une sanction en accord avec les règles de l’IAAF, et de suspendre son athlète…

James Theuri, jamais localisé

Le cas de James Theuri n’est pas tout à fait semblable. Le marathonien, qui relevait lui du groupe cible de l’AFLD, a été sanctionné pour n’avoir pas respecté les règles de la localisation. Comme le révèle le procès verbal de l’AFLD, James Theuri n’a pas transmis les informations exigées (horaire et lieu) pour le 1er trimestre 2013, puis pour le 4ème trimestre 2013, le 1er trimestre 2014 et le 2ème trimestre 2014. Ce sont ces trois manquements qui ont conduit l’AFLD à réagir auprès de la FFA pour obtenir une sanction. Toutefois, la FFA décidait de relaxer James Theuri, prenant en compte ses arguments, à savoir une mauvaise maîtrise du français, et surtout le fait qu’il n’était pas rôdé à cette technique, habitué à ce que son ex-entraîneur Jean François Pontier l’effectue à sa place, et se retrouvant ainsi démuni après leur séparation.

Mais l’AFLD ne l’entendait pas de cette oreille et se saisissait du dossier de James Theuri. Comme l’explique Michel Marle, le responsable de l’anti-dopage à la FFA : « Il ne peut pas y avoir en France une connivence comme celle notée à l’IAAF. Ici, tout le monde s’observe. L’AFLD peut questionner sur toute sanction. Le Ministère aussi peut demander des comptes. »

C’est ainsi que James Theuri se voyait suspendu pour un an par l’agence anti-dopage, avec une sanction s’achevant dans quelques jours, le 23 décembre 2015. Le marathonien n’a plus maintenant qu’à respecter à la lettre la procédure prévue pour valider sa reprise. Avec l’obligation d’effectuer 3 contrôles anti-dopage analysés par un laboratoire labellisé, et un entretien avec un médecin habilité. Cet entretien s’inscrit exclusivement dans une démarche morale, et non pas physique, souligne Michel Marle : « Pour un athlète ex-dopé, on insiste sur la vigilance dans ses médicaments, et on l’incite à l’honnêteté. Dans le cas de James Theuri, on va lui rappeler qu’il ne doit surtout pas oublier ses obligations dans le futur, pour éviter un nouvel imbroglio. »

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand