Le podium de la honte ! C’est le sentiment que dégage ce nouveau remaniement du résultat du 800 mètres des Jeux Olympiques, suite à une nième suspension pour dopage de ses participantes russes. Cette fois, c’est Ekaterina Guliyev – ex Poistogova, la médaille d’argent qui est sanctionnée. Elle n’avait en réalité terminé que 4ème mais avait été reclassée à la 2ème place après la suspension de ses compatriotes, Savinova et Arzhakova.
Treize ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour que le podium du 800 mètres olympique de Londres soit revu après la sanction des trois athlètes russes en course ce jour-là, le 11 août, au stade olympique. Après Mariya Savinova, victorieuse, Yelena Arzhakova, 3ème, c’est maintenant Ekaterina Poistogova qui voit son dopage de l’année olympique démasqué, et cette médaille d’argent qui lui avait été réattribuée en septembre 2018 lui être retirée. Ainsi cette finale olympique voit elle les noms des trois Russes complètement gommés.
Ekaterina Poistogova s’est battue près de trois ans pour que cette sanction ne lui soit pas imputée, mais l’Athletics Integrity Unit a obtenu gain de cause auprès du Tribunal Arbitral du Sport où la jeune femme, qui se nomme maintenant Ekaterina Guliyev, avait porté recours en avril 2024. Sans vergogne, compte tenu de son passé plutôt sulfureux question dopage.
Une première suspension de 2 ans en 2015
Car en août 2015, World Athletics l’avait mise en accusation pour l’utilisation de plusieurs produits dopants, de l’EPO en 2012, des peptides en 2013 et de l’oxandrolone en 2014, faits établis à partir de l’analyse des données collectées dans l’affaire du dopage étatique de la Russie. Mais l’appel déposé par Ekaterina Poistogova auprès du TAS lui avait permis d’obtenir une certaine mansuétude. Les experts du TAS avaient estimé que seul l’usage de l’oxandrolone de 2014 devait être sanctionné. D’où une suspension de deux ans, et la simple suppression de ses résultats entre octobre 2014 et août 2015.
Une mesure peu satisfaisante pour World Athletics puisqu’elle ne provoquait pas la perte de ses résultats de l’année 2012, et surtout ceux des Jeux Olympiques de Londres. Car en réalité, cette année-là, elle n’avait couru qu’en Russie, une bonne méthode pour éviter les contrôles anti-dopage des meetings.
Deux échantillons de 2012 déclarés négatifs à tort
C’est ainsi qu’en juillet 2022, l’Athletics Integrity Unit reprenait les éléments. Elle identifiait deux échantillons prélevés en juillet 2012, qui avaient alors été déclarés négatifs par le laboratoire de Moscou, corrompu, et qui contenaient en réalité de la boldenone, de landrosta-triene-dione, et de la DHEA.
Démarrait alors une nouvelle procédure qui s’est achevée en ce mois de juin 2025, avec une suspension de 4 ans, et l’annulation des résultats des années 2012 à 2014. Soit la perte de la médaille d’argent de Londres, plusieurs victoires sur des meetings importants, comme à Oslo en juin 2013, la Coupe d’Europe par équipes de juin 2014.
La demi-fondeuse se nomme maintenant Guliyev et représente la Turquie
Est-ce important de savoir 13 ans plus tard que la tricherie du dopage a entaché le podium olympique de Londres et de voir ces performances annulées ? Oui, par souci d’équité sportive. Mais les conséquences seront faibles pour Ekaterina Poistogova, qui ne va évidemment pas restituer l’argent reçu de la Russie après sa médaille, et les primes des meetings.
Entretemps, elle a opté pour la nationalité turque. A son retour de sa première suspension, en août 2017, Ekaterina Poistogova n’a encore que 26 ans, mais la Russie se voit interdite de compétition internationale depuis 2015 suite justement à ce dopage d’Etat mené pendant plusieurs années par les élites sportives du pays.
Elle fait alors le choix de la Turquie, pays qu’elle représente depuis mai 2021, et on la retrouve ainsi sous le nom de Guliyev dans l’équipe nationale pour les Championnats Balkans, les Jeux Méditerranéens, mais également au Championnat d’Europe de Munich en 2022, où elle sort en demi-finale du 800 mètres.
Thomas Bach et le CIO, toujours très complaisants avec la Russie
Cette affaire étonnante démontre aussi l’attitude trouble du Comité Olympique International qui n’a pas hésité à attribuer la médaille d’argent à cette athlète, qui avait déjà fait l’objet d’une suspension, et pour laquelle la Commission d’enquête de l’AMA avait demandé à l’automne 2015 une suspension à vie, compte tenu des informations reçues grâce au rapport Mac Laren.
Mais cette réquisition, qui concernait quatre entraîneurs russes et cinq demi-fondeuses russes, était tombée dans les oubliettes, et le Comité International Olympique avait fait preuve d’une mansuétude étonnante pour accepter de déclarer Ekaterina Poistogova médaillée d’argent alors que dans d’autres cas, les titres et podiums n’ont pas été réattribués. Et cette décision choquante ternit finalement à nouveau le podium de ce 800 mètres…
- Analyse : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand