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L’athlétisme déraille aux Etats-Unis, entre faillite du circuit de Michael Johnson et dopage des athlètes des Enhanced Games

Un circuit en faillite et une compétition de dopés. L’actualité de l’athlétisme américain brille par les annonces autour de ces deux arnaques. Le Grand Slam Track avait été créé au printemps par Michael Johnson, pour mieux rémunérer les athlètes. C’est finalement un échec complet, trois meetings seulement, et maintenant l’annonce de sa faillite financière. Les Enhanced Games ou Jeux des Dopés de mai prochain à Las Vegas revendiquent la reconnaissance d’une étude clinique pour doper leurs participants et lèvent des millions pour se financer.

Les ambitions de Michael Johnson étaient immenses et en lançant son projet du Grand Slam Track, l’ancien athlète n’avait pas trouvé de mots assez durs pour fustiger le fonctionnement de la Diamond League portée par World Athletics. Pour le quadruple champion olympique, les athlètes apparaissaient comme les laisser pour compte du système, car insuffisamment payés. D’où une valse des chiffres avec des cachets annoncés à 100.000 dollars pour les vainqueurs, et un total de 12.8 millions de dollars, du jamais vu en athlétisme.

Pourtant très vite, le doute allait s’insuffler à la faveur du premier meeting, à Kingston en Jamaïque. Etonnamment, dans ce pays où l’athlétisme est élevé au premier rang, le public était absent. Le ton venait d’être donné et il ne fallait que quelques semaines pour comprendre que les donnes n’étaient pas aussi fiables que voulait bien le clamer Michael Johnson, en particulier sur l’engagement financier des partenaires, annoncé à un budget de 30 millions de dollars.

L’aventure s’achevait après seulement trois meetings (Kingston – Miramar en Floride – Philadelphie), avec l’annulation de celui de Los Angeles. De suite il émergeait les inquiétudes des athlètes et de leurs managers sur les paiements des primes promises. Mais Michael Johnson se montrait toujours très rassurant.

Une faillite officielle, un moyen pour pouvoir poursuivre sans payer les dettes

Jusqu’à cette fin novembre 2025, où il proposait aux athlètes d’accepter un paiement de 50% seulement des primes promises, soit la somme qu’il venait de leur verser en septembre. Une méthode à laquelle Sebastien Coe opposait un refus total, en rétorsion à toutes les attaques menées par l’ancien spécialiste du 400 mètres contre World Athletics. Et mi-décembre, le pire arrivait avec la demande du Grand Slam Track de bénéficier du régime de la faillite, une méthode utilisée aux Etats Unis pour pouvoir poursuivre le projet mais sans que les créanciers actuels soient entièrement payés.

Le dossier déposé à l’appui allait encore plus décrédibiliser Michael Johnson. Les chiffres fournis démontrent en effet que les dettes les plus importantes ne concernent pas les athlètes mais divers prestataires liés à la communication et au graphisme. Pour un projet qui visait à placer les athlètes en numéro 1, c’est plutôt raté…

Les athlètes moins payés que les agences de communication

Ainsi la tête de liste revient à deux sociétés de communication qui affichent une dette de plus de 4.2 millions de dollars, alors que les athlètes pointent loin derrière : Sydney Mc Laughlin-Levrone, recordwoman du monde du 400 m haies, n’est que la 5ème sur la liste avec une somme de 356.000 dollars – Gabby Thomas, championne olympique du 200 m, pointe en 11ème position, avec 249.000 dollars.

Autre élément gênant dévoilé par ce dossier (public aux Etats-Unis) : la triple championne du monde Melissa Jefferson Wooden apparaît avoir Mark Block comme manager. Or cet Américain a été interdit par USADA pendant 10 ans suite à son rôle dans l’affaire Balco, accusé de trafic de produits dopants. Une proximité de plus très embarrassante pour la sprinteuse, entraînée par le sulfureux Dennis Mitchell.

Les athlètes des Enhanced Games transformés en cobayes du dopage

Sans l’élection de Donald Trump et sans la puissance apportée ainsi à son fils Donald Trump Jr, les Enhanced Games auraient-ils vraiment vu le jour ? La question reste sans réponses, mais l’accueil très positif donné par Donald Trump Jr, pour ces Jeux des Dopés, qu’il finance de plusieurs millions de dollars, et admet à s’installer à Las Vegas a bien sûr boosté ce projet.

Les noms des participants tombent au compte-gouttes, mais le mal est déjà fait : l’idée loufoque a fait son chemin dans le grand public. Ainsi en France l’annonce de Mouhamadou Fall de sa participation aux 100 mètres a apporté un gros focus médiatique qui sème le doute sur les vrais risques du dopage, sur les raisons de son refus, et accrédite l’opinion que finalement, le dopage doit être banalisé.

Mouhamadou Fall s’est justifié par un argument subtil : il est curieux de connaître ses propres limites. Sans oublier non plus son autre très forte motivation : l’argent. Le 15 décembre, sur Instagram, il dévoile ainsi avec fierté sa voiture, une magnifique BMW, avec cette légende : « Revanche sociale »…

Mais pour Fall, comme pour les autres sprinters, et nageurs, cette manne financière aura une contrepartie : l’acceptation de prises de produits dopants. Les athlètes seront en effet contraints de suivre le protocole fixé par l’équipe médicale des Enhanced Games. Il s’agira de prises d’EPO, hormone de croissance, testostérone, stéroïdes anabolisants, meldonium,  stimulants Modafinil et Adderall selon les choix des médecins, comme ils l’ont détaillé sur le site de l’évènement.

Le tout dans un cadre plutôt particulier, puisque les organisateurs des Enhanced Games ont annoncé qu’ils sollicitaient un accord IRB pour faire admettre ce projet comme une étude clinique de recherche. De telles études ne sont pas si rares et les chercheurs obtiennent régulièrement des accords pour évaluer les effets de tel ou tel produit. Mais dans ce cas, ce serait la première fois que les sportifs ainsi dopés seraient autorisés à effectuer une compétition, complètement « chargés ».

Une opération financière appuyée sur une fusion et le Nasdaq

L’objectif du projet s’avère purement financier : il s’agit de vendre à Monsieur et Madame Tout le Monde ces produits ainsi testés dans l’optique d’améliorer leur santé au quotidien. Et c’est d’ailleurs déjà possible d’acquérir sur le site des Enhanced Games des produits à base de testostérone. Avec ce slogan : « Nous allons rendre plus facile de vivre une meilleure vie » et par exemple, vous aider car vous vous sentez trop vieux. Ce marché-là, une autre idée du new age, est évidemment immense et très juteux…

Les Enhanced Games ont déjà lancé leur introduction à la bourse du Nasdaq dans le cadre d’une opération de fusion d’un montant de 1.2 milliard de dollars. L’opération devrait leur rapporter 200 millions de dollars de recettes. C’est avec cet argent qu’elle pourra assumer le coût des Enhanced Games, entre primes athlètes, paiement des équipes médicales.

Un montage fiable ou dans la lignée du Grand Slam Track ??

  • Analyse : Odile BAUDRIER
  • Photos : DR.