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Breaking 2 : un échec pour Tadese et Desisa, une réussite pour Kipchoge

Le projet Breaking 2 a été une superbe réussite pour Eliud Kipchoge, mais ne s’est pas concrétisé de si belle manière pour ses deux compagnons, Tadese et Desisa, qui achèvent le marathon en 2h06’ et 2h14’. Pour l’Américain Steve Magness, voilà la confirmation que l’entraînement n’est pas une science totalement exacte…

BREAKING 2 LE TRIO R

Un succès – une performance moyenne – un échec. C’est ainsi que l’entraîneur américain Steve Magness résume les performances du Breaking 2, s’achevant par les 2h00’25’’ d’Eliud Kipchoge, les 2h06’51 de Tadese, les 2h14’10 de Lelisa Desisa.

Ces performances contradictoires inspirent une réflexion très intéressante à l’entraîneur : « Nous ne pouvons pas affirmer que la nouvelle méthode de préparation ait aidé Kipchoge, pas plus que nous ne pouvons dire que cela ait handicapé Desisa ». D’où une conclusion pleine d’humilité : « Cela montre que la prédiction de la performance et l’optimisation sont vraiment très difficiles ».

Il est certain que depuis le lancement de ce projet, le trio apparaissait dominé par Eliud Kipchoge, alors que ses deux alter ego semblaient peu en relation avec le niveau qu’exigeait l’ambition de passer sous les 2 heures. Dès le départ, le choix de Tadese, recordman du monde du semi-marathon (58’23 »), mais valant seulement 2h10’ sur marathon, et celui de Lelisa Desisa, (2h04’45 » pour son 1er marathon mais qui n’avait plus couru la distance depuis 2 ans), avait suscité des commentaires négatifs.

Un trio choisi parmi 60 coureurs

Toutefois, comme le souligne Steve Magness, leur sélection n’avait pas été faite à la légère par les équipes Nike, qui avaient d’abord défini un groupe de 60 athlètes d’élite, restreint ensuite à 18 personnes, qui allaient être soumises à une batterie de tests, VO2 max, économie de course… Et c’est à partir des résultats de ces tests, et de leurs performances en compétition, que les trois hommes avaient été retenus. Ce qui confirme aussi à Steve Magness l’écart existant entre les tests physiologiques et la prédiction de performances.

L’entraîneur s’attarde particulièrement sur le cas de Tadese, qui vaut 58’23’’ sur semi-marathon, actuel record du monde de la distance, qui affiche une VO2 Max élevée, et une économie de course parfaite, et qui pourtant n’est jamais descendu sous les 2h10’ sur marathon « officiel », et a atteint à Monza 2h06’. Avec cette question très intéressante : « qu’est-ce qu’on ne peut pas mesurer et qui freine Tadese ??

Pour lui, cette expérience donne une vraie leçon aux spécialistes de l’entraînement, à savoir que les analyses de laboratoire ne permettent de prédire les chronos qu’avec 2 à 5 minutes d’écart. C’est énorme ! Et cela devrait obliger évidemment à une certaine humilité tous les spécialistes de l’entraînement qu’il invite à essayer de mieux comprendre la performance au-delà des variables habituelles que sont la VO2 Max, l’économie de course, les taux de lactate.

L’expertise de Kipchoge et Sang, son entraîneur

En contrepoint à cette analyse, Steve Magness souligne la fiabilité extrême de la performance atteinte par Eliud Kipchoge et son entraîneur, Patrick Sang, qui a permis au marathonien de devenir un métronome du marathon. Car le champion olympique dévoile une régularité sur la distance clairement exceptionnelle après un début tonitruant bouclé en 2h05’30

  • 2h05’30 – 2013 – Hambourg – 1er
  • 2h04’05 – 2013 – Berlin – 2ème
  • 2h05’00 – 2014 – Rotterdam – 1er
  • 2h04’11 – 2014 – Chicago – 1er
  • 2h04’42 – 2015 – Londres – 1er
  • 2h04’00 – 2015 – Berlin – 1er
  • 2h03’05 – 2016 – Londres – 1er
  • 2h08’44’ – 2016 – JO – 1er

Soit une moyenne de 2h04’27’’ sur ses 7 marathons (hors JO)

Une constance chronométrique qui confirme la maîtrise du coach Sang capable d’amener son athlète à une grosse performance à chacune de ses compétitions, et que salue Steve Magness, lui-même entraîneur de plusieurs marathoniens américains, comme Sara Hall, en soulignant : « Si ce n’est pas une expertise en peaking, je ne sais pas de quoi il s’agit ?? »

Pour Steve Magness, l’expérience Breaking 2 se conclut par une interrogation lancinante : « Qu’est-ce qui rend Kipchoge différent ? Ce n’est pas la physiologie mesurée, ses valeurs sont moins bonnes que celles de Tadese. Mais alors quel est le facteur de performance qu’il montre dans les compétitions depuis plus d’une décade, et qui n’apparaît pas au laboratoire ?? » Et d’asséner en final : « Peut-être que la psychologie pourrait fournir quelques réponses »

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

Breaking 2 : Eliud Kipchoge réussit 2h00’25’’ sur le circuit de Monza