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Aras Kaya, suspendu pour dopage, la duperie de la Turquie sur l’athlétisme européen

C’est un séisme sur l’athlétisme européen que le contrôle positif à l’EPO d’Aras Kaya. Les dommages sur l’athlétisme européen sont énormes, tant l’ex-Kenyan a été très prolixe depuis sa naturalisation comme Turc en 2016 : il compte pas moins de 10 médailles européennes. Les jeunes talents demi-fondeurs français, comme Jimmy Gressier, Alexis Miellet, Hugo Hay, sont ulcérés. Derrière ce nouveau scandale, se dissimule encore Carol Santa, l’entraîneur roumain chargé d’orchestrer la naturalisation des athlètes du Kenya, et relié au sulfureux Bernard Sainz, ou docteur Mabuse….

Aras Kaya (Turquie)

Un contrôle positif à l’EPO lors d’un banal 10 kilomètres sur route, en Roumanie, où il avait abandonné ! C’est ainsi que la carrière d’Aras Kaya s’est achevée, après avoir tellement brillé dans l’athlétisme européen depuis 2016, année de sa naturalisation pour la Turquie. En six ans, Aras Kaya a raflé pas moins de dix médailles européennes, le titre en cross en 2016, deux fois vice-champion d’Europe de cross, en 2019 et à nouveau l’hiver dernier à Dublin en 2021.

La procédure de suspension a été menée à vitesse grand V. Le prélèvement a eu lieu le 25 septembre. Le 24 octobre, le laboratoire de Bucarest détectait de l’EPO. Le 4 décembre, l’Athletics Integrity Unit informait Aras Kaya de son contrôle positif. Le même jour, l’athlète reconnaissait la violation des règles antidopage et acceptait la suspension. Un accord express, qui lui permettait d’avoir seulement 3 ans de suspension au lieu des 4 exigés en cas d’EPO.

Une procédure rondement menée par l’AIU, qui économise ainsi beaucoup de temps et d’argent aux services juridiques, mais qui provoque une vraie onde de choc dans le milieu de l’athlétisme européen. En quelques semaines, Aras Kaya passe du statut de vice-champion d’Europe de cross en titre, à celui de dopé reconnu. Jimmy Gressier, Hugo Hay, Alexis Miellet n’ont pas caché leur irritation à le voir enfin démasqué après tant d’années à courir à ses côtés sans l’entendre respirer !

Qui peut encore croire que toutes ses médailles européennes ont été conquises sans aide artificielle ? L’athlète espagnol Toni Abadia résume bien la situation : « C’est la première fois que tu te dopes et tu le fais pour un 10 km sur route, et pas pour un grand championnat ? » Et le comble est aussi que ce jour-là, à Barsov, Aras Kaya n’a pas terminé la course…

La Roumanie, pays du recruteur Carol Santa

Mais ce n’est surtout pas par hasard qu’Aras Kaya se trouvait en Roumanie. C’est le pays de son mentor, Carol Santa, entraîneur roumain devenu la référence pour l’athlétisme de la Turquie depuis plus de 10 ans.

Carol Santa a été l’homme choisi en 2010 par la Fédération d’Athlétisme de Turquie pour effectuer des recrutements de jeunes talents, au Kenya, en Ethiopie, et même en Jamaïque, et Afrique du Sud, en vue de renforcer le niveau de l’athlétisme turc. La recette est bien connue, elle avait d’abord pour objectif de briller pour les Championnats du Monde en Salle programmées en 2012 à Istanbul.

Ce vieux briscard de l’athlétisme recrute d’abord trois Kenyans, Ilham Tanui Ozbilan Polat Kemboi Arikan Tarik Langat Akdag, qui vont briller sur les Mondiaux en Salle, puis les Europe 2012 de Barcelone. Arriveront ensuite Ali Kaya, recruté dès junior en 2013, qui empochera 17 médailles européennes, puis Aras Kaya, naturalisé, lui, en 2016, à 22 ans.

Les deux Kaya, tous les deux nés en avril 94, n’ont en réalité aucun lien entre eux, excepté leur nationalité kenyane d’origine. La Turquie a adopté l’habitude de changer les noms des athlètes qu’elle intègre. A l’origine, Ali Kaya se nommait ainsi Kiprotich Mukche et Aras Kaya, Kibitok.

Kenya, Turquie, Roumanie, une trilogie sulfureuse

Derrière l’affaire Kaya, apparaissent les noms de trois pays marqués au fer rouge sous le sceau du dopage : le Kenya, son pays d’origine. La Turquie, son pays d’adoption. La Roumanie, le pays de son recruteur.

L’explosion des cas de dopage au Kenya ne pouvait qu’affecter aussi les pays « périphériques », qui ont naturalisé des athlètes du Kenya, constamment présents dans leur ancien pays pour se préparer.

La Turquie a vécu une vague de cas de dopage entre 2013 et 2014, et les plus grands noms ont valsé : Elvan Abeylegesse, Nevin Yanit, Asli Cakir Alptekin, confirmant que la domination de cette petite nation sur l’athlétisme européen n’avait été que duperie.

La Roumanie a connu l’athlétisme du temps du bloc de l’Est, et Carol Santa comptait parmi ses entraîneurs vedettes jusqu’à ce qu’après la chute du Mur de Berlin, le changement de méthodes l’oblige à s’exiler vers la Turquie.

Mais en arrière-plan, apparaît aussi la France. Car Carol Santa est relié au sulfureux Docteur Mabuse, ou plutôt à Bernard Sainz, qui n’est nullement médecin. L’information n’est pas nouvelle. Elle avait été révélée dès 2016 par Clément Guillou, dans le Monde, et le journaliste expliquait alors que le coach roumain entretenait des liens très étroits avec Bernard Sainz, de même que son fils, Daniel, manager sportif. En bon roublard, Carol Santa avait soutenu qu’il avait obtenu auprès de Bernard Sainz, de simples conseils sur des méthodes naturelles et homéopathiques. C’est la sempiternelle excuse des clients de Docteur Mabuse !

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.