Aller au contenu

Véronique Marot, la Britannique de France

La Française Véronique Marot s’est illustrée sur marathon sous le maillot britannique, établissant à deux reprises le record britannique de la spécialité avec 2h25’56’’ en 1989. A bientôt 60 ans, Véronique Marot, notaire et mère de deux enfants, vit toujours à Leeds, et la course à pied demeure une passion intacte.

 

Véronique Marot au marathon de Chicago 85, aux côtés de Bryan Scobie, son entraîneur et compagnon

Véronique Marot au marathon de Chicago 85, aux côtés de Bryan Scobie, son entraîneur et compagnon

« On s’entraînait comme les Kenyans ! » Véronique Marot en est convaincue, sa réussite doit tout à l’entraînement en groupe qu’elle a pratiqué durant toute sa carrière. Bien loin du Kenya, à Leeds, la coureuse avait adopté la méthode collective, tous les entraînements en groupe, et une grosse bagarre à chaque sortie. On était alors au milieu des années 80, et Leeds était devenu le lieu de ralliement des surdoués britanniques de l’époque. Et Véronique d’énumérer les références de ses copines de l’époque, Angie Pain, 10ème aux JO 1988, 11ème au Mondial 1987, les autres valant 2h33’, 2h30, ou 32’10’ sur 10 km, , et sans oublier les hommes tournant autour de 65 à 67 minutes sur semi-marathon.

Et tout ce petit monde de se mettre sous pression à chaque séance, transformée en mini-compétition ! Le moins redoutable n’était pas l’entraîneur. L’Ecossais Brian Scobie menait la danse. Dans le peloton, il valait alors 1h05’ au semi, et aux manettes pour bâtir les plans d’entraînements pour ses protégés. C’est avec lui que Véronique a connu son envolée l’amenant à deux records britanniques, 2h28’04 en 1985 et 2h25’56’ en 1989.

Véronique Marot, vexée par la FFA

Il s’en est fallu de peu que ces records soient français. Mais Véronique a vécu comme un camouflet la réaction de la FFA, au printemps 1981, lorsqu’elle demande à être autorisée à disputer le Championnat de France de marathon sur la base de sa performance à Londres, que pour ses débuts, elle a bouclé en 2h46’. On lui rétorque que ce parcours n’est pas homologué, et qu’elle devra donc se qualifier en France. Véronique, partie de Compiègne pour de simples études en Grande Bretagne, dépose alors une demande de naturalisation britannique qui sera acceptée en quelques jours après son marathon de Londres 1983 qu’elle court en 2h42’.

Quelques années après leur rencontre, Brian Scobie était sorti du seul rôle de coach, pour muer en compagnon de Véronique Marot, et il sera plus tard le père de leurs deux enfants. La coureuse se rappelle : «On allait partout ensemble. C’était un projet de couple ! » Entre 1983 et 1989, année où elle devient notaire, Véronique a été professionnelle de la course à pied. Fin 1983, sa 7ème place au marathon de New York lui rapporte 5000 dollars, une somme suffisante alors pour vivre une année. A 28 ans, elle décide de se consacrer à sa passion. L’année 84 sera excellente, avec sa 2ème place à New York, qui lui finance ses études de droit.

Elle enchaîne ensuite les performances dans divers marathons aux Etats-Unis, Boston, Chicago, Houston, Philadelphie. Elle l’avoue, en 10 ans de carrière, elle a très bien gagné sa vie : « J’ai pu acheter une maison. J’ai fait des placements qui m’ont permis de mieux vivre ensuite. » Et elle ajoute aussi à l’actif de sa carrière : « Cela donne une énorme confiance en soi. Personne ne peut te l’enlever. Ce n’est pas important que tu aies fait tes chronos il y a 30 ans. »

Le record britannique pendant 13 ans

Et les siens demeurent dans les annales, avec ce record britannique scotché sur les tablettes jusqu’en 2002, et seulement éclipsé par l’énorme performance de Paula Radcliffe, les 2h15’. Pour l’atteindre, Véronique Marot s’astreignait à un volume d’entraînement qui n’excédait pas 100 miles (160 km), mais toujours mené à un rythme rapide, sous la pression de ce groupe vindicatif, où chacun veut remporter la séance du jour ! Elle ne dépassera ce kilométrage que pour la préparation au Mondial 1991, mais elle a franchi la ligne rouge, et se voit contrainte à l’abandon à Tokyo.

Ce souvenir demeure le regret de sa carrière, avec aussi ses 2h 25’ du marathon de Londres 1989. Pourtant la performance est exceptionnelle, il s’agit du 7ème chrono mondial, et il figure encore dans le top 50 actuel. Mais à froid, elle réalise qu’elle aurait pu courir plus vite, et que les 2h24’ étaient possibles : « Bryan me l’a reproché de suite. Mais j’avais eu peur de tomber dans les sections pavées près de la tour de Londres. Le parcours de l’époque était moins rapide. Il y avait aussi beaucoup de virages. J’ai perdu environ 15 secondes par mile entre le 20ème et le 23ème mile, cela fait 45 secondes ! » Ce chrono sonne en point d’orgue pour sa carrière, qu’elle achève en 1993, même si elle tentera un come back en 1996, après la naissance de son fils en 1994.

Mais jamais depuis, la course à pied n’a disparu du quotidien de Véronique Marot, présente trois fois par semaine à l’entraînement, toujours avec un groupe d’amies. Véronique demeure fidèle à ses habitudes, et c’est avec elles qu’elle préparera le marathon de Londres, son préféré, qu’elle veut retrouver en 2016 pour marquer ses 60 ans !

 Texte : Odile Baudrier
 Photo : D.R.