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Salwa Naser, la sprinteuse voilée du Bahrein

NASER CADETTE BAHREIN

La victoire de Salwa Naser sur 400 mètres au Championnat du Monde cadet est exceptionnelle, d’abord par son chrono, 51’’50 à seulement 17 ans, mais la jeune athlète du Bahrein se distingue aussi par le port du Hijab qu’elle arbore en course.

 

51’’50 à seulement 17 ans. La performance est exceptionnelle. Elle propulse Salwa Naser dans le top 40 mondial de cette saison. La jeune sprinteuse du Bahrein s’était déjà distinguée l’année dernière avec la 2ème place aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, mais à Cali, en Colombie, elle a franchi un énorme cap.

Elle a aussi marqué les annales, car elle est probablement la première athlète voilée à accéder à un podium mondial. Salwa Naser s’est alignée sur la piste colombienne dans une combinaison rouge et blanche, couvrant ses jambes et bras, et les cheveux dissimulés sous un voile noir.

Salwa Naser n’est pas la première sportive à disputer un grand rendez-vous d’athlétisme dans une telle tenue. Avant elle, sa compatriote Rakia al-Gassra avait participé aux Jeux Olympiques de Pékin sur le 200 mètres. Des femmes d’Arabie Saoudite avaient également participé aux Jeux Olympiques de Londres, Noor Hussain Al-Malki, sur le 100 m, et Wojdan Ali Seraj Abdulrahim Shahrkhani, en judo.

Leur présence avait créé un profond désaccord entre les participants de l’intégration à tout prix des femmes dans les enceintes sportives, y compris avec leur voile, et les farouches opposants à une ouverture dans un contexte correspondant peu à l’idée d’une émancipation des femmes grâce au sport….

Depuis, les pistes ont régulièrement accueilli des athlètes avec le Hijab, mais très souvent, d’un niveau si faible qu’elles ne franchissaient que rarement le premier tour, excepté bien sûr dans les compétitions comme les Jeux d’Asie. Ainsi Rakia al-Gassra a-t-elle remporté l’or et le bronze sur 100 et 200 m aux Asian Games, et avait créé la sensation en accédant à la demi-finale olympique à Pékin.

Une mère du Nigeria, un coach de Bulgarie

Toutefois avec Salwa Naser, apparaît un talent d’une toute autre dimension. Elle est née au Nigeria, d’une mère du Nigéria et d’un père du Bahrein, pays où la famille a migré dans ses jeunes années. Sa mère, elle-même coureuse de 100 et 200 à l’école, lui a transmis quelques bons gènes, et dès l’âge de 11 ans, elle s’illustrait en compétition sur le 100 m et 400 m. Elle brillait ensuite aux Championnats Arabes juniors en 2014, avec l’or sur 200 et 400 m, puis aux Jeux Olympiques de la Jeunesse, amenant son record à 52’’74.

Mais c’est à un vrai spécialiste que Salwa Naser doit sa progression de cette saison 2015. Le Bulgare Yanko Bratanov a pris les choses en main, et les chronos n’ont pas tardé à tomber. Dès le mois de mai, elle descendait ainsi à 23’’03 sur 200 mètres sur la lancée d’un stage en Bulgarie.

Puis elle marquait brillamment son passage en Colombie, véhiculant une nouvelle image du Bahrein athlétique, celle de la réussite d’une « vraie » ressortissante du pays, respectant scrupuleusement toutes les règles de la religion. Jusqu’alors, le drapeau blanc et rouge avait été hissé sur les podiums par Maryam Ysuf Jamal, spécialiste de demi-fond, ex-Ethiopienne naturalisée Bahreinienne, évoluant toujours les bras et jambes dénudés et les cheveux en liberté…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : IAAF