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Riad Ouled, je n’ai jamais perdu un athlète

Riad Ouled
Riad Ouled (à droite) en compagnie de Yosi Goasdoué

C’est en 2009 que Riad Ouled tout juste rentré des Etats Unis décide de se lancer dans le management d’athlètes. Un groupe se constitue autour de lui avec notamment Florian Carvalho, Hassan Chahdi et Renelle Lamote. Février 2017, il réussit son examen d’agent sportif athlétisme. Une délivrance pour poursuivre cette activité entre émotion, incertitude et espérance Portrait.

 

Ouest France, début janvier, entre deux averses, entre l’écrit (ils étaient 617 candidats) et le spécifique athlé, Riad Ouled disait « si je l’ai, le ciel s’éclaircira ».

Après le second examen, la lettre recommandée glissée dans la fente de la boîte aux lettres, Riad Ouled déclarait « avant, c’était comme des vacances, maintenant, place au travail ».

A l’oral, Riad Ouled y est allé avec les tripes en vrac « j’ai vraiment eu peur ». Finalement, sur quoi fut-il interrogé pour obtenir ce diplôme d’agent sportif athlétisme ? Sur des questions très ciblées. Quelques exemples : quelle est la dimension réglementaire d’un logo sur un maillot ? Quelle est le montant de la mutation pour un International A ? De combien de membres se compose la commission des agents à la FFA ? Et enfin, il en rit encore « citer l’article L 222.7 du code du management ? »

Cet article, Riad Ouled peut le réciter même en dormant, il est tapissé dans sa mémoire pour longtemps « je l’avais lu un million de fois » car ces quelques lignes définissent la fonction précise du manager. C’est l’article de loi qui empoisonna la vie de celui qui, en 2009, décide de s’investir dans cette profession qui, à partir de novembre 2005, se normalise avec la mise en place d’un examen officiel. Riad Ouled l’avoue « ça m’a pourri la vie, mais je l’ai bien cherché » car il échoue à plusieurs reprises à ce concours mais ne renonce pas pour autant à s’occuper de la carrière des athlètes dont le nombre s’étoffe. Il avance à visage découvert, il ne craint pas de dire « je n’ai jamais pris un centime sur les contrats course, j’ai toujours été clean. La preuve de ma réputation, c’est que je n’ai jamais perdu un athlète. Certains ont même ouvertement pris ma défense comme Paul Renaudie ». Mais dans ce petit milieu bien cloisonné comme une galerie des glaces, on ne le croit pas sur parole. Il se prend des coups, il esquive parfois, il répond souvent « avec maladresse », il l’avoue. « Je voulais tout changer, je n’ai pas toujours été diplomate. Je leur ai donné du grain à moudre. Je me suis frotté avec certains mais aujourd’hui, ce n’est plus moi la cible, les problèmes se sont déplacés sur d’autres ».

En ce mois de février 2017, à cavaler entre Reims, Eaubonne et Metz, Riad Ouled a donc été reçu officiellement au concours d’agent sportif athlétisme au même titre que les anciens, les Auguin, Soreau, Perotteau, Bureau. Une délivrance après avoir évolué entre deux eaux. Les mauvaises langues vont se taire. Fin d’une histoire qui s’oubliera vite, place au boulot aux côtés d’un demi-fond en pleine renaissance.

Alors comment devient-on manager ? Pour Riad Ouled, cela se décline en trois actes.

Acte 1 : le jeune Ouled découvre la course à pied.

« J’étais footeux, mais j’étais un branleur ». Déclaration sans nuance, ainsi débute ce premier chapitre. Riad Ouled découvre l’athlé en troisième par les cross de collège. Son niveau lui permet de rentrer en seconde, section sport études où il rencontre un certain Thierry Choffin. Les mots tombent tout seul, sans retenue, à propos du coach « Thierry, c’est la présence paternelle, l’identité paternelle que je n’avais pas eu à la maison. Il est talentueux, il est éducatif. Alors je m’accroche de suite et ça me sauve. Je me donne des valeurs que je n’avais pas ». Question athlé, le jeune Ouled n’est peut-être pas assez assidu, mais Thierry Choffin le prend comme il est « je m’entraînais surtout pour l’ambiance du groupe. Sa force, c’est qu’il dédramatise beaucoup par l’humour ». Il passe son BAC, il court les France de cross à Nantes en 1999, 21ème chez les juniors. Correct.

Acte 2 : le jeune Ouled part étudier aux Etats Unis

Il n’a que 6 au Bac en anglais mais qu’importe, rentrer dans une Université américaine, c’est le rêve de ce banlieusard issu d’une famille modeste. Face à ce projet, Thierry Choffin lui déclare « allez fonce, tu gagneras bien plus à partir que de rester ici». Le jeune étudiant, intégré à Virginia Commonwealth University  le vérifiera in situ  « j’ai mûri d’un coup ». En 2008, il en sort avec un Bachelor et deux tendons d’Achille rompus, à Richmond, à un an d’écart, une fois sur 800, une fois sur 15 « c’est curieux, mais le souvenir de cette blessure est réapparu lorsque Nouredine Smaïl a connu la même chose à Moscou. J’ai entendu le bruit. Ce fut horrible ». Il avoue « j’avais des rêves, j’aurais aimé connaître au moins une sélection. Mais je n’ai pas de frustration. Mon corps m’a dit « l’athlé, ce n’est pas pour toi ».

Acte 3 : le jeune Ouled décide de s’occuper de Mounir Yemmouni

De retour à Fontainebleau, MBA en poche, le jet lag oublié et de l’ambition à revendre comme on craque des billets de 50 $US entre les doigts, Riad Ouled monte sa petite affaire après un court détour de six mois chez Décathlon « ce fut ultra formateur mais je n’étais pas fait pour la grande distribution ».

Riad Ouled est un homme de contact, il lui faut du be to be, du face to face, du one one. Le premier à lui regarder dans le blanc des yeux, c’est Mounir Yemmouni qui, faute de s’être qualifié pour les J.O. de Pékin, a rechaussé les crampons au club d’Avignon évoluant en CFA. Il le rattrape par le maillot et le convainc de tenter un come back pour les Mondiaux de Berlin. « J’avais obtenu mon BE1 en même temps que Lahcen Sahli à Houlgate. Mais très vite, j’ai découvert que je n’étais pas fait pour l’entraînement. J’avais l’humilité de le dire » avoue Riad qui, auprès des Choffin, Gajer et Lignier, cherche de quoi remplir les lignes d’un cahier d’entraînement cohérent pour son protégé. A Berlin, Mounir Yemmouni se fait sortir au premier tour « mais c’est comme cela que j’ai aimé le métier de manager» avoue-t-il.

Riad Ouled en compagnie de Florian Carvalho
Riad Ouled en compagnie de Florian Carvalho

En rentrant à Fontainebleau, ses pas le ramènent naturellement vers Thierry Choffin. Les deux hommes sont restés proches C’est donc en toute logique qu’il en vient à s’occuper des jeunes talents du groupe dont Renelle Lamote, Emma Oudiou, Johanna Gayer Carles. Fontainebleau, c’est également la ville de Florian Carvalho, le sélectionné olympique 2012 puis 2016 sur 1500 mètres. Il signe avec Riad ainsi que Hassan Chahdi, Mourad Amdouni et Nouredine Smaïl. Riad Ouled n’a pas son diplôme officiel mais ce noyau dur s’en moque éperdument. Il y a bien des pressions ici et là sur les athlètes « on m’accusait de tourner autour des athlètes, de profiter d’eux» mais le lien est fort, l’élastique ne casse pas, tous sont sourds aux accusations non feintes. Ils restent fidèles à la méthode et à cette façon particulière de concevoir le métier de manager où l’émotion, la passion sont le miel de ces unions « je le reconnais, je vis des émotions à travers mes athlètes. Je les ai vus grandir, j’en ai marié trois, c’est une fierté ». Cela permet de gommer les coups de gueule, les prises de bec. Des coups de canif, Riad Ouled n’est pas le dernier, à en lancer lorsqu’il est courroucé par le système. Ce qu’il déteste le plus, le passéisme, les « moi de mon temps ».

En parallèle de cela, le néo-manager est repéré par Patrick Touati le PDG d’Amos, lors d’un évènement foot. Celui-ci a fondé le premier réseau d’écoles de commerce 100% sport business comptant six campus en France. Riad Ouled est ainsi recruté pour prendre en charge dans un premier temps le département Relations Entreprises puis celui d’Amos Lab, pôle d’expertise accompagnant les entreprises en actions de marketing, communication et soutien logistique. C’est justement là, qu’interviennent parfois ses athlètes, à l’occasion de séminaires, colloques, inaugurations. En compensation du fait qu’il ne touche aucun pourcentage sur les primes perçues en compétition, c’est du donnant donnant.

Il veut voir mûrir, grandir les Gressier, Khelaf, Gilavert déjà inscrits dans une logique de professionnalisation

A 36 ans, Riad Ouled vit ainsi sur la corde raide d’une passion aux contours tranchants. Il ne nie pas avoir « sacrifié sa vie sociale, c’est un choix de vie, je fais ce que je veux ». Les managers, saltimbanques sur le circus de l’athlé sacrifient tous une part d’eux-mêmes. Riad Ouled rêve d’une Renelle Lamote dans le top 5 mondial, il rêve d’un Hassan Chahdi sous les 2h 10’. Il veut voir mûrir, grandir les Gressier, Khelaf, Gilavert déjà inscrits dans une logique de professionnalisation.

Il y a peu, il s’est rendu au Portugal sur les lieux même du stage national demi fond. Il a pris les jeunes entre quatre yeux. Notamment pour évoquer le danger des réseaux sociaux. Pour qu’ils restent eux-mêmes, pour qu’ils n’oublient jamais d’où ils viennent, pour qu’ils restent les deux pieds sur le bon chemin. Il n’y a aucune certitude en cela. Il cite un exemple « un Carvalho, c’était un dur à cuire, lui il travaillait avec des bouts de bois ».

> Texte et photos Gilles Bertrand