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Pourquoi le cas d’Ismail Bedel est inquiétant

Un contrôle positif sur un jeune de 22 ans, c’est quasiment du jamais vu en athlétisme en France, où le dopage a plutôt concerné des athlètes plus âgés. Le produit retrouvé chez Ismail Bedel ne peut également que susciter questionnements, puisque le stanozolol est surtout un dopant prisé par les adeptes de l’haltérophilie et du culturisme. Deux éléments qui ne peuvent qu’inquiéter sur les dérives possibles pour de jeunes athlètes, qui constituent des proies faciles pour les trafiquants. Une prévention plus forte s’impose !

Le cas Ismail Bedel n’a pas eu le retentissement de celui de Clémence Calvin ou d’Ophélie Claude-Boxberger, et n’est apparu que très discrètement à la faveur de sa publication chez Athletics Integrity Unit. Pourtant, il ne peut que susciter une certaine inquiétude, par la jeunesse de l’athlète sanctionné, et la dangerosité des produits détectés.

L’anti-dopage ne dispose pas vraiment d’archives bien rangées, et c’est plutôt dans la mémoire qu’il faut fouiller pour retrouver si d’autres très jeunes athlètes se sont déjà vus contrôlés positifs. Jean-Pierre Verdy, qui a été le responsable des contrôles à l’Agence Française de Lutte contre le Dopage, pendant 8 ans, jusqu’en 2016, confirme qu’il existe bien des précédents de jeunes sportifs sanctionnés, mais dans d’autres sports. Et effectivement, l’athlétisme paraît avoir été plutôt marqué par des affaires frappant des personnes plutôt « âgées ».

22 ans, un dopage précoce en athlétisme

Avec ses 22 ans au moment des faits, Ismail Bedel fait vraiment figure de junior par comparaison avec d’autres athlètes qu’on qualifiait de jeunes au moment de leur suspension. Il laisse pourtant loin derrière lui les Fouad Chouki (25 ans), Florent Lacasse (26 ans), Naman Keita (29 ans). Idem chez les femmes, avec Julie Coulaud (26 ans), Bouchra Ghezielle (29 ans), Latifa Essarokh (33 ans).

Avec deux exceptions notables. Celle de Patricia Girard, également âgée de 22 ans à sa suspension, en 1990. Mais la hurdleuse avait reçu, elle, une suspension de 2 ans, en accord avec les règles de l’époque, et avait pu reprendre très vite sa carrière, en plaidant avoir été manipulée par son entraîneur de l’époque. Et bien plus récemment, celle de Quentin Bigot, 22 ans aussi, lors de son contrôle positif en 2014. Pour lui aussi la suspension n’avait duré que deux ans, à la faveur de sa collaboration avec l’anti-dopage, où il avait livré des éléments à charge contre Raphaël Piolanti, son entraîneur, désormais banni à vie.

Pour ces deux « juniors », aussi, les produits, des stéroïdes anabolisants, étaient « lourds ». Mais il est bien plus surprenant de retrouver en 2021, un produit comme le stanozolol. C’est celui qui a conduit Ben Johnson à sortir des Jeux Olympiques de 1988 après sa médaille olympique sur 100 mètres.

8% des athlètes suspendus pour stanozolol

Plus de 30 ans plus tard, le stanozolol n’apparaît plus très prisé dans l’athlétisme. A date, il figure 42 cas de contrôles positifs à ce produit sur les listes des athlètes suspendus par World Athletics. Sur un total de 520, cela représente seulement 8%.

Une analyse rapide révèle que ses utilisateurs représentent principalement les pays de l’ex-bloc communiste, et de leurs « satellites », comme l’Inde, le Nigéria, l’Iran, où exercent fréquemment les entraîneurs de cet ex-bloc. Les mauvaises habitudes n’ont pas été perdues… Ils prennent pourtant de sérieux risques à prescrire ce produit, très facilement détectable lors d’un contrôle anti-dopage, et la majorité des athlètes figurant sur la liste de l’AIU ont d’ailleurs été repérés pendant une compétition officielle.

Côté disciplines, le stanozolol apparaît majoritairement utilisé dans le sprint, triple saut, lancers. En accord avec ses « qualités », à savoir l’augmentation de la masse musculaire, et l’assèchement des graisses. Fort logiquement, ce sont habituellement plutôt des haltérophiles et des culturistes qui en sont des adeptes. Avec par ricochet une culture de l’utilisation en salles de sport.

En salles de sport ou sur internet

Et c’est là que le bât blesse, puisque les structures privées de salles de sport échappent à d’éventuels contrôles de l’agence anti-dopage, avec la seule possibilité de surveillance de l’inspection pharmaceutique et/ou de descente policière dans de rares cas particuliers.

L’autre canal pour acquérir de tels poisons se nomme bien sûr internet, avec une profusion de sites vendeurs de stéroïdes sous forme oral, comme injectable. En quelques coups de clics, il est facile de retrouver ces sites, où les commandes se font très aisément, avec à l’appui, une multitude de conseils pour mieux les utiliser. Et toujours cet argument de faciliter le séchage des graisses, qui peut se révéler déterminant pour un jeune athlète parfois confronté à des problèmes de poids difficiles à régler.

Autant dire que le contrôle positif au stanozolol d’un gamin de 22 ans témoigne d’un vrai problème de santé publique. De tels cas devraient susciter une vraie campagne de prévention auprès des jeunes athlètes. Surtout qu’avec un soupçon de talent, ils deviennent très vite des proies faciles pour des trafiquants peu scrupuleux…

Texte : Odile Baudrier

Photo : D.R.

ATHLETES SUSPENDUS POUR UTILISATION DE STANOZOLOL (au 13 avril 2021)

ADEKOYA KEMI Bahrein 400 M HAIES 08/12 4 ANS
AL KHALIFA Abdullah Arabie Saoudite Triple saut 03/17 4 ANS
AL MEQBALI Rashed Emirats arabes unis Poids 05/14 8 ANS
ALSALEH Monira Syrie 200 M 02/10 A VIE
ANTUNES Luis Paolo Brésil Marche 09/15 8 ans
ARZHANGNEZHAD Ali Iran Sprint 01/18 4 ANS
AYHAN KOP Surreya Turquie 1500 m 09/07 A VIE
BARID Idriss Maroc Marteau 06/19 4 ANS
BEDEL Ismail France Sprint 06/19 4 ANS
CHAUDHARY Prince Inde Sprint 11/19 4 ANS
CHIRITA Rodica Roumaine Road Running 12/15 A VIE
CHUKWUEMEKA Vivian Nigéria Poids 07/12 A VIE
EL OUARDI Mounir Maroc Marathon 11/18 4 ANS
EL SAYED Eid Egypte Perche 03/17 4 ANS
GAL Camelia Roumanie Sprints 08/20 4 ANS
GRIFFITH Adrian Bahamas Sprints 04/17 4 ANS
GUERZIZ Abdelaziz Algérie Long distance 02/18 4 ANS
GUSHCHINA Yuliya Russie Sprints 09/11 (*) 4 ANS
HABORAK Milan Slovaquie Poids 06/10 A VIE
HAVRYLIUK Yulia Ukraine Sprints 07/18 4 ANS
KACHEGINA Tatyana Russie Marteau 06/18 4 ANS
KHORZANENKO Irina Russie Poids 08/04 A VIE (2ème violation)
KOUHKAN Leila Iran Lancers 09/17 4 ANS
KUMAR Dinesh Inde Demi fond 12/18 4 ANS
LAL Shyam Inde Sprints 04/19 4 ANS
MEGALE Francesco Italie Long distance 03/17 4 ANS
MESSAOUDI Ali Algérie 3000 m steeple 05/17 4 ANS
MLENGA Retshidisitswe Afrique du Sud Sprints 03/18 3 ANS
NATHANIEL Glory Nigéria 400 m haies 08/18 4 ANS
PANTELEYEVA Marina   Sprints 06/15 4 ANSI
PAVLYSH Vita Ukraine Poids 03/04 A vie (2ème violation)
PERRA Athanasia Grèce Triple saut 08/09 4 ANS
SATHYA NARAYANA Inde Triple saut 06/19 4 ANS
SHALA Klodiana Albanie Sprints 07/12 2 ANS
SHARIFI Hadis Iran Sprints 09/17 4 ANS
SHEKHODANOVA Natalya Russie 100 m haies 02/04 A VIE
SINGH Rakhi Inde Demi fond 11/19 4 ANS
SALHI Soufiane Maroc Demi fond 06/18 4 ANS
SU Guanzhong Chine Lancers 01/19 4 ANS
USLU Binnaz Turquie Long distance 08/11 A VIE
VIVIERS Innis Afrique  du Sud   02/05 A vie (2ème violation)
YANG Xinli Chine Lancers 09/17 4 ANS

(*) Retesting Daegu 2011 en 2017

ATHLETES SUSPENDUS POUR UTILISATION DE METHYLTESTOSTERONE (au 13 avril 2021)

BLONSKA Luydmila Ukraine 1500 m METHYLTESTOSTERONE 08/08 A VIE (2ème violation)