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Pourquoi l’anonymat de certains sportifs suspendus pour dopage ?

Certains sportifs suspendus pour des faits de dopage voient leur nom protégé. Les sanctions prises par l’AFLD sont publiées avec anonymat de leur identité.  Un cas avait été observé au printemps dernier, en athlétisme, et c’est maintenant un culturiste qui en bénéficie. Ceci en application stricte des règles fixée par l’AMA et l’AFLD, qui « protège » les sportifs dits amateurs.

Un très gros loupé de communication. C’est l’affaire survenue au printemps 2022 lorsque le nom de XX (*) apparaît sur la liste des athlètes suspendus pour dopage, publiée par l’Athletics Integrity Unit le 30 mai 2022. Le coureur de 41 ans, licencié à Martigues, figure parmi 14 noms, du monde entier. Avec une suspension pour 4 ans pour contrôle positif à l’EPO. Mais quelques heures plus tard, son nom disparaît de la liste. Entre temps, spe15 a publié un post FB qui révèle cette information, validée par les captures d’écran enregistrées à ce moment-là.

Alors pourquoi ce nom a-t-il été gommé ? Par une application stricte des règles anti-dopage fixées par l’Agence Mondiale Anti-Dopage et validées par l’Agence Française Anti-dopage.

Un culturiste à l’identité protégé, suspendu 12 ans

Tout récemment, un autre cas, plutôt étonnant, est apparu dans les décisions prises par l’AFLD. Celui d’un culturiste, qui a violé sa suspension en participant à une compétition, et a refusé le contrôle anti-dopage. Même s’il a reçu une suspension de 12 ans (!), son nom demeure protégé. Comme il l’était pour XX, dans la décision publiée en avril 2022.

Lors de notre entretien de fin juillet 2022, Jérémy Roubin, le secrétaire général de l’AFLD, avait explicité cette situation : « Pour les publications anonymes, elles nous sont imposées sur le récréatif par les règles de l’AMA. Cela concerne le sportif de niveau récréatif, et pour la France, cela signifie ne pas avoir participé au Championnat de France dans les 5 années précédentes. Ce n’est pas un sportif du dimanche, mais c’est un sportif hors circuit. Typiquement, c’est la règle de l’AMA. La publicité est la règle, sauf pour les mineurs et les récréatifs. »

A quoi correspond un sportif « récréatif » ? L’agence mondiale anti-dopage a fixé les principaux critères à décliner lors de la refonte du code mondial valable à partir de 2021. Et l’AFLD a précisé fin 2020 les règles applicables en France : à savoir ne pas avoir été un sportif de niveau international, ou national, et ne pas avoir participé à un championnat de France, dans les 5 années précédentes.

C’est ainsi qu’un sportif « loisir », qui n’a participé qu’à des compétitions hors Championnat de France, verra son nom protégé après avoir été contrôlé positif. Quel que soit le produit !! Un comble puisque dans le cas de XX, on parle bien d’EPO et de plus, ce sont DEUX contrôles positifs qu’a connu XX en quelques mois !! Celui publié fin juillet concernait un cycliste épinglé pour des anabolisants. Des produits lourds pour du sport « loisirs ». C’est la confirmation que l’usage des produits dopants est répandu parmi les pratiquants « de base ».

XX, sur les podiums des courses régionales

Mais la définition, forcément restrictive, ne prend pas en compte la réalité sportive. Ainsi XX comptait parmi les meilleurs coureurs de sa région, capable d’accéder à des podiums sur une multitude de courses sur la zone Montpellier-Nice. Il avait régulièrement les honneurs de la presse régionale. Et cette quête de victoires et de chronos l’a conduit vers une dérive. Selon nos informations, il l’a avouée ensuite à son entourage, en justifiant qu’il voulait continuer à performer malgré l’âge….

Et il est vrai que c’est en 2019, à l’âge de 38 ans, qu’il avait établi ses records sur 10 km avec 29’50’’, et sur semi avec 1h07’58’’, poursuivant sur sa lancée de places d’honneurs dans les courses régionales. En septembre 2021, il termine 3ème du 10 km de Nice en 31’08’’. Le contrôle fatal a eu lieu ce jour-là.

Les résultats ne sont pas annulés

XX a été le premier sportif à bénéficier des règles de protection fixées par l’AFLD. Mais un loupé magistral se produit au niveau de l’Athletics Integrity Unit, qui ne prend pas en compte cet anonymat, et publie son nom dans la liste du 30 mai 2022… L’erreur sera rectifiée quelques heures plus tard.

L’anonymat concerne également les sportifs qui ont accepté de collaborer avec les autorités anti-dopage, en leur fournissant des informations permettant de découvrir une violation des règles antidopage par une autre personne. C’est le principe de l’aide substantielle, qui permet également d’obtenir une réduction de peine plus ou moins importante, selon le Code Mondial Antidopage. Officiellement, elle a été utilisée à de très rares occasions en France.

Cette méthode de l’anonymat comporte tout de même une sérieuse limite. Les décisions officielles de l’AFLD imposent au sportif de ne pas s’entraîner dans un club, de ne pas exercer de fonction d’encadrement dans une structure sportive. Mais force est d’admettre que cela ne repose en réalité que sur sa volonté propre, puisque aucun acteur du sport n’est informé de sa situation !

Autre hiatus : celui des résultats. Dans ses décisions, l’AFLD demande leur annulation sur une période plus ou moins longue. Mais visiblement, ce n’est suivi d’aucun effet. Pour XX, les performances concernées, entre le 19 janvier 2021 et le 31 janvier 2022, demeurent ainsi sur les tablettes de la FFA. Et c’est également le cas pour des sportifs qui ont accepté de collaborer. Finalement, ni vu, ni connu !!!

  • Analyse : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

(*) L’article avait été publié le 1er février 2023 en indiquant le nom de l’athlète suspendu 4 ans pour EPO de manière anonyme. Un courrier de la CNIL en date du 27 juin 2023 a informé SPE15 de la saisie par XX d’une réclamation pour faire cesser la diffusion du contenu dans lequel il est nommément cité. La demande de XX a été appuyée par le cabinet d’avocats Bertrand de Paris. La CNIL rappelle le cadre fixé par la Commission Européenne Des Droits de l’Homme qui exige de préciser en quoi « le traitement des données d’identité du requérant est nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression et d’information ».

Après réflexion, afin de conserver une certaine sérénité face aux actions possibles d’une personne capable d’utiliser à deux reprises au moins de l’EPO pour décrocher des podiums régionaux, et de son cabinet d’avocats, la décision a été prise de remplacer son nom par XX.

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