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Paula Radcliffe, Londres pour l’éternité ?

Paula Radcliffe athlète complète, cross, piste et marathon, une carrière aboutie
Paula Radcliffe athlète complète, cross, piste et marathon, une carrière aboutie

 

Paula Radcliffe aurait pu poursuivre sa carrière internationale sur piste et en cross mais en 2000, à 27 ans, elle s’attaque avec succès au marathon dont elle détient toujours le record du monde établi à Londres en 2003. Flash back.

On ne peut pas évoquer le marathon de Londres sans porter un regard sur le record du monde de Paula Radcliffe établi le 13 avril 2003. Déjà 12 ans pour cette performance hors du commun glissant tranquillement dans l’histoire et s’installant tout en douceur dans les lambris de nos mémoires. Ce record, il plane au dessus de nos têtes comme un voile de fée ou de sorcière. De loin, on ne distingue pas très bien. L’ombre est géante.

Nous sommes en 2000, Paula Radcliffe compte déjà 19 grands championnats dans les jambes. 19 finales et un potentiel dont les contours sont encore difficiles à cerner car la grande Paula cumule le meilleur et le moins bon. C’est en cross qu’elle réussit le mieux, championne du monde à 18 ans chez les juniors puis trois fois sur un podium d’un Mondial. Mais sur piste, les médailles se dérobent comme à Sydney sur 10 000 mètres alors que l’année précédente elle termine seconde des Mondiaux de Séville.

A 27 ans, la décision est donc prise, la route devient sa priorité, avec une programmation minutieuse pour monter en gamme. Le semi comme demie portion avant d’avaler le gros gâteau. Fin 2000 puis fin 2001, elle lève les bras au ciel. Par deux fois elle est sacrée championne du monde de semi-marathon sans pour autant que cela affecte son potentiel en cross car à Ostende puis à Dublin, elle remporte la version longue du Mondial.

Elle ne redoute ni le froid mordant, ni l’humidité des lieux

Elle est donc prête pour le festin, pour dévaler de Greenwich vers London Bridge pour ce premier repas royal qu’elle assimile en 2h 18’55’’, à seulement 7 secondes d’un record du monde. Le parcours sans faute. Des plaines enneigées de Boston, au champ de cross d’Ostende transformé en un infâme bourbier jusqu’à cette ligne bleue conduisant au sacre, Paula a le port de tête qu’il faut pour supporter le poids d’une couronne d’or et de lauriers.

2002, 2003, lorsque la blonde Paula quitte son trône pour mener bataille rien ne lui résiste, 14’31’’42 sur 5000 mètres, elle remporte le titre aux Commonwealth Games. 30’01’’09 sur 10 000 mètres, elle allonge ses chevauchées et remporte les championnats d’Europe à Munich. Le 13 octobre, elle devient la femme la plus rapide du monde sur marathon, 2h 17’18’’ à Chicago soit une moyenne de 18,43 km/heure. Quant aux batailles hivernales, elle ne s’est pas embourgeoisée. Elle ne redoute ni le froid mordant, ni l’humidité des lieux. Elle s’impose à Edimbourg pour les Europe de cross.

Mais le glaive royal, c’est devant Westminster qu’elle veut le brandir. Nous sommes le 13 avril 2003, Paula Radcliffe va livrer bataille du siècle avec à ses côtés, deux chevaliers servants, les kenyans Samson Loywapet et Christopher Kandie pour faire écran.

Le début de course est certes descendant mais Paula fonce sur Greenwich Village à une vitesse folle, 15’15’’ (soit 3’08’’ – 3’09’’ au km) pour les 3 premiers miles (dont le troisième mile en 4’57’’) , la conversion est rapide, cela donne un temps final de 2h 12’10’’ – 2h 13’. En conférence de presse, elle le reconnaîtra elle-même : « « Certainement que le troisième mile était trop rapide ».

La couronne scintille autant que le chrono qui s’affiche 2h 15’25’’

Mais en mettant le cap sur Rotherhithe, Paula Radcliffe ne change pas de tempo, le rythme est d’une régularité totale, 5’07’’ au mile soit 3’10’’ au km) et un passage au 10 km en 32’01’’. Elle ne lâche que deux petites minutes sur son record établi sur piste alors que par comparaison Haile Gebrselassie reste à 2’54’’ de son record (26’22 » et 29’16’’ temps de passage 10 km) lorsqu’il bat le record du monde à Berlin en 2009.

Paula Radcliffe rentre alors dans le cœur de Londres flanquée de ses deux serviteurs sur le même rythme, 1h 04’29’’ au 20ème km puis 1h 08’02’’ au semi. La foule est hystérique. Là encore par comparaison avec Haile Gebrselassie lorsque celui-ci bat le record du monde à Berlin en 2009, il lâche 2’50’’ contre 2’22’’ pour Paula entre record personnel et temps de passage.

Est-ce l’effet de la foule, les variations de parcours ou simplement les sensations propres à la marathonienne, l’anglaise lâche parfois une salve, au 22ème km et au 30ème km qu’elle franchit en 1h 36’37’’. Dès lors seul Samson Loywapet tient les rênes. Au 35ème km puis au 38ème km, entre Tower Hill et Blackfriars, là où la foule devient plus compacte, elle tombe toujours les chronos, 3’01’’ au 40èm km, elle grimace, elle dodeline encore plus de la tête, le kenyan lieutenant s’écarte, ils sont désormais côte à côte, les bobbies chargés de la sécurité jettent des regards en coin, Paula Radcliffe rentre dans l’allée royale, l’arche est dressée, la couronne scintille autant que le chrono qui s’affiche 2h 15’25’’. Un record du monde qui lui rapporte 255 000 dollars.

Douze ans plus tard, ce record est solidement arrimé comme ces grands voiliers d’autrefois finissant leur vieux jours en grinçant le long de la Tamise. Plus les années passent, plus ce record se patine mais s’oxyde à la fois. Un record d’un autre temps, inaccessible jusqu’à quand ?

> Texte Gilles Bertrand