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Ophélie Claude-Boxberger, le dopage sur fond de guerre familiale

Le contrôle positif à l’EPO d’Ophélie Claude Boxberger s’achèvera-t-il par une relaxe ? Les circonstances dramatiques qui l’entourent posent question, avec les aveux de son beau-père, Alain Flaccus, de lui avoir injecté de l’EPO à son insu. Par jalousie, afin de ternir ses relations avec Jean-Michel Serra, le médecin fédéral, devenu cette année le compagnon de l’athlète. Peut-on croire à cette version diabolique ? Quelle sanction sportive pourra être décidée ??

Par Odile Baudrier

Pourquoi l’ouverture d’une enquête sur Ophélie Claude Boxberger ?

C’est le 13 octobre que le Procureur du Parquet de Paris a décidé de l’ouverture d’une enquête sur le cas d’Ophélie Claude Boxberger. Ceci après le signalement par l’AFLD de son contrôle anti-dopage positif.

Non pas pour sanctionner la présence de produits interdits par les règles anti-dopage, qui constitue une simple violation des règles anti-dopage et n’est pas punissable pénalement. Comme c’est également le cas pour l’usage d’une substance interdite, ou d’une violation des règles de localisation.

Mais une sanction pénale est possible dans plusieurs autres cas, par exemple, la possession ou le trafic d’une substance interdite. C’est dans cette optique que le parquet a diligenté l’OCLAESP pour rechercher s’il existait pour Ophélie Claude Boxberger des motifs d’infraction pénale. Avec en filigrane l’idée qu’une perquisition pouvait permettre de découvrir les produits dopants utilisés.

Contrairement aux affirmations d’Ophélie Claude Boxberger, ce n’est donc pas pour tenter de la disculper que l’OCLAESP travaille sur cette enquête. Mais bien entendu, conformément au droit français, l’enquête se fait à charge et à décharge.

Pourquoi Ophélie Claude Boxberger a-t-elle pointé du doigt son entourage dès le début de l’enquête ?

Immédiatement après l’annonce de son contrôle positif à l’EPO, Ophélie Claude Boxberger prend la parole sur son compte Facebook pour livrer ses sentiments et sa version des faits. Elle conteste complètement l’utilisation de l’EPO découverte dans son organisme. Et elle désigne directement son entourage, en expliquant que : « Les gendarmes enquêtent actuellement dans mon entourage, en particulier lors de mon stage terminal à Font-Romeu, pour avoir des éléments auprès des 3 seules personnes proches qui auraient pu être mises en cause. »

Une attitude qui ne peut que faire sursauter. Dans les affaires de dopage, rares sont les sportifs qui ont ainsi orienté les soupçons sur leur entourage et proches.

Qui sont les trois personnes présentes à Font Romeu durant son stage ?

Trois personnes très particulières.

Jean Michel Serra, le médecin de la FFA, et compagnon de la jeune femme depuis plusieurs mois, et qui a interpellé il y a un an l’AFLD sur le nombre de contrôles subis.

Jean François Pontier, cadre technique de la FFA, chargé d’évaluer son état de forme pour la FFA avant Doha, très proche d’elle en début d’année, et que Jean Michel Serra a récemment accusé de harcèlement moral, physique, et même sexuel dans un mail adressé à la commission médicale de la FFA, qu’il transformera ensuite pour son envoi aux membres du Comité Directeur de la FFA, en modifiant « sexuel » par « autres ».

Alain Flaccus. L’homme a été son entraîneur à ses débuts en minime, il est également le compagnon de sa mère. Ophélie Claude Boxberger l’a mis en cause dans les années 2003-2006 pour des faits d’agression sexuelle, (elle parle maintenant de viol), elle a ensuite retiré sa plainte sur la pression de sa mère. Après une longue brouille, elle aurait renoué avec lui depuis 2017, pour améliorer les relations familiales. Alain Flaccus et sa mère étaient ainsi présents au France d’athlétisme d’Albi en juillet 2018, le couple et Ophélie partageaient le même gîte. Et il était donc à ses côtés pour ce long stage de Font Romeu, pour l’épauler sur le plan logistique et également de l’entraînement, elle parle d’un assistant athlétique. Dans ses récentes prises de parole, Ophélie Claude Boxberger soutient qu’il partageait des footings et sorties longues avec elle et la tirait en vélo pour des séances. Les nombreuses photos diffusées durant son stage ne le font pourtant pas apparaître. On y retrouve Yohan Kowal, de jeunes athlètes dans les sorties en forêt, ou encore M. Petitbreuil, l’entraîneur de Kowal, sur un vélo durant une séance sur la piste.

Pourquoi les aveux d’Alain Flaccus apparaissent-ils sujets à interrogations ?

C’est au terme d’une garde à vue de deux jours qu’Alain Flaccus a avoué avoir injecté à Ophélie Claude Boxberger de l’EPO le 14 septembre, la veille de son départ de Font Romeu. Il aurait profité de son endormissement pendant un massage pour lui injecter à son insu le produit.

Sans que la jeune athlète ne ressente cette injection ? C’est en tout cas ce qu’elle affirme. Une théorie que les spécialistes ont beaucoup de mal à accréditer. Ainsi le chercheur Pierre Sallet, qui a travaillé sur de nombreux protocoles autour de l’EPO, et à ce titre, l’a injecté à ses cobayes coureurs à pied et à lui-même, réfute complètement cette idée : « c’est en sous cutané ou intraveineuse. Avec un temps d’injection de 10 secondes en sous cutané, qui réveillerait un mort… Donc à part être sous anesthésie générale, c’est impossible. »

Un point de vue également partagé par le Docteur Jean Pierre de Mondenard, dans un billet intitulé «la défense peu crédible du duo improbable Ophélie Claude-Boxberger/Alain Flaccus »

Néanmoins, l’Equipe produit un point de vue très différent, celui du docteur Denis Laurens, président de la société française de Mésothérapie, qui soutient que si la personne a l’habitude de piquer, il est possible que l’athlète ne sente rien. Or justement, pourquoi Alain Flaccus aurait-il l’habitude de piquer ?

Dans les éléments émergeant sur la personnalité d’Alain Flaccus, l’homme est toujours décrit comme un grand passionné de l’athlétisme, qu’il a pratiqué dans sa jeunesse, dans le groupe du FC Sochaux aux côtés de Jacky Boxberger. Plusieurs témoignages d’anciens athlètes m’ont confirmé son engagement total dans ce sport, et son hostilité forte à tout dopage. Ces dernières années, et depuis 2015, Alain Flaccus avait ainsi réagi de nombreuses fois à des articles publiés sur spe15.fr, par l’envoi de messages privés, toujours très offensifs sur les dopés, invitant à des suspensions très longues, avec remboursement des aides perçues, fustigeant systématiquement les athlètes du Kenya ou de Russie, qu’il opposait justement à sa belle-fille, Ophélie, qu’il qualifiait en 2017 de « pure et saine ».

Dans son dernier message du 25 septembre, il s’en prenait à l’IAAF, incapable de sanctionner le Kenya, et au Qatar, en affirmant : «Qu’attend l’IAAF pour sanctionner comme avec la Russie ? Ah oui ILS remplissent les stades (sauf Doha à peine 50 000 billets vendus pour les 10 jours…). On va encore voir des bras levés – sourire radieux – sans un rictus aux lèvres pour apprendre dans 6 mois ou un an que l’athlète……Pathétique.  Et je suis un peu concerné par quelqu’un présent au Qatar où nous ne serons pas. Je ne donne pas d’argent à un pays qui achète les championnats (handball football athlétisme à quand les JO…) J’assume ALAIN »

Pourquoi Ophélie Claude Boxberger n’aurait pas senti cette injection ?

Parce qu’elle dormait durant son massage. Fatiguée par son entraînement. Sous l’emprise d’anti-dépresseurs, d’anxiolytiques, de somnifères. Les versions diffèrent. Elles dévoilent en tout cas une jeune femme à grande difficulté psychologique. Ophélie souligne même que son beau-père a tiré parti de sa « faiblesse physique et psychologique ».

Cette fragilité est récurrente. En début d’année, lorsqu’avait émergé l’information sur sa liaison avec Jean Michel Serra, Ophélie avait justifié cette proximité par sa détresse psychologique, avec à l’hiver 2018, deux tentatives de suicide.

Ophélie paie le prix fort pour une situation familiale particulièrement glauque, avec la double vie de son père, Jacky Boxberger, partageant la vie de deux femmes, qui ont vécu successivement dans sa maison près de Montbéliard. Deux enfants naissent à 15 mois d’écart, Jérémy, fils de Flora, qu’il épousera quelques années après sa naissance, et Ophélie, fille de Sylvie Claude, dont il a partagé le quotidien plusieurs années. Ophélie sera officiellement reconnue, sans porter le nom de Boxberger, qu’elle choisit d’accoler à son nom, dans les mois qui suivent le décès tragique de Jacky Boxberger, piétiné par un éléphant au Kenya.

Débute alors une guerre juridique menée par Flora Boxberger, pour interdire à Ophélie le port de ce nom prestigieux dans le monde de l’athlétisme. Ophélie en sera profondément meurtrie, et subira de plein fouet ces attaques, pour lesquelles elle estime n’avoir pas suffisamment reçu de soutien de la part de sa mère. La tension avec Flora Boxberger n’a jamais diminué, au contraire, alimentée par le sentiment de l’épouse Boxberger que le club de Montbéliard a avantagé Ophélie, et négligé son fils Jeremy, doté d’un certain talent, au vu de ses 1’48’’66 sur 800 m à 22 ans, mais qui ne persistera pas dans l’athlétisme, faisant le choix de ses études d’ingénieur.

Il s’y ajoute ensuite le traumatisme des agressions sexuelles subies par Ophélie entre 2003 (2002 ?) et 2006 du fait d’Alain Flaccus. Et Ophélie, qui n’avait que 15 ans en 2003, parle même maintenant de viols à répétition. Des faits pour lesquels elle dispose encore de la possibilité de porter plainte contre son beau-père, avec un délai de prescription de 20 ans à partir de sa majorité.

Pourquoi Alain Flaccus aurait-il injecté de l’EPO à Ophélie Claude Boxberger ?

Par jalousie. Selon les éléments distillés par Ophélie Claude Boxberger dans ses très nombreuses interviews, Alain Flaccus, toujours amoureux d’Ophélie, jaloux de Jean Michel Serra, aurait agi pour ternir le médecin, associé à ce contrôle positif. Un scénario tiré par les cheveux. Comment Alain Flaccus pouvait-il être certain que l’AFLD allait diligenter un contrôle dans les jours suivants ? La théorie d’une dénonciation anonyme de sa part auprès de l’AFLD ne tient pas la route, l’AFLD n’a rien reçu de tel.

Mais l’Agence Française Anti-Dopage accordait une surveillance particulière à la jeune athlète, qui s’en était d’ailleurs plainte en 2018, exaspérée par un nombre de contrôles trop élevé, qui affectaient, selon elle, son état de santé, d’où la lettre adressée par Jean Michel Serra à l’AFLD, s’interrogeant sur cette situation nuisible, selon lui, à l’athlète.

Fin juillet, lors du Championnat de France de Saint Etienne, le contrôle anti-dopage après sa 4ème place avait même été effectué à l’hôpital, où elle avait été évacuée après un malaise à l’arrivée.

Ainsi Alain Flaccus ne pouvait être certain qu’un contrôle détecte l’EPO injecté. Tout en sachant aussi qu’une seule injection suffit à rendre positif un sportif, mais pas à agir sur les performances.

Un SMS très étrange

Autre point à creuser : dans un SMS adressé le 18 septembre par Ophélie Claude Boxberger à Jean François Pontier, elle évoque le contrôle anti-dopage du matin, et mentionne un élément très troublant : « en plus, il était là. Et d’après la prise de sang d’hier, il m’a dit que j’étais dans la merde. » Le « IL » désigne-t-il Jean Michel Serra ? Que montrait la prise de sang de si litigieux ?? L’enquête de l’OCLAESP pourra certainement le découvrir. Sans oublier que les taux biologiques pouvaient difficilement être affectés par cette injection d’EPO effectuée trois jours plus tôt, cette molécule demande un peu de temps pour « activer l’usine à globules », un traitement à l’EPO comporte une inertie contrairement à une amphétamine.

Pourquoi Ophélie Claude Boxberger a-t-elle dû effectuer ce stage de Font Romeu ?

Dans les explications livrées par Ophélie Claude Boxberger après sa garde à vue et la mise en cause d’Alain Flaccus, qui s’accuse de lui avoir injecté l’EPO, elle justifie avoir eu recours à son ex-entraîneur et compagnon de sa mère pour des raisons « logistiques » parce que la FFA n’avait rien prévu pour ce stage.

La FFA se voit ainsi pointée du doigt, pour l’avoir, en quelque sorte, contrainte à se rapprocher de son ex-agresseur sexuel. Avec en filigrane, le reproche clairement formulé par Jean Michel Serra dans sa lettre au Comité Directeur de la FFA, que ce stage marquait un traitement spécial contre Ophélie par la FFA.

En réalité, ce stage avait été imposé à Ophélie Claude Boxberger, pour valider sa sélection obtenue sur la base du minima IAAF, et non pas du minima fixé par la FFA. La DTN voulait ainsi « se couvrir » en obtenant confirmation de son état de forme.

Pourquoi la sanction sportive pourrait être de quatre ans de suspension ?

Tout d’abord, aucune décision ne pourra être formalisée avant l’analyse des échantillons B prévue pour le 10 et 11 décembre. Le rendez-vous programmé pour le 4 décembre a dû être annulé à la demande d’Ophélie Claude-Boxberger. Pour des motifs divergeant selon les médias, en raison des perturbations de train dues à la grève, selon l’Equipe, à cause d’un malaise pour l’Est Républicain, ce que confirme la journaliste de RMC, qui a diffusé ce vendredi une interview de l’athlète, affirmant qu’elle est trop faible pour se rendre à Paris pour assister à l’analyse.

Si la présence d’EPO est confirmée, la sanction sportive théorique encourue par Ophélie Claude Boxberger demeure bien de 4 ans. En rappelant que la procédure sportive et la procédure judiciaire sont deux aspects très distincts.

Toutefois, le code mondial anti-dopage de l’AMA comporte plusieurs éléments qui devront être pris en compte par l’AFLD pour décider d’une suspension. La première règle est celle que tout sportif est responsable des produits qui sont présents dans son organisme, quelle que soit la manière dont ils y ont pénétré. Cependant deux autres articles plaident pour une atténuation de la suspension. Le 10-5-1 mentionne « l’absence de faute ou de négligence significative ». Des circonstances particulières qui peuvent être prises en compte, pour diminuer la suspension, à une simple réprimande ou à 2 ans de suspension. Elles semblent toutes trouvées avec les aveux d’Alain Flaccus. Mais il est aussi explicitement mentionné dans le code mondial que cette mansuétude ne s’applique pas quand « une substance interdite est administrée par son médecin traitant ou son entraîneur sans que le sportif en ait été informé (les sportifs sont responsables du choix de leur personnel médical) ».

Les éléments apparaissent évidemment sujets à beaucoup d’interprétations compte tenu du contexte familial.  Ophélie Claude Boxberger sera-t-elle exonérée de suspension au nom de son statut de « victime » ? Ce serait bel et bien la situation de la jeune athlète si les faits matériels confirmaient avec certitude l’acte sordide que revendique Alain Flaccus. Pour éviter d’imaginer qu’il a choisi, volontairement ou non, de se «sacrifier » pour qu’elle puisse se voir blanchie ?

Texte : Odile Baudrier

Photos : Gilles Bertrand et D.R.


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Toutefois, le code mondial anti-dopage de l’AMA comporte plusieurs éléments qui devront être pris en compte par l’AFLD pour décider d’une suspension. La première règle est celle que tout sportif est responsable des produits qui sont présents dans son organisme, quelle que soit la manière dont ils y ont pénétré. Cependant deux autres articles plaident pour une atténuation de la suspension. Le 10-5-1 mentionne « l’absence de faute ou de négligence significative ». Des circonstances particulières qui peuvent être prises en compte, pour diminuer la suspension, à une simple réprimande ou à 2 ans de suspension. Elles semblent toutes trouvées avec les aveux d’Alain Flaccus. Mais il est aussi explicitement mentionné dans le code mondial que cette mansuétude ne s’applique pas quand « une substance interdite est administrée par son médecin traitant ou son entraîneur sans que le sportif en ait été informé (les sportifs sont responsables du choix de leur personnel médical) ».