L’Irlandaise Sonia O’Sullivan avait démontré une domination totale au Championnat du Monde de Marrakech, où elle remportait les deux titres, cross long et cross court.
Mars 1998, golf de Marrakech. Le Championnat du Monde de cross a pris racine en plein cœur de la magnifique ville. Le décor se décline dans la tradition marocaine. Les athlètes sont accueillis sous de grandes tentes berbères, le sol recouvert d’immenses tapis typiques.
La chaleur règne sur l’anneau de pelouse formant le parcours de ce Mondial pour lequel l’IAAF a innové en introduisant une nouvelle épreuve, le cross court. Cette création a fait couler beaucoup d’encre, cette nouveauté désorganise les habitudes, et un questionnement se pose sur son utilité.
Avec ce cross court, la volonté officielle est de drainer des spécialistes du 1500 m-3000 m et répugnant à s’attaquer à la distance de 9 km que comporte en général le cross long. Mais pour les puristes, ceci revient à atténuer le concept du cross rassembleur des athlètes de toutes origines, du miler au marathonien.
Pour cette 1ère édition new look, Sonia O’Sullivan va quelque peu brouiller le message, en réalisant le doublé, cross long le samedi, cross court le dimanche. Et affichant à chaque reprise, une aisance remarquable, tellement facile que ses rivales n’apparaissent que comme des figurantes.
La démonstration apparaît d’autant plus cinglante que ce n’est pas la première fois qu’elle s’attaque à un tel doublé, enchaînant 5000-10000 m aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 96, comme au Mondial d’Athènes, en 1997, et échouant à chaque fois, rompant ainsi avec la réussite de ses années 93-95, marquée par un titre mondial en 1995 et vice-championne du monde en 1993.
Le manager Kim Mc Donald avait été son compagnon et coach
Pourtant une personne très particulière avait poussé Sonia à renouveler cette tentative. Kim Mc Donald avait été son coach et compagnon de vie, et était demeuré son manager, comme il l’était des meilleurs athlètes mondiaux de cette époque. Le Britannique, devenu la référence en matière de management mondial, et également coach très pointu, décèdera prématurément à l’âge de 45 ans à la fin de l’année 2001.
A Marrakech, Kim Mc Donald ne se lassait pas d’expliciter dans les détails la démarche de son ancienne girl friend. Pour lui, celle-ci aurait enfin retrouvé le chemin de la réussite après avoir trop longtemps couru sans entraîneur. La déception des Jeux de 1996 l’avait poussée à rompre avec lui, et à évoluer seule. Et ce n’était que tout récemment avec ce Mondial de cross qu’elle avait renoué le contact avec Allan Storey, le plus réputé des coachs britanniques, pour avoir entraîné Kim Mc Donald lui-même, Richard Nerurkar, et plus tard Mo Farah.
Ce coup d’éclat marocain demeurera un fait marquant de la très longue carrière de Sonia O’Sullivan, ponctuée ensuite par la médaille d’argent aux Jeux Olympiques de Sydney, et qu’elle achèvera en 2005 par une tentative sur marathon bouclée en 2h 29’.
Australienne et Irlandaise à la fois
L’histoire retiendra aussi ses deux come-back exceptionnels après la naissance de ses deux filles. En 2002, elle avait donné naissance à Sophie deux jours avant Noël, mais elle s’était évertuée à retrouver le chemin du Championnat du Monde de cross dès le mois de mars parce qu’il se disputait sur ses terres à Dublin… Cette femme volontaire y avait pris la 7ème place sur le cross court.
Il s’agissait alors de sa dernière participation à un Mondial de cross, mais elle y a souvent été présente depuis comme team manager pour l’équipe d’Australie, après être devenue australienne par son mariage avec Nic Bideau.
Mais pour les JO de Londres, c’est sous les couleurs de son Irlande natale que Sonia évoluait en qualité de Chef de Mission…
Texte : Odile Baudrier
Photos : Gilles Bertrand