Liv Westphal réussit une magnifique course sur 5000 m pour aller chercher le titre européen qui lui était promis avec son rang de leader. Elle s’approprie un nouveau record de France avec 15’30’’61. Sous les yeux de son coach venue spécialement des Etats-Unis.
Là, je suis sur un nuage. Je gagne, et je fais le record de France ! Il y a deux ans à Tampere, j’avais fait 4ème, j’étais espoir 1. Je m’étais dit que dans deux ans, j’essaierai de monter sur la première marche du podium. La date du 12 juillet était marquée sur mon calendrier depuis deux ans !
On a fait une moisson, les demi-fondeuses. C’est impressionnant. On est 4 et on fait 4 médailles, dont 2 d’or ! Et deux records nationaux. J’espère une bonne équipe au Championnat d’Europe de cross à Toulon, ce sera le point d’orgue des catégories jeunes, je passe senior.
Aux championnats NCAA, j’avais fait de très bons entrainements avant, mais j’ai eu la gastro. Il y a des Anglaises ici qui m’ont battue aux NCAA. J’étais donc un peu inquiète.
As-tu suivi la tactique fixée ?
Non, pas ce qui était fixé. Mon coach m’avait dit de Pas plus lent que 9’25’’ au 3000 m car pas mal de filles autour de 16’, et que si on partait sur des bases de 16’30’’, c’était très très ouvert . Mon objectif était d’écrémer aux meilleures, on était 4 autour de 15’40’’. J’ai vu sur l’écran que j’avais écrémé à 4-5. Je me suis dit pourvu que la Belge ne revienne pas ! C’est une course de championnat, c’est chacun pour soi. J’ai vu que je la distançais, ça m’a un peu étonné. Quand j’ai vu qu’il restait 2 tours, j’ai pensé qu’il ne faudrait pas qu’elle me passe maintenant. A 600 mètres, je me suis dit, c’est maintenant ou jamais si tu veux vraiment la distancer.
Connaissais-tu la Belge Louisa Carton (elle finira 2ème) ou bien seulement son chrono ?
Non, je ne la connais pas. Mais j’avais vu son chrono de 4’12’ au 15. Moi, je ne les fais pas. Moi, je suis coureuse de 5-10, elle de 15-5. Je m’étais dit pas bon d’attendre le dernier tour, et qu’il fallait que je m’appuie sur mon endurance. Franchement après l’hiver qu’on avait eu à Boston, les footings de 1h30 avec moins 20 degrés, ça a payé. Mon travail a été récompensé.
Pourquoi as-tu fait le choix du 5000 mètres plutôt que du 10.000 mètres puisque tu étais qualifiée pour les deux ?
Car j’étais première 1ère au bilan sur 5000 m. J’ai encore besoin de faire un peu de kilométrage pour le 10.000 m. Le coach me voit comme une coureuse de 10.000 m. J’ai juste 21 ans, c’est une distance où on mûrit plutôt tard. J’ai pris la décision lundi matin. J’ai hésité à doubler, mais je suis jeune, ce n’est pas anodin de doubler 5000-10000 m. J’ai pensé aussi que si je ratais le podium sur 10.000 m, je me grillais pour le 5000 m.
Quelle saison estivale as-tu effectué aux Etats-Unis ?
J’ai fait une saison américaine. J’ai commencé à Stanford le 3 avril sur 5000.. Dans une course parfaitement menée, j’avais juste à me mettre derrière ! Et puis j’ai continué jusqu’à mi juin, pour les NCAA. Ensuite, j’ai coupé 3 jours, et j’ai repris une préparation sur 10.000 m en fait. Puis il y a eu le voyage en France. La semaine dernière a été relax, j’ai fait une petite séance de rappel à Limoges avec mon coach français.
Ce rendez-vous européen est-il important pour ton entraîneur américain ?
Oui, d’ailleurs, il y a l’assistante coach ici. Julie est venue me voir courir ! Elle a fait le déplacement spécialement. J’ai la chance d’avoir comme coach, Randy qui prend vraiment en compte les rendez-vous importants. Il était déjà venu me voir à Barcelone. Ce n’est pas forcément le cas de tous les entraîneurs américains, qui peuvent te dire après les NCAA, je ne t’entraîne pas, car ce n’est pas pour ma fac. Moi, il me suit vraiment. J’ai toute mon équipe américaine qui s’est levée de bonne heure pour me voir courir.
Ta course ici a été très différente de celle de Stanford où tu avais seulement suivi ?
Oui, car aux Etats-Unis, je ne suis jamais favorite. Ici, j’ai dû assumer et faire face à un peu de pression. Depuis mardi, je suis dans la chambre d’hôtel à me repasser ma course dans la tête. Je n’étais plus habituée à devoir faire ce travail mental. Ca m’a étonnée !
Comment se passent les relations avec l’Equipe de France ?
La cohésion avec l’Equipe de France est vraiment géniale. Je suis espoir 3, il y a des gens que j’ai connus à ma première sélection en 2010. C’est vraiment formidable ce qu’on a fait, les demi-fondeuses. On n’a jamais fait ça !
Comment vois-tu ton avenir ?
Je vais finir mon master à Boston. Ensuite j’aimerais m’orienter dans le business de l’industrie du sport, en France ou aux Etats-Unis. Je verrai dans l’année qui vient. Pour les JO, c’est encore 15 secondes, voire plus à gagner. A ce niveau-là 15 secondes, ce n’est pas négligeable. J’espère faire partie du voyage pour Amsterdam le championnat d’Europe l’an prochain.
Comment ton coach aborde-t-il le Championnat d’Europe de cross de Toulon ?
Il est très motivé. D’ailleurs, il viendra y assister avec toute sa famille !
JULIE , COACH DE BOSTON
« Je suis très satisfaite de la course de Liv. Oui, on attendait ce chrono-là. Elle avait fait une très bonne préparation, et je pensais qu’elle pouvait courir en 15’30’’. Elle peut courir encore plus vite dans une autre course. Elle a fait une course impressionnante, elle a mené depuis le début. Le premier 200 mètres était trop lent. Elle a hésité, puis elle est partie. »
« Oui, elle est très facile à entraîner. Vous n’avez pas vraiment besoin de lui dire quoi faire, elle le fait de suite. Elle est vraiment très sérieuse à l’entraînement, et pour toute la préparation. C’est une athlète importante pour l’équipe de l’Université. Elle a travaillé dur, elle prépare son master. C’est vraiment un exemple pour les autres. »
« Je suis venue spécialement de Boston pour assister à ce championnat. C’est important pour notre Université de voir des étudiants courir à un niveau international. Et représenter leur pays. Quel que soit leur pays, c’est un honneur pour l’Université. Nous aimons les Championnats européens. Il y a beaucoup d’athlètes européens qui disputent les NCAA. C’est le mélange des compétitions qui fait que les athlètes s’améliorent pour représenter leur université ou leur pays. »
Interview réalisées par Odile Baudrier
Photos : Gilles Bertrand