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Les tricheries, trop fréquentes sur les marathons

paris

 

Avec le boom de la course à pied, apparaissent aussi certaines dérives, et en particulier des tricheries sur le marathon. Une pratique bien trop fréquente et répandue dans le monde entier, du marathon de Paris, avec les participants aux faux dossards, à celui du Québec, avec les coureurs transportant les puces d’autres coureurs, en passant par les épreuves de Chine, où après un décès tragique, les échanges de dossards sont désormais strictement interdits.

 

Les compétitions de masse s’avèrent propices à la tricherie. Ou plutôt aux tricheries, tant des pratiques différentes ont été détectées selon les épreuves. Au marathon de Paris, le premier fléau est celui des échanges de dossards entre coureurs. Yves Seigneuric, Monsieur Statistiques pour la FFA, recense toutes les performances réalisées dans les courses sur route, en France, et à l’étranger pour les Français. Chaque printemps, il décortique les résultats de l’épreuve parisienne à la recherche des bizarreries. Principal problème, celui des hommes qui courent avec des dossards de femmes. Ainsi pour l’édition 2016 a-t-il constaté que les 3 premières vétéranes Femmes étaient en réalité des hommes. Les chronos l’ont alerté, il n’a plus ensuite qu’à visionner les photos et images figurant sur le site de l’épreuve. Sur le semi-marathon 2016, il a pu découvrir que sur 128 femmes, il y avait en réalité 53 hommes. Une pratique très dérangeante pour le statisticien qu’il est, mais qu’il excuse par l’impossibilité d’échanger officiellement son nom sur son dossard en cas d’imprévu qui empêche à la coureuse initialement inscrite de participer.

Yves Seigneuric s’avoue un peu plus interpellé par les pratiques des coureurs, qui disputent l’épreuve avec de faux dossards : «  Oui, ils rentrent dans les couleurs au départ avec leurs faux dossards. » Ces coureurs-là n’ont pas de puces, ils ne seront pas classés et ne s’attribuent donc pas de fausses performances. Mais ils passent inaperçus au cœur du peloton, et peuvent ainsi accéder aux ravitaillements et cadeaux d’arrivée.

Les faux dossards des coureurs du « Drapeau le Portel »

Cette méthode est bien connue des coureurs du club « Drapeau Le Pontel », situé à proximité de Boulogne sur Mer. Le principe est simple : un coureur de l’association s’engage officiellement sur le Marathon de Paris, une photocopie de son dossard est faite, et plusieurs coureurs participent au marathon avec ce faux dossard sur la poitrine.

Un bon moyen pour s’immerger dans la fête sans débourser un centime, et qui a été répété dans le passé, comme les photos diffusées par le photographe officiel Maindru le dévoilent sans aucune ambiguïté. Ainsi pour l’édition 2012, 2 coureurs ont un vrai dossard, mais ce sont en réalité 6 personnes différentes qu’on peut voir sur les clichés du site photos, sous les numéros 12621 et 3149. Pour l’édition 2014, à nouveau les 2 dossards, les 51742 et 5324 apparaissent sur la poitrine de 5 à 6 coureurs. Idem pour 2016, pour les dossards 10711 et 26045, ou pour 2016, pour les numéros 3367 et 3907.

Cette duplication de dossards est un procédé que le président du club, souvent présent sur les clichés du Marathon de Paris avec un dossard « partagé », avait justifié via FaceBook par la volonté d’accompagner ainsi des néophytes pour faciliter leurs débuts sur la distance.

Toutefois mes questions formulées via Facebook auprès de l’épouse du président, secrétaire de cette amicale, qu’on retrouve aussi avec un faux dossard, pour mieux comprendre les motivations sur cette situation n’ont pas obtenu de réponse de sa part.

Les transporteurs de puces

Momo Ferchichi et son agence « Planet Tours » se retrouvent à nouveau mis sur la sellette par le site américain « Marathon Investigation », qui s’est fait la spécialité de débusquer les tricheries sur les épreuves américaines. Avec en fond de commerce, toutes les falsifications effectuées pour réaliser les minima de chronos exigés sur certaines épreuves, et surtout sur le marathon de Boston.

Derek Murphy, le rédacteur de ce site, a découvert en analysant les résultats et vidéos du marathon du Québec que Momo Ferchichi, déjà pointé du doigt il y a un an après avoir fait enregistré de faux chronos sur des épreuves françaises, utiliserait maintenant des « mules » pour transporter des puces de coureurs, et leur permettre ainsi de valider les précieux chronos.

Derek Murphy a détecté en 2016 que les puces entre le numéro 1111 et 1114 ont en réalité été transportées par d’autres coureurs durant la course, avec les dossards 903, 905 et 906, tous des Français, et Momo Ferchichi aurait lui-même porté 2 puces supplémentaires…

L’information de « Marathon Investigation » a été tellement prise au sérieux par le Marathon de Boston que ces coureurs ont été supprimés de la liste des engagés…

La Chine sanctionne à vie

Les échanges de dossards ont parfois des conséquences lourdes. Yves Seigneuric se rappelle bien la triste histoire survenue il y a environ 12 ans dans une compétition des Deux Sèvres, où les gendarmes avaient annoncé par erreur à une femme la mort de son mari pendant l’épreuve : en réalité, il avait remis son dossard à un autre coureur, et c’est celui-ci qui avait tragiquement décédé…

L’histoire s’est répétée cet hiver en Chine sur un semi-marathon à Xiamen, où un certain Wu meurt d’un malaise cardiaque, et il s’avère qu’il porte le dossard d’une autre personne. La famille du décédé a réclamé 175.000 dollars à cette personne et aux organisateurs, en arguant que ceux-ci n’avaient pas observé que Wu avait enfilé le dossard d’une femme. A noter aussi qu’il avait été annoncé aux lycéens qu’ils pourraient gagner des crédits pour le concours d’entrée à l’université en finissant dans le TOP 100…

Les autorités chinoises ont réagi avec vigueur, en annonçant le bannissement à vie de tout tricheur d’abord sur le marathon où il a triché, et ensuite sur toutes les épreuves organisées en Chine. Un vrai challenge que de faire respecter cette règle, à considérer qu’en 2016, il y a eu 2.8 millions de personnes qui ont disputé 328 marathons. Pour 2017, le nombre de marathons montera à 500 et d’ici 2020, il est programmé 800 épreuves et 10 millions de coureurs.

Une police du marathon s’impose…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.