En Espagne, une décision récente de la justice penche en faveur de l’anonymat des athlètes mis en cause pour des faits de dopage. Ceci au nom de la protection des données personnelles de santé des sportifs ! D’autres pays pratiquent déjà des politiques frileuses sur la divulgation du nom des athlètes concernés, en désaccord avec les règles de l’Agence Mondiale Anti-Dopage.
Transparence. Le mot n’en finit pas d’être utilisé par les divers acteurs de notre société. Comme une référence à une ligne de conduite moderne. Mais le domaine de l’anti-dopage ne s’inscrit pas pleinement dans cette orientation de vérité.
Illustration avec une décision récente de la justice en Espagne, qui s’oppose à la communication par l’Agence Espagnole Anti Dopage du nom des athlètes suspendus pour des faits de dopage.
L’affaire remonte à 2018 et concerne un athlète suspendu provisoirement après un contrôle positif. Celui-ci se voyait finalement exonéré de toute sanction, avec l’excuse que le produit détecté provenait du médicament de son fils, qu’il avait absorbé par erreur.
Mais l’histoire n’allait pas en rester là, avec une plainte déposée par le sportif auprès de l’AEPD, l’agence chargée en Espagne de la protection des données. Au motif qu’en incluant son nom dans les archives de leurs procédures, l’Agence Espagnole Anti Dopage avait violé la loi sur la protection des données.
Et l’AEPD avait donné raison à l’athlète. Avec un argument de choc : cette information sur le dopage relève en fait de la santé des personnes, et se soit donc d’être protégée… L’Agence Anti-Dopage avait alors admis avoir fait une erreur en ne rendant pas la décision de relaxe anonyme, mais avait fait appel de cette décision auprès de la justice espagnole. Pour faire valoir que le nom d’un athlète ne constitue pas une donnée de santé.
Mais le tribunal national ne l’a pas entendu de cette oreille. Au contraire. Il confirme que « le combat contre le dopage est très lié à la santé des athlètes ». Avec l’argument que « puisque l’usage de certains produits peut modifier les performances et donc être interdit dans les sports de compétition, mais qu’il affecte aussi directement la condition physique de l’utilisateur et par conséquent, aussi leur santé ».
Une règle applicable à toute l’Europe ???
Une interprétation très étonnante qui a suscité aussi l’inquiétude chez les spécialistes de l’anti-dopage, comme pour Andy Brown, journaliste pour Sports Integrity, qui n’a pas manqué de s’interroger sur le risque que cet argumentaire pourrait être valable pour toute l’Europe. En application des règles RGPD, entrées en vigueur dans toute l’Europe depuis mai 2018.
Mais force est de constater que d’ores et déjà, le secret demeure souvent bien gardé sur les décisions anti-dopage dans certains pays. Le journaliste norvégien qui gère « Anti-doping database », la base la plus complète des athlètes sanctionnés pour dopage à travers le monde entier, n’a pas manqué de souligner les différences de méthodes entre les différents pays d’Europe.
Avec un cas particulièrement choquant, celui d’un cycliste norvégien, suspendu pour 3 ans en Espagne, et dont le cas n’a jamais été rendu public, et pas plus que le produit incriminé pour ce contrôle positif.
Toutefois ces pratiques de l’anonymat se heurtent avec les règles internationales. C’est ainsi qu’il apparaît régulièrement sur les listes des athlètes suspendus établies par l’Athletics Integrity Unit les noms de sportifs qui avaient été protégés dans leur pays. Comme pour Saïd Belharizi, qui avait été suspendu pour trois ans en juin 2017 de manière anonyme par l’AFLD en raison d’une deuxième infraction aux règles anti-dopage. Mais l’AIU n’a pas suivi cette consigne, et le Bordelais était ainsi apparu sur la liste des athlètes suspendus…
Texte : Odile Baudrier
Photo : D.R.