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Les Oromos, comme John Carlos à Mexico

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L’Ethiopien Ejigu a profité de sa victoire au marathon du Québec pour répéter le geste de Feyisa Lilesa sur la ligne d’arrivée du marathon olympique de Rio. Un geste de protestation contre les violences faites au peuple oromo par le gouvernement éthiopien, et qui rappelle celui de Tommie Smith et John Carlos lors des Jeux Olympiques de Mexico en 1968.

 

Les deux bras croisés en « X » au-dessus de la tête. Le geste symbole de Feyisa Lilesa à son arrivée du marathon olympique de Rio a été répété ce dimanche 28 août sur la ligne d’arrivée du marathon du Québec par un autre Ethiopien, Ebisa Ejigu, vainqueur de l’épreuve en 2h30.

Celui-ci a voulu s’associer à son compatriote, pour protester contre les violences faites au peuple Oromo par le gouvernement après qu’il ait décidé de récupérer des terres appartenant aux Oromos, et que des manifestations des Oromos aient été durement réprimées par les forces de l’ordre, avec des centaines de morts et de blessés.

Feyisa Lilesa

Feyisa Lilesa

Feyisa Lilesa n’est pas rentré en Ethiopie

Ebisa Ejigu qui vit, lui, à Toronto, marque ainsi son soutien à Feyisa Lilesa, qui a pris des risques très importants en s’opposant ainsi à l’Etat Ethiopien. Même si le gouvernement a soutenu qu’il ne supporterait pas les conséquences de cette démonstration, il a préféré ne pas prendre de risque et n’a pas pris le chemin du retour vers l’Ethiopie, et il envisage de demander à bénéficier de l’asile politique, probablement aux Etats-Unis.

L’attitude courageuse du vice-champion olympique de marathon a suscité des relais médiatiques par la presse du monde entier présente aux JO de Rio, et une campagne de crownfunding a été lancée par un Californien, accueillie avec un grand enthousiasme, elle a réuni plus de 80.000 dollars destinés à épauler Lilesa dans le début de sa nouvelle vie, avec le point d’interrogation autour de sa famille demeurée en Ethiopie.

Tommie Smith et John Carlos, le symbole de l’oppression black à Mexico

photo carlos aUn geste symbole qui n’a pas manqué de raviver le souvenir de celui de Tommie Smith et John Carlos sur le podium du 200 mètres des Jeux Olympiques de Mexico : les deux poings gantés de noir et levés vers le ciel pendant la montée du drapeau américain. Les deux sprinters protestaient, eux, comme le manque de considération fait aux Noirs dans la société américaine, et en particulier contre le faible nombre d’entraîneurs blacks intégrés dans la délégation olympique US.

Tommie Smith, le champion olympique et John Carlos, le médaillé de bronze, ont payé très cher leur marque de démonstration. Comme l’a une nouvelle fois expliqué John Carlos, qui s’était exprimé mi-juillet avant le début des JO, sur un blog américain, sous ce titre provocateur : « Lever mon poing aux JO m’a coûté mes amis et mon mariage. Mais je le ferai à nouveau… »

Et John Carlos y racontait les 10 années de purgatoire vécues après qu’il ait été exclu du village olympique immédiatement suite au podium et renvoyé vers les Etats-Unis, où comme Tommie Smith, il subissait un rejet total de la communauté de l’athlétisme, et se voyait reléguer à une vie très modeste.

Colin Kaepernick, joueur de foot US, hostile à l’hymne américain

Triste hasard, le geste de John Carlos et Tommie Smith est doublement revenu dans l’actualité en ce mois d’août 2016. Avec Feyisa Lilesa d’abord, profitant de la tribune offerte par les Jeux Olympiques, comme le duo US l’avait fait à Mexico. Et plus étonnant, avec un autre Américain, Colin Kaepernick, un joueur de foot américain, refusant de se lever durant l’hymne américain, pour marquer son hostilité à ce symbole d’un pays qui « opprime les Noirs et les gens de couleur », comme il l’a expliqué dans une interview à la National Football League.

Une attitude commentée de manière très diverse aux Etats-Unis, submergés par les problèmes de violences policières. John Carlos fait évidemment partie des soutiens du jeune homme, même s’il s’agit d’un sportif professionnel très riche, expliquant dans le « Mercury News » : « Je voudrais qu’il sache qu’il est impliqué dans un mouvement. Il a plongé dans la piscine de l’histoire humaine ».

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R. et Gilles Bertrand