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Les nouvelles procédures anti-dopage de l’AFLD

L’AFLD sera désormais en charge de l’ensemble des procédures anti-dopage, suite à la modification de la loi française pour sa mise en conformité avec le code mondial anti-dopage. Un colloque organisé par deux juristes de l’Université de Bourgogne a permis de découvrir ce nouveau cadre, comportant plusieurs innovations importantes, en particulier celui de la renonciation à l’audience disciplinaire et de la signature d’un simple accord par le sportif positif.
> Texte : Odile Baudrier

 

Le colloque mis sur pied par Cécile Chaussard et Thierry Chiron, enseignants à l’Université de Bourgogne, membres du Laboratoire du Droit du Sport, tombait à point nommé dans l’actualité avec les importantes modifications apportées récemment à la loi anti-dopage française.

Cécile Chaussard

Cécile Chaussard

Les deux juristes, co-auteurs du Livre « La lutte contre le dopage, l’essentiel du droit » ont su drainer des intervenants de grande qualité et des auditeurs très intéressés, entre les étudiants du Master 2 du Droit du Sport de Dijon, Nice et Paris, quelques Cirad, préleveurs AFLD, médecins, et autres représentants du mouvement sportif.

Tous ont eu ainsi le privilège de découvrir en détails les contours de la future organisation des procédures anti-dopage, désormais entièrement dévolues à l’AFLD. Une évolution radicale, qui supprime en particulier toutes les commissions anti-dopage des différentes fédérations sportives, pour confier ce rôle de sanction à l’Agence Anti-Dopage Française.

La non conformité des règles françaises

Pourquoi un tel changement ? Comme l’a rappelé Madame Laurent, la présidente de l’AFLD : « La France veut s’inscrire dans le mouvement international, avec une égalité de traitement des sportifs du monde entier ». Et Antoine Marcelaud, le directeur du service juridique de l’AFLD, de préciser que dès le mois de novembre 2017, plusieurs points avaient été identifiés comme non conformes aux règles du Code Mondial Anti-Dopage, et confirmés ensuite par l’Audit effectué par l’AMA dans l’optique des JO 2024. D’où l’obligation impérative de faire évoluer le cadre antérieur.

Antoine Marcelaud

Antoine Marcelaud

Avec déjà depuis le mois de juillet 2018, la création d’une commission des sanctions, pour respecter la règle de la séparation du pouvoir de la sanction et du contrôle, première modification consécutive à la décision du Conseil Constitutionnel de février 2018, en faveur du cavalier Axel Narolles, qui amenait à remettre en cause l’absence de séparation des pouvoirs au sein de l’AFLD, en charge à la fois de la poursuite des sportifs et de leur jugement, au nom des droits de la défense et du principe de présomption d’innocence garantis par la Déclaration des droits de l’homme de 1789.

Les fédérations ne statuent plus sur les cas de dopage

L’ordonnance du 19 décembre 2018 concentre, elle, les évolutions les plus radicales. Avec d’abord la suppression du rôle des fédérations sportives, qui remontait à 1999, et qui aboutissait en réalité à un pouvoir partagé entre les Fédérations, dotées des organes disciplinaires et d’appel, et l’AFLD. Celle-ci était en effet chargée de statuer sur les cas où la fédération sportive ne s’était pas saisie dans le délai réglementaire (4 mois), les cas où les décisions fédérales apparaissaient peu appropriées à l’AFLD, et aussi ceux des sportifs non licenciés. Sans oublier également que l’AFLD avait l’obligation de prendre les décisions d’extensions à d’autres fédérations sportives d’une sanction prise par une fédération, comme l’exigent les règles de l’AMA.

Tony Yoka

Tony Yoka

Dans le nouveau dispositif, cette conception à deux niveaux disparaît complètement. Les fédérations n’auront plus aucune compétence dans les sanctions anti-dopage, cette situation conduisant à une hétérogénéité des décisions entre les différentes fédérations, avec une inégalité de traitements selon le sport. Parfaitement illustrée par le cas de Tony Yoka, sanctionné par la fédération de boxe d’un simple sursis pour des no shows, au lieu de se voir infliger un an de suspension comme dans les autres fédérations.

La composition administrative, un accord pour éviter l’audience

Désormais, l’interlocuteur unique d’un athlète mis en cause pour dopage se nommera donc l’AFLD, et l’instance a pris le parti d’évoluer vers un système de jugement très novateur. Celui de la procédure dite « de la composition administrative ». Un terme hermétique, pour une méthode inspirée, de manière très étonnante, des pratiques de l’autorité des marchés financiers, qui l’a créée il y a huit ans pour régler les problèmes liés aux dérives des acteurs des marchés financiers. La référence apparaît surprenante, mais son efficacité se révèle très intéressante, tout comme celui mis en œuvre par l’UCI, intitulé « Acceptation des conséquences ».

Avec ce nouveau dispositif défini par l’AFLD, dans le cas où le sportif convaincu de dopage reconnaît les faits et admet leurs conséquences, à savoir sa suspension, un accord est rédigé par le Secrétaire Général de l’AFLD, soumis ensuite à l’accord du collège AFLD. Le sportif renonce alors à l’audience devant la commission des sanctions. Ceci réduit ainsi de manière notable le délai de traitement des affaires de dopage.

La procédure sera plus rapide. Est-ce positif ou dangereux ??

Et c’est justement un point essentiel pour l’AFLD, tant pour l’instance disciplinaire que le sportif, comme le souligne le très efficace Antoine Marcelaud : « La procédure plus rapide permet au sportif de purger plus tôt son interdiction. Cela diminue la durée de traitement des affaires. Le sportif va aussi pouvoir discuter de sa sanction. Il demeurera moins dans l’attente de la décision, et il y aura moins de surprises. La procédure sera moins onéreuse pour le sportif, et moins longue pour l’AFLD. »

Thierry Chiron

Thierry Chiron

Or cette accélération dans la procédure n’est pas sans susciter des inquiétudes de la part des avocats chargés de la défense des sportifs, comme allait en témoigner Cécile Chaussard, insistant sur le fait que certes, la suppression de ces échelons prenait du temps, mais qu’elle garantissait aussi une meilleure défense. Thierry Chiron, autre avocat, avouait, lui, une certaine méfiance face à cette méthode de la renonciation à l’audience, avec l’interrogation de savoir s’il fallait ou non conseiller à son client de l’accepter ou pas ?

Les sportifs français pourront s’expliquer sur leur contrôle positif

Certaines réticences pouvaient être levées après l’intervention de Justin Lessard, du service juridique de l’UCI, présentant en détails la méthode dite « Acceptation des conséquences » instaurée depuis cinq ans pour les cyclistes. Avec un certain succès puisque 80% des dossiers sont traités de la sorte. En cas de contrôle positif, l’UCI formule donc l’offre d’un accord, dans lequel le cycliste reconnaît avoir violé le code anti-dopage et absorbé tel produit, et accepter la sanction proposée.

Les précisions apportées par Antoine Marcelaud laissaient aussi entrevoir un cadre juridique AFLD propice à une vraie défense du sportif, avec la possibilité de livrer sa version des faits, et ses explications sur son contrôle positif. De tels échanges seront rendus obligatoires avant qu’un accord soit formalisé en prenant en compte ces justifications. Avec aussi autre garde-fou, l’obligation de la validation de cet accord par le collège de l’AFLD. Sans oublier également la possibilité de renoncer à l’audience à tout moment, y compris après une audience.

afld

L’usage révèlera si ce mécanisme sera aussi efficace qu’escompté, et garantira l’égalité de traitement entre tous les sportifs, quelle que soit leur fédération. Car comme le rappelait aussi Antoine Marcelaud, dans le système actuel, des questions se posaient sur l’impartialité des fédérations, et sur leur risque d’indulgences à l’égard de leurs meilleurs sportifs. Avec en filigrane, les interrogations sur les éventuelles protections apportées à certains athlètes par des dirigeants avides de médailles…

    • Texte : Odile Baudrier
    • Photos : D.R.

Anti-dopage : l’AFLD mise en difficulté par le Conseil Constitutionnel