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Les anniversaires de Marita Koch et du dopage à l’Est

Deux dates anniversaires récentes ont remis l’ex-Allemagne de l’Est au cœur de l’actualité. Le record du monde du 400 mètres de Marita Koch a fêté ses 30 ans ce 6 octobre 1985. La réunification des deux Allemagnes fêtait, elle, ses 25 ans le 3 octobre et le problème du dopage dans l’ex-Allemagne de l’Est a une nouvelle fois surgi.

Marita Koch

Marita Koch

 

Röstock, fin octobre-début novembre 1992. Gilles Bertrand et moi-même débarquons dans cette ville du nord de l’Allemagne. Une seule idée en tête : rencontrer Marita Koch, la recordwoman du monde du 400 mètres et désormais retraitée des pistes. Mes souvenirs de cette recherche s’avèrent confus, mais nous retrouvons finalement Marita Koch dans un magasin (de sports ?) qu’elle possède.

Elle apparaît surprise de notre arrivée à l’improviste, mais accepte le principe d’une interview pour le lendemain. A une seule condition : la présence d’une interprète allemande. Nous traversons toute la ville pour récupérer une jeune Allemande s’exprimant parfaitement en français, et retour vers le magasin.

Là, le ton a changé. Marita Koch n’est plus du tout d’accord pour cette interview. La raison invoquée ? Elle a promis à l’Equipe de participer à une rencontre avec Marie-José Pérec, qui vient juste de remporter à Barcelone le titre olympique sur 400 mètres. Et le quotidien français lui a demandé de réserver ses propos à ce rendez-vous, et de ne pas s’exprimer pour un autre média français…

Out la rencontre avec Marita Koch. La déception est cruelle. Le rêve d’entendre Marita Koch raconter sa carrière, s’exprimer sur l’après-chute du mur, et l’espoir d’écouter son point de vue sur le vaste problème du dopage dans son ancien pays s’écroulent… Il ne nous reste plus qu’à reprendre la route vers Jena, au sud de Leipzig, pour une autre rencontre, avec Heike Drechsler.

Marita Koch, la conscience propre

Cependant Marita Koch se serait-elle livrée sur un tel sujet brûlant ? Probablement pas. Tant d’années plus tard, il faut admettre que l’ex-Allemande de l’Est a rarement accordé d’interviews et accepté avec encore plus de parcimonie d’évoquer le dopage, qu’on sait avoir été utilisé de manière systématique dans cette partie de l’Allemagne.

Fin 2014, lors du gala de l’IAAF, Marita Koch donne son point de vue à la presse, pour insister qu’elle a la conscience propre pour n’avoir jamais rien fait d’illicite. Elle s’inscrit ainsi en faux sur les révélations découvertes après la chute du mur de Berlin. Le Docteur Franke, médecin allemand de l’Ouest, a eu accès aux informations de la Stasi, détaillant de manière très précise les sportifs ayant reçu des produits interdits, et les dosages.

Le turibanol oral, prescrit, mais pas utilisé ?

En 1992, son épouse, Brigitte Berendonk, publie un livre rendant publiques toutes ces informations, et le nom de Marita Koch figure bien parmi les athlètes soumis au protocole défini par les médecins est-allemands. Avec la prescription de Turibanol Oral, un stéroïde anabolisant, renforçant la masse musculaire. Marita Koch menace d’un procès en diffamation, mais ne s’exécute pas.

Sa ligne de conduite est très simple : pour elle, ces listes ne valent pas preuve, elle n’aurait en réalité pas avalé le stéroïde prescrit par les apprentis sorciers de son pays. Et ses performances ne seraient que le résultat de son grand talent naturel et d’un gros travail. Elle a toujours insisté sur sa progression au fil des années pour l’amener d’abord à plusieurs reprises autour des 48 secondes, et arriver ensuite sur ces 47’’6, record du monde toujours scotché sur les tablettes. Et son récent anniversaire a été salué par une multitude d’articles à travers la presse sportive du monde entier le qualifiant le plus souvent de chimique…

KOCH 2

Marie José Pérec la rejoint à Röstock

Trois décades plus tard, Marita Koch domine encore sa discipline d’une manière outrancière. Son nom figure à quatre reprises dans le bilan mondial tous temps, avec de meilleures performances que les 48’’25 de Marie José Pérec, qui n’a jamais été en capacité de menacer les marques de l’Allemande.

Bizarrement, le destin de ces deux athlètes s’est noué d’une manière étrange, lorsque Marie José Pérec tente son come-back pour les Jeux Olympiques de Sydney. La Française choisit en effet de s’entraîner sous la houlette de Wolfgang Meier, l’ancien coach de Marita Koch et son mari.

La décision de Marie José Pérec, qui avait toujours émis de grosses réserves sur le record du monde de Marita Koch, crée un énorme choc. La Française expliquera plus tard qu’elle doit tout à cette fameuse rencontre organisée par l’Equipe entre elle et Marita Koch…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.