En plein milieu du Mondial de Beijing, l’IAAF a annoncé la suspension de deux athlètes de l’Equipe de Kenya, évoluant sur 400 m et 400 m haies. Koki Manunga et Joyce Zakary seront-elles les sacrifiées face aux polémiques entourant désormais les performances des Kenyans s’exhibant sur le devant de la scène jusque sur l’inédite distance du 400 mètres haies, avec l’incroyable victoire de Nicholas Bett.
Deux contrôles ciblés et menés hors compétition. C’est le sort réservé par l’IAAF à Koki Manunga et Joyce Zakary, à leur hôtel quelques jours avant leur entrée en lice dans le Mondial. Une méthode très inédite confirmant que l’IAAF bénéficiait d’informations privilégiées sur les dérives des deux athlètes, le secret demeurant encore de mise sur les produits incriminés.
Mais qui sont-elles ? A 29 ans, le parcours de Joyce Zakary apparaît peu linéaire : cette ancienne spécialiste du 100 et 200 m, passée sur 400 m, valait 51’’56 jusqu’au mois de juillet de cette année, où elle tombe ses records pour passer finalement sous les 51’’ en série de ce Mondial, avec un nouveau record national de 50’’71.
Koki Manunga, 21 ans, n’était qu’une très modeste hurdler, avec un record à 55’’82, sortie dès sa série de 400 m haies. Justement en mai dernier, nous avions rencontré à Eldoret, Rose Tata, une ancienne spécialiste de 400 mètres haies, trois Jeux Olympiques au compteur, devenue coach pour les haies, et souvent dans l’encadrement des délégations officielles. A notre question de savoir si cette distance était également concernée par le dopage, Rose Tata m’avait regardé avec des yeux incrédules, avant d’exploser de rire pour m’expliquer qu’aucun argent ne circulant dans cette discipline, les hurdlers du 400 haies ne pouvaient être tentés… Quelle méconnaissance pour cette spécialiste ! Convaincue que le dopage touchait les très nombreux marathoniens, et provenait des médecins et pharmaciens, qui établissaient un deal basé sur une rémunération liée aux performances réalisées grâce aux produits.
A Beijing, la rumeur couvait sur des contrôles positifs émanant du Kenya, pays mis sur le grill par ses nombreux cas de dopage, et par les informations distillées par divers médias. L’annonce de cette sortie par la petite porte de ces deux jeunes femmes se produisait exactement au moment où Ezekiel Kemboi et ses compatriotes établissaient un quadruplé sur le steeple, et où un certain Nicholas Bett créait une énorme surprise avec sa victoire sur le 400 mètres haies.
Nicholas Bett, l’incroyable sur 400 haies
Au bilan final de ce Mondial, cette médaille d’or du hurdler figurera parmi les performances totalement improbables avant qu’il ne débute. Qui aurait pu préjuger que ce Kenyan de 23 ans, centré sur le 400 haies depuis six ans, encore pointé en 49’’03 mi juillet, serait capable d’abattre un record personnel à chaque tour, pour descendre de 48’’29 à 47’’79 ???
Personne et pas même son entraîneur ! Jukka Harkonen, le manager finlandais qui l’épaule depuis un an, avoue à Cathal Dennehy, le journaliste de l’IAAF, sa surprise face à ce gros chrono. Même s’il prétend avoir détecté le grand potentiel de Nicholas Bett dès l’année dernière lors des Commonwealth Games. Pourtant le hurdler ne pointait alors qu’en 51’’21, et s’était fait éliminer dès les séries. Un autre spécialiste, l’entraîneur sud-africain Hennie Kotzele, aurait également repéré ses qualités, et le trio s’accordait pour mettre au point une technique d’entraînement à distance, via internet, pour l’amener à courir tout le tour de piste en 13 foulées.
Cette explosion chronométrique doit-elle tout à ces changements de méthode ? On aimerait le croire, mais certains propos de Jukka Harkonen ne lassent pas d’inquiéter, comparant Nicholas Bett à une « super machine », et l’estimant capable de courir le 800 mètres en 1’43’’…
Un pronostic choquant alors que le monde de l’athlétisme scrute à la loupe les performances des Kenyans pour tenter d’en démêler le vrai de l’artificiel…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : IAAF/Getty Images