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Le dopage ne s’est pas invité au Mondial d’Eugene

Le championnat du monde d’Eugene s’est achevé sans qu’aucun contrôle positif n’ait été annoncé. Cette situation n’est bien sûr que provisoire, les échantillons prélevés peuvent être restestés pendant 10 ans. L’Athletics Integrity Unit avait aussi fait le forcing en amont en frappant plusieurs athlètes de renom de suspension provisoire à quelques jours de leur compétition. Le Kenyan Lawrence Cherono, ultra favori sur le marathon, avait été ainsi interdit la veille de l’épreuve.

Un championnat du monde très propre. C’est ce qu’il serait facile de conclure à considérer qu’aucun cas positif n’a été rendu public durant les 10 jours du Championnat. Mais l’expérience prouve que cette situation ne peut qu’être provisoire, compte tenu de la possibilité d’effectuer de nouveaux tests sur les échantillons prélevés à Eugene, et cela pendant 10 ans.

C’est ainsi que les Jeux Olympiques de Londres, qui avaient été déclarés en 2012, les Jeux les plus « propres » de l’histoire olympique se sont finalement avérés les plus sales. En particulier en raison du programme de dopage d’Etat mis en place par la Russie, et révélé dans ses moindres détails par Gregory Rodchenkov après sa fuite vers les Etats-Unis. Le patron du laboratoire anti-dopage de Moscou avait largement contribué à la création de produits non détectables et de méthodes de contournement des contrôles, avant de se transformer en informateur de choix pour l’anti-dopage.

Aux JO de Londres, une médaille sur sept souillée par le dopage

Le journaliste Edmund Willison a ainsi annoncé dans « The Daily Mail » que pour l’athlétisme, une médaille sur sept et pour l’haltérophilie, environ 42% des podiums ont ensuite été souillés par le dopage, après le retesting des échantillons, à la faveur de nouvelles méthodes de détection qui n’étaient pas utilisables lors des JO de 2012.

Une médaille sur sept, le chiffre apparaît énorme, et un nouveau podium vient juste de se voir remis en cause. Celui du 800 mètres, où la médaille d’argent conquise par Nijel Amos est éclaboussée avec son contrôle positif au GW 1516. En 2012, ce produit n’était nullement détectable. Et demeure en filigrane, la question de savoir à quel moment l’athlète du Bostwana, qui s’entraînait à Eugene, avec Mark Rowland, a eu recours à ce GW 1516, qui n’a jamais été homologué compte tenu de ses effets secondaires très dangereux.  

L’AIU sort les athlètes en 24 heures

C’est seulement deux jours avant le début du Championnat du Monde que Nijel Amos était informé que son échantillon prélevé le 4 juin, la veille du meeting de Rabat, avait parlé. Sa suspension provisoire démarrait immédiatement, selon les habitudes très radicales de l’Athletics Integrity Unit.

L’organe anti-dopage de World Athletics ne s’embarrasse pas de longs délais avant d’interdire les athlètes de compétition. Nouvelle démonstration avec l’annonce le samedi 16 juillet, premier jour du Championnat, que deux autres athlètes subissaient le même sort que Nijel Amos. Le marathonien Lawrence Cherono, et le spécialiste de 400 m, Randolph Ross. Le premier pour un contrôle positif à la trimetazidine. Le second pour une absence lors d’un contrôle anti-dopage à son domicile le 18 juin 2022.

Lawrence Cherono, positif à la Trimetazidine

Le marathon perdait ainsi son ultra-favori, Lawrence Cherono, 34 ans, vaut 2h03’04’’, avait terminé 4ème aux JO de Tokyo et compte plusieurs victoires dans des marathons majeurs, comme à Valence en décembre 2021, à Chicago en 019, Amsterdam en 2018, et aussi 2ème à Boston en 2022. A tout juste 24 heures du départ, en raison du long délai de traitement de l’échantillon prélevé hors compétiton le 23 mai, et analysé tardivement par le laboratoire de Lausanne, qui y découvrait la Trimetazidine.

C’est pourtant pour un produit « mineur » que Cherono basculait sur la liste des athlètes suspendus. L’apport sur les performances du ce médicament, qui avait déjà fait les gros titres lors des Jeux Olympiques de Tokyo, avec le contrôle de la patineuse russe Kamila Valieva, ne convainc pourtant pas les spécialistes anti-dopage, qu’il s’agisse du Docteur de Mondenard, de Pascal Kintz, ou de Pierre Sallet, qui explique : « C’est un vieux médicament utilisé depuis 1960 dans le traitement de l’angine de poitrine. Il favoriserait l’oxydation du glucose=moins d’oxygène nécessaire = favorable à la performance. Il n’existe pas d’étude directe sur le lien avec la performance chez les sportifs de haut niveau ».

Mais la trimetazidine demeure sur la liste des produits interdits par l’AMA. Informé du problème à son arrivée sur le territoire américain en provenance du Kenya, Lawrence Cherono a disposé d’un très court délai, seulement 24 heures, pour justifier son utilisation par des raisons médicales, mais ses explications n’ont pas convaincu l’AIU qui a adopté une décision radicale, avec la suspension immédiate.

Randolph Ross, suspendu provisoire à 21 ans

Même scénario pour Randolph Ross, 21 ans seulement, record de 43’’85, double champion NCAA, et les gros titres n’ont pas manqué pour ce jeune talent, fils de Duane Ross, qui est également son entraîneur. Car celui-ci, ancien hurdler, présent aux JO 2004, avait lui-même été suspendu deux ans, suite à l’affaire Balco…

C’est durant le Mondial qu’on a compris la véritable raison de l’absence de Garrett Scantling, le leader mondial 2022 du décathlon, de l’Equipe américaine. En effet, l’USADA annonçait que l’athlète de 29 ans, 4ème aux JO 2021, venait de recevoir une suspension provisoire, en raison de problèmes de localisation.

Les athlètes des pays à risque tous contrôlés trois fois

Le « nettoyage » de l’AIU en préambule de ce Mondial s’est aussi adressé aux pays « à haut risque », pour que soit respectée l’obligation que tous les athlètes présents à Eugene aient subi trois tests avant leur départ. Avec l’objectif que ne se reproduise pas la situation de 2020, où pour les JO, le Nigéria avait dû éliminer 20 athlètes, faute d’un nombre suffisant de contrôles.

Les six pays concernés (Bahrein – Ethiopie – Kenya – Maroc – Nigéria – Ukraine) ont suivi à la lettre les procédures, et ont multiplié les tests pour plus de garantie sur les athlètes présents à Eugene.

Le Nigéria, où les critiques avaient été nombreuses en 2021, contre ce laisser-aller, qui avait interdit aux athlètes de partir à Tokyo, a effectué un gros effort, avec 157 tests effectués contre seulement 26 en 2021 !

L’histoire s’est même conclue par une médaille d’or, sur le 100 mètres haies, avec Tobi Amusan, qui ramène le premier titre mondial de l’athlétisme au Nigéria, avec en prime, un record du monde sur cette distance.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R