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La CERA, le dopage à l’EPO haut de gamme

La CERA est une forme d’EPO qu’on peut qualifier de « haut de gamme », de par sa facilité d’utilisation permettant une détection moins aisée. Elle est utilisée dans le vélo et dans l’athlétisme. Le spécialiste anti-dopage, Pierre Sallet, explicite tous les détails sur cette puissante molécule aussi efficace que dangereuse. Selon une information fiable reçue le 21 avril 2017, c’est à tort que la FFA aurait mentionné la présence de CERA dans les analyses de Nicolas Fernandez, il s’agit en fait d’une EPO classique de 1ère génération… 

 

EPO

La CERA, c’est quoi ?

Le sigle de CERA signifie « Continuous-erythropoietin-receptor-activator ». C’est une forme dite d’EPO 2ème génération ou beta.

A l’origine, rappelons que l’EPO est une hormone fabriquée naturellement par les reins et le foie, qui stimule la fabrication par la moelle osseuse, de globules rouges qui transportent l’oxygène vers les organes.

Depuis le début des années 80, l’EPO de synthèse existe, c’est un médicament destiné à soigner l’insuffisance rénale et les anémies graves. Ce médicament a été détourné à des fins dopantes par les sports depuis le milieu des années 90.

L’EPO est utilisé sous la forme d’une injection tous les 2-3 jours. II agit sur le récepteur au niveau de la moelle osseuse, qui permet de stimuler la production d’EPO. Mais cette molécule s’accroche au récepteur, le lâche et disparaît. Aussi est-il nécessaire de réinjecter de l’EPO assez régulièrement pour conserver l’effet sur les globules rouges, l’augmentation hématocrite et hémoglobine.

Comme son nom l’indique, la CERA « Continuous-erythropoietin-receptor-activator » comporte un effet continu, le produit se colle au récepteur et le stimule de façon continue pendant la demi-vie de la substance. Ainsi au lieu d’une injection tous les 2-3 jours, il suffit d’une injection tous les 15 jours, voire une par mois.

L’EPO est présente dans le Dynépo, l’Eprex, le Recormon, et la CERA dans le Mircera.

Les avantages de la CERA

Les avantages de la CERA par rapport à une EPO classique sont multiples

  • Le nombre plus faible d’injections nécessaires évite le stockage des produits, évidemment intéressante sur un plan pratique.
  • La détection est plus complexe : la demi-vie de la substance est de 140 heures, elle disparaît en 5-6 jours. Il suffit d’effectuer l’injection dans un endroit isolé, où le risque de contrôle est plus faible, et le rapatriement des échantillons plus complexe. Ensuite après ces 5-6 jours, il y a 3 semaines pendant lesquelles la molécule n’est plus détectable.
  • La détection au repos est presque impossible : la CERA est une grosse molécule, et le rein ne filtre pas les grosses molécules. Au repos, la CERA a beaucoup de difficultés à être détectée dans l’urine, car elle ne traverse pas le rein, elle n’est pas filtrée. Ceci est toujours vrai au repos, mais n’est pas forcément exact à l’effort. Car en compétition, d’autres mécanismes se mettent en place. C’est donc plutôt une molécule qui se détecte en compétition, et elle sera plus délicate à trouver dans des contrôles hors compétition.

La CERA, moins utilisée, car plus chère

Sur les listes actuelles de l’IAAF, il figure trois athlètes suspendus pour utilisation de CERA : le Saoudien Mukhlid Alotaibi, les Marocains Mohamed El Hachimi et Mohamed Hattouchi. Celui-ci avait fait l’objet d’un contrôle positif lors de l’inter région de cross de Paris en février 2014. L’échantillon avait été analysé par le laboratoire de Châtenay Malabry, le précurseur dans les contrôles EPO, il a été le premier à détecter cette molécule grâce au test mis au point par le docteur Françoise Lasne en 1998.

Selon le Procès Verbal publié sur le site de la FFA, il avait été affirmé que Nicolas Fernandez avait été contrôlé positif à la CERA lors du cross de Carcassonne début décembre. Mais selon une source fiable reçue en date du 21 avril 2017, il s’agit d’une EPO classique de 1ère génération, qui s’ajoute aux cas antérieurs, Laila Traby, en 2014, Abrahim Kiprotich, en 2013, Fatima Yvelain, Hassan Hirt et Nordine Gezzar, en 2012, (2ème contrôle pour Gezzar), Bouchra Gezielle en 2008, Khalid Zoubaa en 2007.

Les experts du site « The Anti Doping Database » ont enregistré, pour leur part, 24 sportifs positifs après CERA, 10 issus de l’athlétisme, 13 du cyclisme, 1 du triathlon.

C’est finalement assez peu. Pourquoi ? Pour deux raisons :

  • La CERA est moins facilement détectable que l’EPO classique, comme expliqué précédemment, du moins dans les prélèvements urinaires. En effet, la CERA est détectable de manière très aisée dans les prélèvements sanguins, qui sont maintenant régulièrement effectués.
  • La CERA est plus chère à l’achat, pour des raisons de brevet. L’EPO Classique est maintenant disponible en générique, l’Eprex, le Recormon ne valent pas grand-chose. Pour la CERA, c’est différent, car la molécule est toujours protégée par des brevets, et il n’existe pas de générique. Le seul médicament disponible est la Mircera.

Les effets secondaires de la CERA

Les effets secondaires sont très importants.

En priorité, il s’agit de l’érythroblastopénie, une maladie de type auto-Immune, qui se déclenche quand le taux d’érythroblastes dans la moelle osseuse est inférieur à la normale. Elle survient après utilisation d’EPO Exogène, qui produit une perte de production endogène d’EPO, et la moelle osseuse ne devient plus capable de produire EPO. Après une prise d’EPO Exogène, les taux d’EPO endogène s’effrondrent.

La prise d’EPO augmente les risques de thrombose, caillots pulmonaires, embolie.

Concernant la MIRCERA, les études effectuées n’ont pas permis de détecter un lien direct avec des développements tumoraux, mais il apparaît un taux de mortalité accentué. Probablement parce que la stimulation de la production des réceptions de la moelle osseuse avec l’EPO peut aussi stimuler une tumeur existante. Cet impact n’est pas démontré, mais il est évoqué dans le RCP, le Résumé des Caractéristiques du Produit

L’impact sur les performances

La CERA agit longtemps, avec un effet durant jusqu’à un mois, contrairement à l’EPO où la perte d’effet survient après 4-5 jours.

L’EPO intégrée dans une cure globale de produits dopants, avec hormone de croissance, produits stéroïdiens, corticoïdes peut permettre une progression des performances d’environ 10%, selon la réponse individuelle à la cure, les doses utilisées, les durées de cures.

L’EPO seule se traduit en général par une amélioration des performances d’environ 5%. L’EPO est rarement utilisée seule, elle est plus efficace avec la prise de substances additionnelles, qui sont des vitamines non interdites, absorbées en prise orale ou injection.

Des chiffres édifiants. Pour un semi-marathonien en 1h10’ utilisant une cure complète de produits dopants, cela amène à descendre son chrono à 1h03’. Pour une « simple » cure d’EPO, l’amélioration pourrait être de plus de 3 minutes, pour atteindre 1h07’…

 

  • Par Odile Baudrier, avec Pierre Sallet