Kim Collins réalise la plus belle saison indoor de sa carrière, et il fêtera pourtant en avril ses 39 ans ! En ce début février 2015, le sprinter de Saint Kitts, qui avait été sacré champion du monde du 100 mètres à Paris en 2003, amène son record personnel sur 60 mètres en salle à 6’’48.
Tordre le cou aux clichés. L’expression s’applique à la perfection à Kim Collins, maître dans l’art des surprises. Son plus gros coup d’éclat remonte au Championnat du monde de Paris en 2003. Le sprinter de Saint Kitts évolue au couloir 1, mais de cette position désavantageuse, il se propulse en vainqueur vers l’arrivée qu’il franchit en 10’’07. Là encore, le chrono jure, pour une finale mondiale rarement gagnée en plus de dix secondes.
Toutefois, l’aspect le plus détonnant se situe dans le physique de Kim Collins. Comme je m’interroge à l’époque dans le numéro 150 de VO2 : « Fin, fluide, humble, humain. Le sprinter du 3ème millénaire est-il né à Paris ? » Kim Collins se situe alors en opposition totale avec les physiques habituels des maîtres du sprint de l’époque, cuisses monstrueuses, épaules et deltoïdes gonflées.
Usain Bolt n’est pas encore apparu, pour imposer ses facéties et sa décontraction naturelle, et Kim Collins peut librement se placer en antinomie avec les sprinters du début des années 2000, à l’attitude si souvent agressive, alors qu’il se revendique « cool », et qu’il qualifie la compétition de « jeu ».
Cette victoire parisienne ne fut pourtant qu’un pic dans sa très longue carrière. On le retrouve ensuite en bronze au Mondial 2005, et nouvel atypisme, six ans plus tard, au Mondial 2011 alors qu’on le croit « fini ». Mais le plus surprenant vient de son record sur 100 mètres, il plafonne pendant près de dix ans, et ce n’est qu’en 2013 que Kim Collins l’abaisse pour atteindre 9’’96 en 2014.
Des capacités intactes à près de 40 ans
Déjà cette performance suscite une certaine surprise, avec ce nouveau P.B. acquis à l’âge de 38 ans. Mais cet hiver, une vraie incrédulité naît avec un enchaînement de performances très exceptionnelles. Des victoires en pagaille, 12 sur 12 courses indoor, et des chronos remarquables, 6’’48 à Moscou le 1er février, 6’’48 à Turin le 3 février, 6’’50 à Berlin le 14 février. Dans cette même course berlinoise, Christophe Lemaître est à la peine, 5ème en 6’’65…
Une courbe figurant sur le site de la Fédération Internationale traduit de manière implacable l’embellie vécue par Kim Collins. Elle retrace les chronos de l’athlète sur 60 mètres indoor, et la chute libre de cet hiver 2015 y apparaît particulièrement criante.
A l’approche de la quarantaine, et après vingt ans de haut niveau, son explosivité se révèle encore meilleure qu’au début des années 2000, jusqu’alors ses meilleures références, qui se voient ainsi gommées depuis 2013, avec ses résultats enchaînés en meetings.
Car Kim Collins a tourné le dos à son pays, Saint Kitts, depuis les JO de Londres. Il s’était retrouvé au cœur d’une drôle d’affaire, limogé de l’équipe nationale pour avoir quitté le village olympique et s’être installé à l’hôtel avec son épouse, également son entraîneur. Il n’avait pu ainsi disputer sa série de 100 mètres, pour ces Jeux, qui auraient été les 5èmes de sa carrière !
Terriblement choqué par cette décision, il avait annoncé en rétorsion qu’il ne porterait plus jamais les couleurs de Saint Kitts. Et son explosion de performances résonne comme un pied de nez à sa fédération honnie…
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand