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Félix Bour, « au lieu de rêver ta vie, vis ton rêve »

Féllix Bour

Féllix Bour aux Europe de cross 2016 avec dans sa foulée Nicolas Witz

 

Le futur de Félix Bour se déclinera-t-il sur la route du marathon ? Il est possible que oui. Depuis qu’il est cadet, il a démontré en cross, sur piste et même sur la route une vraie polyvalence et un désir de s’exprimer sur tous les fronts de la course à pied. Une semaine après avoir été médaillé d’argent au France de cross court pour son passage chez les seniors, il réussissait 1h 05’49 » lors du semi-marathon de Nancy. La voie est ouverte ! Portrait.

 

Il a un prénom à jouer les phénix, il a un nom à balancer des calembours, à courir dans les labours. Il est bien né, un père qui fut directeur de l’école française à Vienne en Autriche puis à Sousse en Tunisie, une mère elle aussi enseignante, professeur de français. Il vient du foot, de l’UNSS, des cross scolaires, qui s’en plaindrait. Coup sur coup, à St Galmier puis à Nancy, il vient de planter deux clous aux extrêmes de sa passion, cross court plus semi, le mariage fut réussi. Il a une chérie qu’il appelle « chérie », c’est Sandra. Il a une mascotte qui lui porte bonheur, c’est Cerito. Les jours de fête, il adore porter un nœud pap. N’oublions surtout pas, c’est un Lorrain. De cela, il précise « j’en suis fier mais je ne sais pas l’expliquer ». C’est un peu vite résumé, sans dorure, ni parementure, mais voici Félix Bour.

Félix Bour, le super héros

C’est mieux qu’il le dise lui-même « je pensais être un super héros ». Ca, c’est sa période cadet junior. Il est doué le Félix Bourgamin, on le compare même à Bob Tahri… En cadet, «  super mario » court le 3000 en 8’23’’66, Bob Tahri en 8’18 »’9 au même âge. Un écart de quatre secondes qui autorisent les plus belles déductions. Sur la route de « super mario », il y a donc des champignons, des fleurs de feu, des fleurs de glace et cette Super Etoile qui lui donne un cap « je me sentais capable de tout faire » c’est-à-dire, les copains, la fête et l’athlé. Il ajoute « j’avais peur de louper ma jeunesse. J’ai profité de ma vie d’ado ». Michel Poitel, son entraîneur lui a souvent dit « il faut que tu grandisses ». Michel Poitel, ce retraité du Crédit Agricole, comptable des foulées de ce cadet, a été formé à l’ancienne. 1’49’’9 sur 8 et 3’47’’3 sur 15, la génération des Depauw, Marquand, des Charron, des noms qui parlent aux Lorrains, de ceux qui se frottaient les soirs d’Interligues. Il s’est instruit auprès de Robert Lemaire et de Michel Thomas. Il a pris conseils auprès des Camille Viale, Roger Habemont, il dit « Monsieur Habemont », d’un  Jean Pierre Monciaux également. Il avoue « je suis un boulimique de lire ». Le gamin donc, il a tenté de le serrer, il affirme même « je ne regrette pas d’avoir été un peu flic ». A l’ancienne.

Champion de France de cross en cadets 2 à Paray le Monial en 2011 « mon meilleur souvenir, une sensation que je n’ai jamais ressentie », également champion de France du 3000 mètres l’été venu, « l’année où tout me réussit » Félix Bour bénéficie rapidement d’une aide qui peut l’autoriser à envisager un avenir dans l’athlé. José Padier, un bénévole du club, sera l’un des artisans pour construire ce plan d’aide, auprès du Conseil Général de la Meuse, pour lui favoriser son entrée au Creps de Nancy pour une formation BPJeps, puis pour un emploi civique au sein de l’ASPTT Bar le Duc, enfin pour son embauche au Gesam 55 comme éducateur à mi temps.

Félix Bour au France de cross chez les cadets

Félix Bour au France de cross chez les cadets

Intégré au Creps de Nancy, Félix Bour croise le fer avec deux des cadres de cette structure. Il s’agit de Eddy Riva, sélectionné olympique en 2004 sur 50 km marche et de Norbert Brige, septième aux J.O. de Séoul à la longueur. Ensemble, ils lui ont tenu à peu près le même discours. Super Mario se rappelle encore de la phrase  « Felix, si tu ne fais pas le con, tu peux aller aux J.O. ».  Sans oublier les mains rappels à l’ordre d’un Eddy Riva désabusé et excédé « Mais Félix, tu as quel âge ? ». Michel Poitel a une explication à cela « Il devait être hostile à la structure, ce milieu n’était pas fait pour lui. Il voulait être libre et ne pas être bloqué ».

Il faudra deux alertes conséquentes pour que ce fils de profs se remette le nez dans les bons livres. Deux fractures de fatigue en junior 2 et Espoir 1. Il décrit la situation d’alors « Oui j’étais qu’en même très turbulent ». Le mot est bien choisi !!!, il cache des délires, des défis, des gueuleries « l’athlé, c’est dur quand on est jeune. Il faut beaucoup se priver. Quand je vois aujourd’hui, les cadets juniors, ils sont déjà hyper pros. Jamais, ils ne feraient les cons comme moi j’ai pu le faire. Je dormais tard, je faisais tout ce qu’il ne fallait pas faire ».

La fiesta, les Big Mac à la va vite, ça ne construit pas un crac, c’est écrit dans tous les manuels d’entraînement. Eddy Riva le lui a répété maintes fois, Michel Poitel des milliers de fois, celui-ci donne cette information « c’est lorsqu’il est allé à Capbreton qu’il a mis le pied à l’étrier. Il a vu ce que c’était un athlète blessé. Ce fut l’un des déclencheurs ». Eddy Riva lui a encore répété « mais bouge toi le cul ! ». Aujourd’hui, Félix leur voue une profonde reconnaissance « ils ont cru en moi. Même quand j’ai été blessé. Eddy Riva m’a fait partager son expérience du haut niveau, il m’a relancé, mon coach ne m’a pas lâché ».

Félix Bour l’âge de raison

En septembre 2014, Félix Bour écrit une lettre à son entraîneur. Une simple feuille de papier, des chronos, une affirmation « je serai sérieux » suivie d’une question « Tu me feras confiance ? » « Je l’ai signée et je l’ai présentée à mon coach ».

Enfin l’âge de raison ? Comme dans le roman éponyme de Jean Paul Sartre avec ce désir d’engagement, d’être celui que l’on peut être, que l’on veut être. Une année de blessure, le cadet surdoué tombe de son petit trône « j’étais le futur grand espoir lorrain ». On ne lui a pas dit en face, mais il pouvait le lire sur les lèvres « il est fini ». Même son père lui lâche « mais tu rêves !? ». La phrase est courte et cinglante, elle raisonne encore aux tympans comme un tir d’artillerie « elle m’a fait réfléchir. Si mon père ne croit plus en moi ?! J’ai repris les choses en main ».

Michel Poitel en est convaincu « Félix est né sous une bonne étoile. Il a quelque chose d’unique que beaucoup d’autres n’ont pas. Il est très ouvert, il fait confiance aux gens ». L’entraîneur en est également venu à des explications très rationnelles « combien d’athlètes se sont qualifiés sur 5000 mètres sur ces vingt dernières années ? ». Ca n’effraie nullement l’athlète « je suis ambitieux, parfois trop. J’ai encore une grosse marge de progression, je n’ai peur de rien ». Sur sa page facebook, il post « au lieu de rêver ta vie, vis ton rêve », une phrase qui l’inspire « Bob Tahri faisait déjà cela, il postait des phrases. Ca me faisait réfléchir, ça m’a donné envie de faire de l’athlé à haut niveau ». Bob Tahri, alors manager d’une enseigne running à Metz, il fut le premier à lui apporter son aide lorsqu’il remporte le titre de champion de France de cross chez les cadets « il m’avait pris sous son aile ». Félix Bour s’en inspire encore « je l’ai vu courir à Metz lorsqu’il bat le record d’Europe (ndlr : sur 2000 m steeple en 5’15’’96). On était tous autour de la main courante. On criait tous pour qu’il ait des ailes. Un record d’Europe sur cette piste, c’est qu’en même là où l’on s’entraîne ».

Félix Bour aux Europe de cross à Hyères en 2015

Félix Bour aux Europe de cross à Hyères en 2015

Cet hiver, Félix Bour se qualifie pour la cinquième fois de suite pour les Europe de cross, il commente, « travail plus travail, c’est ça l’athlé, l’aventure n’est pas finie »  puis il mise sur l’indoor, à Metz, chez lui, à la maison. L’an passé, dans le tambour de l’indoor, il tourne position « high » en 8’07’’92, cette année, la machine cale « j’ai mis quelques jours à m’en remettre » le coach d’infléchir la saison ainsi « on arrête la salle. Il lui fallait de la fraîcheur et ne pas rester dans un mode échec ».  Félix se tourne naturellement vers le cross court même si le coach préfère le long « je voulais me mettre en difficulté, me faire mal. C’était l’inconnu ».  Sur sa page facebook, il traduit une phrase de Steve Prefontaine le miler – prédicateur seventies « moi, je cours pour voir qui a le plus de tripes, qui peut se punir en menant un train d’enfer et se punir encore plus en allant jusqu’au bout ». Félix commente « moi, j’adore cette phrase, elle colle bien au cross, celui qui gagne c’est celui qui a le plus de tripes ». La veille de St Galmier, Roger Habemont, celui qui fut entraîneur de Pascal Thiébaut lui a passé un petit coup de fil « alors Félix, cette fois, tu n’oublies pas ta tête ? ». Sur l’hippodrome des Mondiaux 2005,  une nouvelle fois, les étrangers brouillent la course, Félix lâche prise, second avec mille regrets, derrière Mohamed El Bouajaji.

Félix Bour du 5000 au marathon ?

Michel Poitel a cette phrase « Félix, il est facile à entraîner, il aime tout faire. Parfois, il me fait mentir car il est capable de passer d’un truc à l’autre». Capable de jongler avec ses pieds, d’ajuster sa foulée, cross court et semi marathon à une semaine d’écart ? Et bien allons y ! Félix Bour le reconnaît, il aime la route. Son premier 10 km, remonte à 2011 à Nonsard. Depuis, il est régulier sur ce format avec un record à 30’01’’ réalisé à Thaon l’an passé et une sélection chez les juniors. Pour Nancy, il se motive avec Momo, Mohamed Moussaoui, un Vosgien, rencontré au détour des labours, un vrai copain qui lui aussi ziguezage avec ses pieds, du 800 au semi. Dans la cité des Duc de Lorraine, Félix mène 10 km en 30’10’’, Mono , les 10 suivants, Nicolas Witz et Benjamin Choquert restent en retrait. Au 20ème kilomètre, Félix chute sur un pont glissant, personne ne se retourne, il laisse filer le paquet. Résultat final, un très bon 1h 05’49’’ avec en arrière pensée « le marathon, oui, je l’ai dans un coin de ma tête car j’ai les qualités. Je suis têtu ». Michel Poitel en est convaincu « il est costaud, il a beaucoup de foncier. Mais là, il m’a épaté. Il est loin d’avoir fait tout le travail. Il n’a pas encore tapé dans ses qualités, il pourra continuer. Je pense qu’il va rebattre les cartes ».

Félix Bour au France de cross court 2017 à St Galmier

Félix Bour (à dr.) au France de cross court 2017 à St Galmier

Avant cela, Félix Bour, encore valet de trèfle, se doit d’abattre une carte, celle du 5000. Il écrit sur son facebook « prépare toi en silence, la réussite se chargera du bruit ». Dans le silence de la Sapinière, ce bois fétiche du grand Thiébaut, là où le flamboyant Nancéen enchaînait 8 tours à 5’ de moyenne. Félix Bour connaît la phrase que Pascal Thiébaut n’oublie jamais de répéter lorsqu’il évoque sa carrière « le haut niveau, c’est détail, plus détail, plus détail ». A ce jeu de construction, Pascal Thiébaut du haut de son phare réussissait 13’14’’60 à Oslo en 1987. Ce faisceau de lumière brille toujours. Le chemin est tracé.

> Texte et photos : Gilles Bertrand

Pascal Thiébaut, « j’étais un coureur de salon »

 

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