C’est dès l’école que débute le dopage en Russie ! L’information a été livrée par le Ministre des Sports de Russie lui-même. Tout à coup, Vitaly Mutko s’est mué en pourfendeur implacable du dopage dans son pays…
18 Août 2013. Le championnat du monde d’athlétisme s’achève au Luzhniki Stadium. C’est l’heure de la rituelle conférence de presse de clôture pour Lamine Diack, le Président de l’IAAF, encadré sur la tribune par Serguei Bubka et Vitaly Mutko, le Ministre des Sports de Russie et également président du comité d’organisation du Championnat.
La présence de Serguei Bubka peut surprendre, il a beaucoup œuvré pour que ce Championnat ait lieu, bien qu’il soit en réalité Ukrainien. Mais le conflit n’a pas encore éclaté entre l’Ukraine et la Russie, et il n’a pas eu à choisir son camp.
Serguei Bubka a eu un rôle décisif pour qu’une telle compétition revienne en Russie 33 ans après les Jeux Olympiques de Moscou, dans ce pays longtemps hermétique à tout évènement international.
Pour ce bilan de clôture, la satisfaction est évidemment de mise, pour Lamine Diack, comme pour le Ministre des Sports de Russie. Celui-ci se réjouit de la qualité de l’organisation, de l’enthousiasme populaire, et de la promotion apportée à ce sport.
Pour étayer ses propos, Vitaly Mutko souligne qu’un potentiel de pratiquants existe, insistant sur l’existence de 6000 écoles du sport à Moscou, drainant 3.5 millions d’enfants. Le Ministre met ainsi en avant ce système, survivance de l’époque de l’Union Soviétique, où des milliers d’académies du sport forment à des dizaines de sports olympiques.
Les entraîneurs dopent leurs élèves pour des bonus
Dix huit mois plus tard, Vitaly Mutko semble découvrir une toute autre réalité autour de ces écoles du sport, dont il se glosait avec enthousiasme. La débâcle a commencé pour lui avec les révélations de la chaîne de télévision allemande sur l’étendue du dopage sévissant en Russie.
Dans un premier temps, Vitaly Mutko a opté pour la contestation de ces affirmations, mais ce fin stratège a vite compris qu’il aurait du mal à les réfuter, et il n’a pas tardé à opérer un revirement complet, pour se muer en véritable pourfendeur du dopage.
Mi-janvier, il annonçait ainsi la création d’un expert dopage au sein du gouvernement chargé de se concentrer exclusivement sur cette lutte, et d’une implication plus forte du Ministère pour épauler les athlètes. Ceci venait immédiatement après l’annonce des suspensions des marcheurs russes.
Début février, c’est du côté de ces fameuses écoles du sport qu’il tournait son attention, avec une déclaration fracassante, auprès de l’agence Tass, révélant que les enfants russes utilisaient déjà des substances bannies…
Le dopage débuterait ainsi dès le plus jeune âge en Russie, par la faute d’un système où les entraîneurs des jeunes reçoivent des bonus consistants dans le cas de victoires de leurs athlètes dans les diverses compétitions dédiées aux enfants.
Une méthode que Vitaly Mutko a affirmé vouloir se battre et donner un coup d’arrêt, pourfendant avec vigueur les entraîneurs prêts à gagner les championnats à n’importe quel prix pour obtenir leur bonus.
Comment imaginer qu’en Russie, un Ministre des Sports ne découvre de telles pratiques qu’à l’occasion de la tourmente régnant sur son pays ?
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand