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En Espagne, la justice torpille le passeport biologique

L’Espagne fait face à une nouvelle hostilité des tribunaux espagnols contre l’anti-dopage. La suspension prononcée contre le cycliste Ibai Salas a été annulée par le Tribunal National. Pour lui, une procédure pour des irrégularités du passeport biologique n’est pas valide. Une décision lourde de conséquences alors que 6 à 7 sportifs espagnols n’auraient pas encore été sanctionnés malgré leurs passeports biologiques anormaux.

Un flagrant délit, sinon rien. C’est la position extrême de la justice espagnole. Elle était appelée à trancher sur la suspension du cycliste Ibai Salas. Celui-ci avait été sanctionné de 4 ans et 3000 euros d’amende pour des irrégularités de son passeport biologique.

La technique même du passeport biologique repose exclusivement sur une interprétation de résultats d’analyses de sang, et sur leur évolution sur plusieurs années. Les variations des courbes témoignent du recours à des produits interdits.

Les experts chargés de ces analyses déduisent que des produits ou méthodes de manipulation sanguine ont été utilisés, mais ces produits ne sont pas retrouvés dans les échantillons prélevés lors de contrôles anti-dopage.

Et c’est ce point que le tribunal espagnol estime déterminant. Pour lui, le passeport ne détermine pas une infraction, mais la probabilité de consommation de substances interdites.

Une position extrême. Et complètement inédite à travers le monde entier. Différentes agences nationales anti-dopage ont prononcé des suspensions sur la base d’irrégularités du passeport biologique, et leurs décisions n’ont pas été remises en cause sur la base de cet argument surprenant.

Le patron de l’anti-dopage de l’Espagne, José Luis Terreros, n’a pas dissimulé son découragement face à cette décision, clamant même à José Carlos Carabias, journaliste d’ABC : « Ils soutiennent les dopés. » Et pour justifier son incompréhension, il a eu recours à une comparaison très parlante : c’est comme si l’ADN d’un meurtrier est retrouvé sur la victime, mais qu’on l’innocente parce qu’il n’a pas été retrouvé avec l’arme du crime dans la main.

Marta Dominguez, sanctionnée par l’AIU

Une image audacieuse, mais reflétant la vérité, et très dérangeante alors que ce sont 6 à 7 cas de passeports irréguliers qui, selon Alberto Yelma, juriste spécialisé dans l’antidopage, seraient dans les « tuyaux » de l’agence antidopage espagnol.

La lutte contre l’anti-dopage en Espagne a souvent essuyé des revers, comme dans le cas de Marta Dominguez. La championne du monde du steeple de 2009 et vice-championne d’Europe 2010 avait été soupçonnée de dopage et trafic dans l’affaire Galgo en 2010, mais elle n’avait finalement été suspendue qu’en 2014 par l’Athletics Integrity Unit, et justement pour son passeport biologique.

Autre exemple de cette « mollesse » de la justice espagnole, avec l’opération Puerto, où tous les accusés sont finalement restés libres, et en particulier le Docteur Fuentes, malgré la découverte à son domicile en 2006 de 200 poches de sang congelées préparées pour les autotransfusions. Les péripéties judiciaires n’ont finalement pas permis la sanction des sportifs incriminés dans cette affaire.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : DR