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Dopage : Mounir Acherki, « je voulais payer ma dette »

Mounir Acherki a été suspendu récemment pour quatre ans, après avoir d’abord été condamné par la justice fin novembre 2015, suite à une enquête policière. Le coureur de Colmar n’a en fait jamais été contrôlé positif, même s’il a admis durant l’enquête avoir utilisé de l’EPO. Après avoir disparu des circuits, Mounir Acherki était réapparu en compétition début avril à Mulhouse, seulement quatre jours avant que sa suspension soit décidée. Pourquoi un tel come back, tellement provocateur ?? Paradoxalement, Mounir Acherki se justifie, par son désir de « vouloir payer sa dette »…. 

acherki entretien a

Il n’y avait pas plus de deux heures que le sujet informant sur sa suspension de quatre ans avait été diffusé sur le site spe15.fr que Mounir Acherki prenait contact via Facebook pour me préciser qu’il souhaitait s’expliquer sur cette affaire. Il s’inscrivait ainsi dans la continuité de son attitude antérieure, où dès sa sortie du tribunal, il avait voulu prendre la parole pour se justifier sur sa dérive dopante.

Force est d’admettre qu’en matière de dopage, ce comportement apparaît tout aussi inédite que son affaire de dopage. Mounir Acherki a admis à posteriori avoir utilisé de l’EPO, mais n’a jamais été contrôlé positif. Il a été d’abord sanctionné par la justice, pour la détention de produits dopants, mais la sanction sportive n’a été prononcée que 18 mois plus tard. Or il venait juste d’effectuer son come back en compétition début avril 2017, quelques jours seulement avant que sa suspension ne soit décidée par l’AFLD.

Justement pourquoi un tel retour alors même qu’après sa condamnation par le Tribunal, il avait affirmé qu’on ne le reverrait plus courir ??? Mounir Acherki prend son temps pour m’expliquer tous les rebondissements qui l’ont amené à décider de s’aligner au semi-marathon de Mulhouse le 2 avril 2017. A l’entendre, ce serait pour « provoquer » cette suspension qu’il aurait choisi d’effectuer ce come-back…

Lassé d’attendre, il décide de reprendre la compétition

Mounir Acherki argumente : «Moi, depuis l’affaire du tribunal, je n’ai pas voulu garder le silence, je voulais payer ma dette, je n’ai jamais caché que j’ai pris des produits dopants, j’ai tout avoué pour moi-même me repentir, et faire évoluer la chose par rapport à la lutte anti dopage. J’ai eu beaucoup de regrets ».

Il affirme ainsi avoir voulu de toutes ses forces qu’une suspension soit prononcée à son encontre. Mais la FFA n’est plus compétente pour une telle décision, puisqu’il n’est plus licencié depuis l’automne 2015. Il prétend même qu’on l’aurait dissuadé de reprendre une licence FFA, ce qui amuse Michel Marle, Monsieur Anti-dopage à la FFA, qui m’explique : « Il pouvait se licencier, on aurait de suite lancé la procédure pour le suspendre. Mais il fallait tout de même qu’il trouve un club qui l’accepte… ».

L’AFLD, instance compétente dans les cas où le sportif n’est pas licencié, ne se saisit pas du dossier assez vite au gré de Mounir Acherki… Estimant que les choses traînent en longueur, il prend alors une initiative pour le moins extravagante, celle de reprendre la compétition, il programme le marathon de Colmar pour début septembre 2016. Et il prétend que c’est justement ce retour annoncé qui aurait fait bouger les choses du côté de l’AFLD…

Et d’expliquer : « Je n’ai pas voulu m’aligner au départ comme un voleur. J’ai fait courir le bruit que j’allais courir, je ne voulais pas le cacher. Comme par hasard quand j’ai commencé à faire courir ce bruit, deux mois avant, au mois de juin, j’ai eu un courrier pour me dire que je vais passer en commission au mois de septembre. Je devais passer mi-septembre, et le Marathon prévu le 5 ou 6. J’aurais pu courir. Mais je n’ai pas voulu le faire, j’ai attendu mi-septembre, et je n’ai pas eu de nouvelles d’eux, ni en septembre, octobre, novembre. Je leur ai envoyé un mail comme quoi je voulais être suspendu, et qu’un jour ou l’autre, j’allais reprendre la course à pied par rapport à ma famille.»

Il reporte finalement son retour en compétition à début avril pour le Semi Marathon de Mulhouse. Et Mounir Acherki en est convaincu, c’est à nouveau parce qu’il avait annoncé sur Facebook sa participation à Mulhouse qu’il aurait été convoqué par l’AFLD pour le 6 avril…

L’AFLD est engorgée par les affaires à statuer

Mais les choses s’avèrent un peu plus compliquées qu’il ne le veut le croire. Comme me l’explique Damien Ressiot, le Directeur des contrôles à l’AFLD, les transferts d’information des tribunaux vers l’AFLD sont très longs, du fait de l’engorgement de la justice. Il s’y ajoute aussi au niveau de l’AFLD un véritable embouteillage dans les dossiers, avec beaucoup d’affaires à traiter. Les derniers mois ont été particulièrement chargés en raison du nombre important de cas issus du body building, qui se voient tous instruits par l’AFLD, faute de Fédération désignée pour gérer cette activité, et donc statuer sur les cas de dopage constatés, massivement dans les salles. Or chaque commission ne peut traiter que 4 cas à la fois, et il y a 2 commissions par mois.

Pour Damien Ressiot, le cas Acherki n’apparaît pas exceptionnel, et l’ancien journaliste de l’Equipe sourit lorsque j’évoque l’argument de l’athlète, qui revendiquait d’être suspendu pour « payer sa dette ».

Car pourquoi ne pas tout simplement arrêter de courir et se suspendre par soi-même ? A cette question, les raisonnements de Mounir Acherki apparaissent un peu embrouillés : « Je ne voulais pas rester sur une mauvaise note, je voulais m’entraîner bien pour mes enfants, je voulais montrer que malgré mon erreur, on peut rebondir, que je n’ai pas eu besoin de ces produits-là pour remporter des courses. Je voulais aussi montrer qu’il y a des failles dans le système, et qu’ils devraient faire leur travail par rapport à ça. C’est aussi pour montrer l’exemple. S’il n’y a pas de suspension officielle, ça sert à quoi qu’ils fassent leur travail ? Tant qu’il n’y a pas de suspensions, aux yeux des gens, je n’aurais jamais payé ma dette ».

Mais le plus choquant demeure bien son retour par une victoire à Mulhouse, qui dévoile au grand jour sa non-suspension, et qu’on ne peut interpréter que comme une provocation. Mounir Acherki en est conscient, mais il élude : « En Alsace, j’ai vu beaucoup de gens étonnés que je puisse recourir. Mais ce n’est pas faute d’avoir essayé d’être suspendu depuis le départ. La sanction de la justice, ce n’était pas suffisant sportivement parlant. Il me fallait une vraie sanction. Le sursis, c’est du pénal. Mais on vit sport, mon entourage fait du sport. »

Acherki gagne, et est suspendu 4 jours plus tard

A Mulhouse, sa prestation a d’autant plus heurté, qu’il ne s’est pas contenté d’un simple rôle de figurant, il a mené du début à la fin, et l’a emporté en 1H08’23 », privant au passage les autres coureurs de cette victoire. Mais Mounir Acherki refuse d’entendre cette accusation et rétorque : « Moi, je ne suis pas sous effet EPO, je n’ai pas pris de dopants, et je n’ai pas triché. Je n’étais pas suspendu à ce moment-là. »

Pas suspendu bien sûr, mais prêt à l’être, puisqu’il était convoqué quatre jours plus au siège de l’AFLD… Mounir Acherki ne s’y est pas rendu. A quoi bon de toute façon ? La sanction était obligatoire. Toutefois, par la suite, il a pris la peine de consulter un avocat du sport, qui lui a conseillé de faire appel pour obtenir que la date de début de sa suspension remonte 18 mois en arrière, au moment de son passage devant le Tribunal de Colmar, et qu’ainsi, il ne lui reste plus que 2 ans et demi à purger.

Pourtant Mounir Acherki me l’assure avec véhémence, il ne fera pas appel. Il accepte cette sanction, il se contentera maintenant de courir pour sa santé, et il s’évertue à répéter comme une litanie : « J’ai fait cette course pour montrer que le travail de l’anti-dopage était mal fait».

On a vraiment du mal à adhérer à cette idée saugrenue, qui n’est pas sans mettre à mal l’argument qu’il avait utilisé pour justifier de son basculement vers le dopage, celui de son désir de mettre en avant le petit club qu’il avait créé à Colmar, grâce à des performances chronométriques artificiellement améliorées…

 Texte : Odile Baudrier
 Photo : Gilles Bertrand

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