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Dopage : Asbsel Kiprop, contrôlé positif à l’EPO ?

C’est encore une bombe pour l’athlétisme du Kenya, avec l’annonce d’un contrôle positif à l’EPO d’Asbel Kiprop. La secousse est à nouveau terrible, avec cette mise en cause de l’une des stars du Kenya, qui comptait un titre de champion olympique, trois titres de champion du monde, et qui avait dominé le 1500 mètres durant plusieurs saisons. Asbel Kiprop a admis un problème sur son échantillon, plaidant pour une erreur.

Par Odile Baudrier

Asbel Kiprop

Asbel Kiprop

La nouvelle avait commencé à circuler par les tweets de journalistes kenyans, la première à faire le relais étant Michelle Katami, une journaliste de sport de référence au Kenya, travaillant pour la BBC, qui expliquait « Cette rumeur/histoire de dopage secouera le Kenya et le monde de l’athlétisme ».

Le « Standard » sous la plume de Dennis Okeyo développait le 2 mai 2018 cette rumeur, affichant une grande inquiétude face à cette promesse d’un nouveau scandale de dopage. Sans dévoiler le nom de l’athlète concerné, Dennis Okeyo donnait quelques pistes, en livrant qu’il s’agissait d’un autre athlète kenyan de haut niveau, qui avait dominé le championnat du monde pendant plusieurs années. Un autre tweet donnait le ton, celui du journaliste Mike Okinyi, lâchant « J’espère que la fédération d’athlétisme du Kenya aura les c…. pour annoncer ce contrôle positif demain. Ils doivent maintenant agir et conduire cet agent hors du Kenya ».

Aux Etats-Unis, le très actif forum de « Lets’run » se faisait le relais de ces informations, et les pronostics allaient bon train sur l’identité de ce nouveau dopé, et chacun y allait de sa petite idée, les listes s’enchaînant sans complexe, dans un pays où de telles accusations ne connaissent pas de limites, en faisant fi de toute diffamation et de présomption d’innocence.

Federico Rosa plaide l’ignorance…

Et c’est finalement le 2 mai en fin de journée que la presse britannique allait lâcher la bombe, le nom d’Asbel Kiprop…  Interrogé par Matt Lawton pour « The Daily Mail », le manager de l’athlète, Federico Rosa, se refusait à valider cette information, admettant simplement avoir entendu une rumeur, pour laquelle il essayait d’obtenir une confirmation. Mais quelques heures plus tard, l’athlète allait faire preuve d’une plus grande honnêteté, en reconnaissant auprès  Sean Ingle pour « The Guardian », avoir été informé d’un problème sur son échantillon, qu’il pensait à une erreur et tentait d’obtenir gain de cause.

La secousse ne peut qu’être terrible à l’analyse du palmarès d’Absel Kiprop, qui en faisait l’une des plus grandes références de l’athlétisme mondial, avec le titre olympique 2008, obtenu après le déclassement pour dopage de Rachid Ramzi, puis trois titres mondiaux, en 2011, 2013, 2015. Son record personnel de 3’26’’69 établi en 2015 le propulsait à quelques centièmes du record du monde d’Hicham El Guerrouj.

Pourtant cette belle mécanique allait se dérégler à partir de juillet 2016. La saison d’Asbel Kiprop semblait démarrer sous les meilleurs auspices, avec dès le début juin, une performance de 3’29’’33, qui apparaissait prédire la réussite en cette année olympique. Le Kenyan rêve de se racheter après son échec des JO de Londres, où il avait complètement craqué durant la finale pour terminer dernier, le seul échec majeur de sa carrière prolixe.

ROSA TRIBUNAL 2

Mais début juillet 2016, intervient un coup de semonce, avec l’arrestation de Federico Rosa, son manager, mis en cause par la police kenyane pour des faits de dopage, et incarcéré en détention provisoire plusieurs jours à Nairobi. Absel Kiprop mène le combat contre cette interpellation, soutenant avec vigueur son manager, affichant sa très grande confiance envers Federico Rosa. Celui-ci sera finalement libéré, contraint à revenir pour son passage devant le tribunal à l’automne, et cette affaire s’achèvera finalement par un non-lieu.

Deux saisons très ternes, en 2016, et 2017

Cependant, cette période marque en réalité une rupture dans la carrière d’Asbel Kiprop, qui ne retrouvera plus jamais son niveau antérieur. Au meeting de Monaco, sa première sortie après cet épisode, il n’apparaît plus aussi aérien, sa superbe foulée semble rapetissée, et il subit une forte défaite, 6ème seulement, qui va donner le ton de la suite de sa saison, puisqu’il ne termine que 6ème aux JO de Rio, puis l’année suivante, 9ème au Mondial de Londres 2017. Sa dernière sortie 2017 se traduira par un modeste 3’34’’77, fin août à Zürich.

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Selon les informations de « The Daily Mail », ce serait en fin d’année 2017 qu’un contrôle effectué hors compétition aurait révélé la présence d’EPO. Dès le mois de mars, peu après l’annonce du contrôle positif de Ruth Jebeth, la championne olympique du 3000 m steeple, la rumeur d’une nouvelle affaire autour d’une grosse star de l’athlétisme avait circulé, mais elle tournait plutôt autour d’un ou d’une marathonienne.

Les illusions perdues des physiologistes

Car jusqu’alors, la majorité des cas de contrôles positifs au Kenya ont concerné des marathoniens, et non des pistards. Longtemps l’idée avait aussi été entretenue par les uns et les autres que le dopage au Kenya était surtout le fait de coureurs de niveau intermédiaire, et pas de top élite. Les contrôles successifs de Rita Jeptoo, puis de Jemima Sumgong, championne olympique du marathon, avaient déjà démenti cette théorie simpliste.

Le contrôle positif d’Absel Kiprop fait franchir une nouvelle étape dans cette déconstruction de l’athlétisme kenyan. La situation est parfaitement résumée par Jordan Santos-Concejero, un physiologiste sud-africain : « J’ai passé des années à découvrir le secret des coureurs kenyans : l’oxygénation du cerveau, la génétique, les premières années de la vie ?? Des années de travail souillées par cette nouvelle, Asbel Kiprop positif à l’EPO »…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand