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Des Américains et Britanniques protégés lors des JO 1988 ?

Le voile a été levé sur les rapports anti-dopage des Jeux Olympiques de Séoul en 1988, grâce à la pugnacité d’une journaliste canadienne, à la recherche d’informations sur le cas de Ben Johnson, disqualifié après sa victoire sur 100 mètres. Les documents de la commission médicale olympique révèlent que des athlètes britanniques et américains ont, eux, été protégés d’une sanction pour dopage…

 

BEN JOHNSON V

La thèse d’une conspiration autour du contrôle positif de Ben Johnson à l’issue de sa victoire sur le 100 mètres olympique de Séoul apparaît encore plus criante à la lecture de l’article publié par Mary Ormsby, journaliste pour le quotidien canadien « The Star ».

Cette journaliste pugnace avait déjà créé sensation en septembre dernier en levant le voile sur un ensemble d’irrégularités entourant le contrôle subi par le sprinter canadien le 24 septembre 1988. Elle avait été en effet la première à consulter le rapport officiel rédigé à l’époque par le laboratoire anti-dopage, qu’elle avait obtenu du CIO. Jusqu’à l’été 2018, ces 31 pages n’avaient jamais été présentées ni à Ben Johnson, ni à son entraîneur Charlie Francis, et pas plus à son avocat, Dick Pound.

En ce début d’année 2019, ce sont les documents émanant de la Commission Médicale Olympique de 1988 qui ont pu être disséqués par Patrick Oberli, un journaliste suisse, après que le CIO ait accepté de rendre leur consultation publique à partir du 1er janvier 2019. Et ces 131 pages sont encore plus accablantes sur l’attitude plus que douteuse des acteurs de l’anti-dopage durant ces JO.

L’analyse effectuée par Mary Ormsby révèle en effet que des athlètes américains et britanniques, incluant deux médaillés olympiques, ont été protégés de sanctions pour dopage.  Selon ces documents du CIO, huit Américains avaient été testés en compétition peu avant les Jeux Olympiques, sans être pour autant sanctionnés après que leurs cas aient fait l’objet de discussions entre les membres de la commission anti-dopage.

Les deux médaillés olympiques concernés par cette clémence de l’anti-dopage n’ont pas pu être identifiés par la journaliste de « The Star », mais il ne s’agit pas d’athlètes. Les identités des huit athlètes américains ont été protégées dans le rapport de la commission médicale.

Les Américains et Linford Christie exonérés pour l’éphédrine

Toutefois ces cas américains avaient été présentés à des officiels de l’IAAF avant même le début des Jeux Olympiques, le 19 septembre. Avec en conclusion une absence de sanctions compte tenu que ces athlètes auraient utilisé des préparations à base de plantes contenant de l’éphédrine.

JOHNSON JO 1988

Une justification qui allait être dupliquée pour Linford Christie, qui a bénéficié, lui aussi, de la clémence de l’anti-dopage, au bénéfice du doute, le sprinter britannique soutenant que la pseudo-éphédrine découverte dans son échantillon après le 200 mètres résultait d’une consommation de ginseng.

Autant d’éléments révélant une union sacrée autour de certains cas auxquels on peut aussi ajouter celui de Carl Lewis, qui avait été contrôlé positif trois fois durant les Trials olympiques US pour de « petites » quantités de stimulants interdits et présents dans des médicaments pour le rhume. Comme l’avait révélé « Sports Illustrated » en 2003, le sprinter américain avait été sorti de l’équipe olympique officielle avant que le Comité Olympique US annule cette décision et le réintègre dans la team olympique.

Et en parallèle, les irrégularités se sont multipliées autour du cas de Ben Johnson, qui a connu une sanction très rapide, et surtout prononcée sur des bases discutables. En effet, l’échantillon du Canadien avait été analysé à partir d’une méthode de contrôle non officielle, mise au point par le professeur Donike pour détecter l’usage de stéroïdes sur le long terme.

Mais en fait, il apparaît dans les documents consultés que le Canadien a été le seul à avoir « l’honneur » d’être testé de la sorte, la méthode n’étant utilisée pour aucun des autres athlètes cités dans le rapport de la commission…

En réalité, la méthode Donike avait parfaitement fonctionné : Ben Johnson était bien un utilisateur de stéroïdes anabolisants depuis plusieurs mois, dans la période d’entraînement pour les Jeux Olympiques, comme il allait l’avouer par la suite devant la commission d’enquête Dubin.

Sur le plan sportif, la suspension de Ben Johnson ne peut donc qu’apparaître très légitime. Mais sur un plan juridique, il est tout aussi certain qu’il n’a pu bénéficier d’une vraie équité avec ses rivaux…

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.

 

Ben Johnson a-t-il perdu son titre olympique à tort à Séoul ?