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Calvin, Jeptooo, Boxberger, présentes aux JO 2024 ?

Clémence Calvin. Susan Jeptooo. Ophélie Claude-Boxberger. Ces trois athlètes sont actuellement suspendues pour dopage, et leur suspension s’achèvera quelques mois avant les Jeux Olympiques de Paris 2024. Pourrait-on retrouver à Paris au sein de l’Equipe de France de marathon ces trois ex-dopées ?? Analyse d’une situation plutôt compliquée.
Par Odile Baudrier

C’est une situation très étonnante que connaît l’athlétisme français actuellement, avec trois athlètes féminines, Clémence Calvin, Susan Jeptoo, Ophélie Claude-Boxberger, suspendues pour dopage après avoir reçu des sanctions variant entre 18 mois et 4 ans. Certes, dans les années 2007-2008, l’athlétisme français avait connu une multiplication des cas, de Naman Keita à Julie Coulaud, en passant par Bouchra Ghezielle.

Mais hasard des calendriers, les suspensions du trio Calvin-Jeptooo-Claude-Boxberger s’achèveront entre décembre 2023 (8 décembre pour Susan Jeptooo-17 décembre pour Clémence Calvin) et avril 2024 (26 avril pour Claude-Boxberger). Les trois jeunes femmes se retrouveront donc libres de revenir à la compétition quelques mois avant les Jeux Olympiques de Paris 2024 ! A des âges les autorisant encore à des ambitions sportives.

Alors, pourrait-on les retrouver au sein de l’Equipe de France de marathon ??? Ce serait alors un scénario inédit qui attirerait certainement beaucoup de commentaires. Les come-back des athlètes de retour après suspension sont toujours suivis avec attention, mais on peut prédire que l’idée qu’un trio « ex-dopé » se retrouve dans les rangs de l’Equipe de France du pays d’accueil des Jeux Olympiques ne suscite une agitation médiatique plus que néfaste, à la France, et à l’athlétisme.

Pour autant, cette idée est-elle si farfelue ? Oui et non. Le timing est très court entre la fin des suspensions et la période de qualification pour le marathon olympique.

L’AFLD doit les intégrer dans le groupe cible

Mais d’abord, sur un plan « technique », comment peut s’effectuer la reprise des trois athlètes à la fin de leur suspension ? Dans le passé, un protocole très précis était à respecter pour pouvoir prétendre revenir en compétition après une sanction. Il s’appuyait sur une visite médicale avec un médecin, théoriquement chargé de s’assurer que l’athlète revenait dans une optique plus « saine », après avoir pris la mesure de son erreur de dopage. Et s’ajoutait également l’obligation d’effectuer deux tests anti-dopage dans les six mois précédant la fin de la suspension.

Ces règles strictes ont évolué, et le standard international suggère simplement que les athlètes revenant d’une suspension devraient être ciblés par leur agence antidopage. C’est donc l’AFLD qui devrait intégrer Clémence Calvin, Susan Jeptooo, Ophélie Claude-Boxberger dans le groupe cible, qui leur imposera la contrainte de se localiser quotidiennement pour fixer un créneau durant lequel le préleveur AFLD peut se présenter pour effectuer un prélèvement.

Il est certain que l’Agence Française ne manquera pas de souhaiter retrouver dans son groupe cible ces trois jeunes femmes, compte tenu de leur niveau sportif d’avant suspension, et de leur âge qui autorise encore l’espoir d’un retour à bon niveau.

Clémence Calvin, qui aura 34 ans en 2024, venait de décrocher la médaille d’argent sur marathon aux Europe à l’été 2018, et pouvait se targuer d’un chrono de 2h26’28’’, avant d’exploser sa marque en 2h23 au marathon de Paris 2019, chrono annulé ensuite pour cause de suspension.

Susan Jeptooo, 37 ans, a été la seule Française sélectionnée pour les Jeux Olympiques de Tokyo 21, avec ses 2h28’48’’. Quant à Ophélie Claude-Boxberger, c’est sur steeple qu’elle se distinguait avec un record à 9’31’’84, et une sélection au Mondial 2019, mais l’athlète de Montbéliard soutient depuis trois ans qu’elle veut disputer le marathon olympique de Paris, en souvenir de son père, Jacky, lui-même présent sur le marathon des JO 1984. A Paris, elle aurait alors 36 ans.

Avec bien sûr, en filigrane, pour toutes les trois, comme pour tout athlète suspendu pour dopage, l’éternelle question de savoir comment ces performances passées ont été obtenues. Avec ou sans le dopage ??? Et par ricochet, autre interrogation de taille : quelle serait leur vraie capacité à reproduire leurs chronos de référence ?

Une qualification olympique difficile à obtenir

Une fois ce cadre de « vigilance » mis en place, il restera à obtenir la fameuse qualification. Et le challenge sera énorme, compte tenu de la période très courte et du niveau de performance très élevé.

Certes, à date, les règles précises ne sont pas encore connues. Mais dès la mi-juin, World Athletics a confirmé maintenir pour les JO 2024 l’objectif de 50% de qualifiées par le chrono, et 50% définies par le World Ranking.

Une réforme technique de taille, voulue par World Athletics, pour obtenir plus de garanties sur le contexte de réalisation des performances. Le constat de ces dernières années avait été affligeant, avec trop de tricheries dans certaines compétitions, qui autorisaient des athlètes à obtenir des résultats faussés. Comme ces lanceurs de marteau, où il s’avérait que l’aire de lancer ne respectait pas les contraintes techniques. Ou encore ces chronos réalisés sur steeple à la nuit tombée, avec des barrières légèrement plus basses… Ou bien ces résultats sur des marathons mesurés approximativement, ou avec déclivité.

Pour les JO 24, World Athletics a opté pour une sélection en deux temps. Une première liste sera établie à la date du 6 février 2024. Elle intègrera les marathoniennes qui auront réalisé le minima et celles classées au plus en 65ème position au ranking mondial. Et la deuxième liste sera établie, ultérieurement, exclusivement à partir du ranking, pour atteindre le nombre de 100 participantes.

Le minima à respecter n’est pas encore connu, mais un élément très édifiant est apparu à la mi-août, avec l’annonce par World Athletics des minima à respecter pour le Championnat du Monde 2023. C’est en effet une marque sous les 2h28’ que les femmes devront atteindre pour obtenir leur billet pour Budapest 2023. Et on imagine mal que ce chrono puisse être revu à la hausse pour les Jeux Olympique 2024 ! A titre de comparaison, le ticket pour le Mondial 2022 s’obtenait avec 2h29’30.

D’où une complexité supplémentaire pour le trio français Calvin-Jeptooo-Claude-Boxberger. Il leur faudrait réaliser le minima avant le 6 février 2024, ou bien décrocher leur sélection dans la deuxième phase, grâce à un bon ranking. Or le ranking découle d’une combinaison entre le résultat et la place selon le niveau de la compétition, où le chrono a été réalisé. En clair, le score obtenu est plus élevé dans les grosses épreuves de marathons,

Et là, apparaîtra une vraie difficulté, celle d’être invitée sur de tels marathons, qui affichent souvent une politique ultra-hostile aux athlètes frappés par une suspension pour dopage.

Le projet du retour à la compétition

Ces données techniques posées, demeure un autre point d’interrogation. Celui de la volonté du retour ou non à la compétition pour ce trio très spécial. Susan Jeptooo m’a confirmé semaine dernière qu’elle prévoyait la reprise de l’entraînement, après avoir subi une opération du genou, et avec un nouvel entraîneur, qu’elle ne veut pas nommer.

Ophélie Claude-Boxberger a toujours conservé le cap d’un come-back sur marathon. L’imbroglio juridique qui a entouré sa suspension, fixée d’abord à 2 ans, puis à 4 ans, l’a vue disputer des compétitions entre novembre 2021 et avril 2022. Elle était ainsi présente au France de 10 km, où elle accroche la 15ème place, enceinte de quatre mois. Elle a poursuivi son entraînement jusqu’à quelques jours de la naissance de son fils, tout en continuant à coacher son groupe d’athlètes, et a repris très rapidement après son accouchement, qu’elle a d’ailleurs qualifié de « marathon de 48 heures », en annonçant via les réseaux sociaux l’arrivée de Hugo.

Clémence Calvin, elle, est maintenant à l’arrêt sportif depuis le mois d’avril 2019, le marathon de Paris, où elle avait établi le record de France (2h23’41’’ supprimé ensuite), est sa dernière compétition. L’athlète de Martigues, devenue maman pour la deuxième fois à l’automne 2021, s’est faite très discrète sur les réseaux sociaux, du moins sous ces pseudos officiels. A la mi-août, c’est du côté de Font Romeu, où elle possède un appartement, qu’elle a été vue en footing. Pour autant, prépare-t-elle son come-back ???

Si ce n’était pas le cas, la seule marathonienne susceptible d’être qualifiée aux JO serait Zhanna Turi Mamazhanova, une athlète du Kazakhstan. Plusieurs informations font état de sa demande de naturalisation française après son mariage avec Marco Turi. Mais Marco Turi (qui avait refusé de me répondre sur ce point il y a deux semaines) dément ce jour formellement cette information. La nouvelle égérie du team « Marathoniack » a vu son chrono exploser depuis son arrivée du côté d’Aix en Prorence, sous la houlette de Jérémy Cabadet, également coach de Nicolas Navarro, 5ème aux Europe sur marathon et Floriane Hot, nouvelle recordwoman d’Europe du 100 km. Elle est ainsi descendue de 2h42 en 2019 à Berlin, à 2h26 à Rotterdam en 2022. Une progression incroyable qui la place sur orbite pour une sélection à Paris 24… Mais ce sera donc probablement pour le Kazakhstan, qu’elle a déjà représenté au Mondial d’Eugene 2022.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : GB et DR

La France compte actuellement huit athlètes suspendus pour dopage, et outre ce trio, deux autres athlètes verront leur suspension s’achever : le demi-fondeur Samir Dahmani et le spinter Ismaïl Bedel.