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Benjamin Malaty, «je veux une certaine liberté »

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En avril, Benjamin Malaty visera les minima olympiques lors du marathon de Paris

 

Deux fois premier Français à Paris en 2012 puis en 2013, Benjamin Malaty était devenu le nouveau chouchou de la sphère marathon. Puis les blessures sont venues égratigner cette ascension. Aujourd’hui, il rêve d’une sélection olympique et/ou d’une sélection pour les Europe sur semi-marathon. Avec un record personnel de 2h 12’00’’, il n’est qu’à une minute des minima.  C’est maintenant.

 

« Le temps passe trop vite ». Nos aînés disent cela. Sans défense. Sans filtre. Voûtés, ankylosés. Sans prise sur le futur, sans poigne pour retenir le présent.

Benjamin Malaty a débuté cet entretien par cette même phrase : « Le temps passe trop vite ». 2016, déjà 2016…l’année des Jeux, 2012 – 2016, quatre années écoulées, déjà…de projection, de précipitation dans le temps, la fin des faux semblants. Quatre années de promesses à soi-même, d’espérances. Dans la résonnance d’une ville, au loin, au-delà d’un océan, un autre continent,  Rio, animale, brutale, hurlante comme une rivière fougueuse à traverser, large, aux eaux intrépides. S’y jeter, s’y noyer ?

Benjamin Malaty de poursuivre sa phrase ainsi : « J’aurais aimé qu’il passe moins vite, c’est la dernière ligne droite ». Que les espoirs murmurés, avoués, soient bien inscrits dans le présent. Que les bobos, les doutes, les « faits chier » n’appartiennent qu’au passé, que le futur ne soit que projection espérée. Ils en passent tous par là, les « olympiens », à réciter cette petite phrase « Le temps passe trop vite »… Car il y a de l’urgence, de la précipitation, des obligations. Oui c’est bien maintenant et non demain pour Benjamin Malaty et les autres de prouver que le futur simple doit être plus que parfait. L’excellence.

A trois mois d’une sélection, il compte déjà en semaines, en jours, en cycles de préparation,  en séances longues, à sept mois des Jeux, le marathonien est dans la compréhension du temps. Bousculé par les erreurs ? Oui, il glisse  « ne vouloir plus être dans le fatalisme » et « retrouver des sensations »…du plaisir, ces émotions secrètes que les bonnes séances apportent comme jouissance. Simplement « courir vite » dès cet hiver, en cross avec son équipe, des gars du crû, un poil ambitieux pour le France. Pour ne plus se dire : « Mais pourquoi ces grains de sable, pourquoi mon corps me lâche ? ». Finalement, il cherche encore la réponse.

Après « avoir tapé dans le mille », comme il s’en réjouit encore, par deux fois, en 2012 puis en 2013, à chaque fois classé meilleur Français à Paris, Benjamin Malaty, devenu chouchou de la sphère marathon, s’est ensuite accroché au marche pied d’un train qu’il ne maîtrisait plus tout à fait. Les blessures ont parfois des griffes profondes. En quelques mots, il résume ainsi la chronologie de trois marathons imparfaits, « inachevés ». Moscou 2013 « je n’étais pas là le jour J ». Une couleur pour qualifier cela, il n’hésite pas, c’est le rouge. Zurich 2014 « il m’a fait mal ». Un  mot qui lui vient sur le bout des lèvres « la déception » même si la ferveur et la médaille par équipe évacuent ce sentiment d’inachevé. Enfin Francfort 2015 « je n’étais pas moi ». On a toujours besoin de le savoir « le marathon, c’est dur » il le répète sans chercher les excuses.

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« Je veux être dans la vraie vie ». L’entretien s’installe, sans pose,  sans feu rouge dans l’essentiel. L’Agenais, le mélancolique, sagement éduqué, le raisonné, le dit depuis toujours. Benjamin Malaty ne sera jamais dans la parade. Il ne sera jamais un Benoit Z, un Dominique Chauvelier, un Philippe Rémond, plus loin en remontant dans l’histoire du marathon, un Alex Gonzalez qualifié aux J.O. du 1500 au marathon, encore fringuant chez les vétérans.  « L’athlé, c’est important, mais j’ai besoin de m’ouvrir, je ne veux pas me fermer. Il y a trop de bonnes choses à vivre dans le monde ». Le chargé de mission au développement économique à la mairie de Talence le répète comme pour s’excuser : « J’aime l’athlé , c’est une passion, mais je veux une certaine liberté. Certains ne comprennent pas ce côté équilibre dont j’ai besoin. Mais mon avenir est plus important qu’un chrono ».  Il ajoute avec beaucoup de sincérité : « J’avais un Bac +5, je voulais travailler ».

Pour ceux qui veulent jongler avec les cinq anneaux olympiques, le temps s’est donc accéléré. Mais pour soulever l’épais rideau rouge de ce grand cirque médiatique, Benjamin Malaty ne cherche ni tour de passe-passe, ni tour de main, sa problématique est simple : « gagner une minute » pour réussir, à Paris, c’est le marathon qu’il a choisi, les 2h 11’00’’ temps qualificatif pour  disputer les Jeux Olympiques.  Une minute, c’est le temps nécessaire pour écrire un texto, on met guère plus de temps pour avaler un expresso, ce n’est rien. Pour le marathonien, c’est un siècle. C’est grosso modo, une grosse seconde au kilo. Une seconde, c’est le temps d’un battement de cil, ce n’est rien. Pour le marathonien, c’est un long fragment de vie. « Il faut se sentir bien dans la course. Je connais les eaux. Il faudra être plus résistant  pour ne pas perdre de temps dans la seconde partie. Lorsque je cours en 2h 12’, je passe au trentième sur les bases de 2h 10’10. J’y crois parce que ce n’est qu’une minute ».

Le temps a ainsi déroulé sa pelote « Le temps passe vite ». Longue maturation, focalisation extrême, ancrage profond dans le présent, un quotidien sur le fil du rasoir, le quotidien du marathonien. Accroché aux siens, son amie pédiatre, les potes de toujours, Yoann Durand, Yannick Dupouy « Ce fut un moteur pour moi et inversement. Ca m’a aidé à pousser, pour garder l’état d’esprit d’il y a dix ans. Je leur dis souvent merci ». Dire merci également à Messaoud Settati, l’entraîneur agenais des débuts, de toujours, fusionnel, à cœurs ouverts : « J’avais besoin de le revoir plus pour repartir ». Ils ont bricolé ensemble dans l’appart qu’il s’est acheté à Talence, le « vieil » homme est là aussi pour calibrer certaines séances. Pour rassurer, lever les doutes. Le temps des palpations, des pulsions, des regards pour éviter les écarts. Benjamin Malaty est en suspens. Cela ne dure jamais longtemps. Le temps passe trop vite….

> Texte : Gilles Bertrand

> Photos : Kalenji

> Benjamin Malaty en bref :

. 12ème aux Europe de cross en 2011

. 1h 04’20″ » sur semi marathon à Reims en 2011

. Champion de France de cross en 2012 à la Roche sur Yon

. 2h 13’15 » au Marathon de Paris en 2012 (19ème)

. 2h 12’00 » au Marathon de Paris en 2013 (13ème)

. 28ème au Mondial de Moscou en 2h 19’21 »

. 15ème aux Europe de Zurich en 2h 17’09 »

 

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