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Abdellatif Meftah, mis en cause pour son passeport biologique

Abdellatif Meftah a été suspendu provisoirement par l’AFLD en raison d’irrégularités de son passeport biologique. Il lui a été demandé de justifier les données des années 2014-2018. Le coureur du Mans, âgé maintenant de 41 ans, auteur de 2h09’ sur marathon en 2011, a été membre de l’Equipe de France à 18 reprises. Il s’agit du deuxième athlète du Mans à être mis en cause pour passeport biologique, après Anouar Assila, suspendu 4 ans en 2017.

Abdelatif Meftah
Abdelatif Meftah

C’est un coureur très prolifique qui se voit mis en cause par l’Agence Française Anti Dopage, pour des irrégularités de son passeport biologique. Abdellatif Meftah a porté à 18 reprises le maillot de l’Equipe de France. Cross, semi-marathon, marathon, Championnats d’Europe, Championnats du Monde, Jeux Olympiques, en 2012. Sa meilleure performance y avait été la place de 4ème au Championnat d’Europe de cross 2010, ponctuée par une médaille d’or par équipe. Abdellatif Meftah a aussi empoché deux titres de Champion de France, sur semi-marathon (2010-2013), et trois records de France (15 km – 20 km – semi) en 2010.

Une carrière longue qu’il avait débutée en France en 2007 sous les couleurs de l’Athleg Provence, le club de la Légion Etrangère. Abdellatif Meftah arrivait alors du Maroc, où il avait réalisé 1h01’32’’ sur semi, à 21 ans, en 2003. Il allait ensuite connaître une sortie tumultueuse de la Légion Etrangère, exclu pour avoir refusé une sélection, et c’est au Mans qu’il s’installait, passant successivement dans les différents clubs de la ville, Athlé 72, Endurance 72, Entente Sarthe, puis à partir de 2017, Sarthe Running, devenu ensuite Stade Olympique du Maine Athlétisme, où il est simple licencié et non pas en charge de l’encadrement des jeunes, comme il l’avait été écrit à tort dans cet article.

Autant dire que l’annonce de sa suspension provisoire a trouvé un gros écho au Mans, ville qui avait déjà connu le tumulte lors de l’affaire Assila. D’autant que cet arrêt imposé par l’AFLD lui interdit de poursuivre l’encadrement des jeunes athlètes du Stade Olympique du Maine Athlétisme (1).

Pourquoi Abdellatif Meftah est-il inquiété ?

Pour des irrégularités de son passeport biologique, qui remonteraient à la période 2014-2018. Pourquoi aussi tardivement ? Les complexités juridiques autour de l’utilisation du passeport biologique pour des procédures anti-dopage viennent juste d’être levées, et l’AFLD peut maintenant vraiment utiliser cette « arme » contre les athlètes.

Certains prélèvements effectués lors de contrôles anti-dopage, en compétition, ou hors compétition, sont utilisés pour alimenter le passeport biologique. Le passeport biologique intègre plusieurs marqueurs : l’hématocrite –l’hémoglobine – la numération érithrocytaire – le pourcentage de réticulocytes – la numération des réticulocytes – le volume corpusculaire moyen – l’Hémoglobine corpusculaire moyenne – la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine.

Des anomalies sanguines peuvent alors apparaître, témoignant de l’utilisation de produits interdits, comme l’EPO, ou de transfusions sanguines. Plusieurs taux peuvent le dévoiler : les OFF Score, le % de réticulocytes, la concentration en hémoglobine.  

Les anomalies peuvent aussi résulter d’éléments extérieurs, comme un stage en altitude, un traitement médical, le recours aux caissons hypoxies…. Mais ces éléments doivent normalement être mentionnés par l’athlète au moment du prélèvement de son échantillon.

A défaut d’informations explicatives, une procédure peut être lancée. Elle impose d’abord de demander à l’athlète de justifier l’origine de telles anomalies. C’est ce que l’AFLD a fait auprès d’Abdellatif Meftah en décembre 2022. La balle est maintenant dans le camp du coureur. Dans l’attente de ses justifications, la suspension provisoire a été prononcée dès le début décembre.

Meftah venait alors d’enchaîner plusieurs performances, en particulier la victoire en master au cross d’Allonnes.

Harzouz Saadi, l’entraîneur doublement mis en cause

Avec cette affaire Meftah, c’est aussi le nom d’Harzouz Saadi, qui revient dans le contexte d’une affaire de dopage. Le Lyonnais s’était vu mis en cause en octobre 2021, suite à l’interpellation de Susan Jeptooo. La marathonienne, son mari, Jakob Kipsang, et Harzouz Saadi avaient été placés en garde à vue. Puis en novembre 2021, le Procureur de la République de Roanne validait les accusations d’obtention et détention illicite de substances classées comme psychotropes, et obtention et détention de faux documents administratifs (identités, ordonnances, certificats médicaux) à l’encontre du trio.

Harzouz Saadi et Abdellatif Meftah se connaissaient depuis les années 2007. Lors du cross du Mans de janvier 2017, Harzouz Saadi avait expliqué qu’il jouait le rôle de conseiller, alors que l’athlète était en difficulté après deux années de blessures, et un conflit avec son club de l’époque Endurance 72, qui le laissait sans ressources.

Même si Meftah soutenait alors être son propre entraîneur, Harzouz Saadi se présentait également comme le coach d’Abdellatif Meftah, ce qui figure d’ailleurs sur la fiche FFA de l’athlète (à partir de 2014). Lors de notre rencontre au Mans, en janvier 2017, Saadi avait spontanément abordé le point de l’anti-dopage, en expliquant que c’est lui qui effectuait la localisation du marathonien sur le système Adams de l’AFLD.

Saadi avait aussi souligné : « Nous n’avons jamais eu de problèmes au niveau biologique ou médical. Comme tout athlète ; il a fait 1 ou 2 manqués. Il faut savoir qu’à une époque, il se faisait contrôler chez lui 2 à 3 fois par semaine. Mais on n’a rien à cacher, nos suivis sont là, on est transparents. » Des propos qui prennent une dimension remarquable au moment où c’est justement cette année 2017 qui est particulièrement pointée du doigt par l’AFLD…

Harzouz Saadi n’hésitait jamais non plus à se référer à Pierre Sallet, référence dans le domaine anti-dopage, qu’il avait connu durant leurs années triathlon à Lyon. Il avait présenté l’expert de Quartz comme une caution sur la « propreté » de Meftah. Pierre Sallet avait alors eu ce commentaire : « Dans ma position, je ne pourrais jamais m’engager à 100% sur aucun athlète, mais Abdellatif est un gars bien qui depuis 10 ans que nous sommes amis, a toute ma confiance ».

La longue amitié entre Saadi et Sallet n’avait pas résisté à l’interpellation de Susan Jeptooo, et cette nouvelle affaire ne pourra que confirmer le voile posé sur Harzouz Saadi.

Anouar Assila, un autre Manceau trahi par son passeport biologique

L’affaire Meftah retentit particulièrement au Mans, où le cas d’Anouar Assila avait défrayé la chronique il y a quelques années. Pour rappel, Anouar Assila avait fait l’objet d’une procédure anti-dopage en raison de son absence lors d’un contrôle anti-dopage à son domicile en février 2016. La FFA, alors décisionnaire pour l’anti-dopage, l’avait exonéré de toute poursuite en mai 2016.

Mais quelques mois plus tard, Anouar Assila se voyait notifier une procédure pour l’irrégularité de son passeport biologique, et était suspendu quatre ans en septembre 2017 jusqu’en septembre 2021.

La décision publiée alors par la FFA avait dévoilé que « les marqueurs sanguins analysés dans le profil hématologique de M. ASSILA, dépassant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé pour le dépistage des cancers du sang, sont considérés par le collège d’experts comme étant naturellement improbables sans la prise d’une substance interdite, telle que l’érythropoïétine, ou l’usage d’une méthode interdite, telle que la transfusion sanguine ; qu’ainsi l’absence de prélèvements réalisés hors compétition dans le passeport biologique de M. ASSILA n’est pas de nature à remettre en cause l’avis du collège d’experts. »

Les experts avaient en particulier pointé du doigt les « contrôles du 26 octobre 2014 et 20 novembre 2016, qui sont ceux présentant les valeurs les plus anormalement élevées. » D’où l’annulation de toutes ses performances réalisées durant cette période, y compris donc son titre de vice-champion de France de semi-marathon obtenu en 2014 à Saint Denis (qui demeure pourtant encore sur les tablettes du site de la FFA !).

Anouar Assila avait été le deuxième athlète français à être suspendu pour le passeport biologique. Le premier, Riad Guerfi avait fait appel de sa suspension jusque devant le Tribunal Arbitral du Sport, mais l’instance avait maintenu la sanction de 4 années. Pour Riad Guerfi, le dossier concluait à l’usage d’une substance ou méthode interdite à deux reprises, en avril 2013 (championnat de France du 10.000 m), la deuxième fois le 29 avril 2015 (championnat de France du 10.000 m).

La suspension de Riad Guerfi s’est achevée fin 2019, et l’athlète, maintenant licencié à Run Up Nanterre, vient de réaliser 29’33’’ aux 10 km de Houilles.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : Gilles Bertrand