La liste des sprinters américains suspendus pour des faits de dopage s’est encore allongée avec l’annonce de la suspension de Marvin Bracy Williams. Après la suspension du champion du monde Fred Kerley, et de Erriyon Knighton, en bronze sur le 200 mètres sur le Mondial 2022, ce sont donc trois sprinters US médaillés à ce Mondial d’Eugene qui se voient écartés. Il semblerait que Marvin Bracy ait en réalité été dénoncé à l’USADA par son entraîneur, Dennis Mitchell !
Cette fois, c’est l’USADA qui a lancé l’offensive contre Marvin Bracy Williams. Précédemment, l’Athletics Integrity Unit avait fait le job pour les autres sprinters américains stoppés par des suspensions pour des faits de dopage. La liste s’est encore allongée et compte maintenant de très grands noms du sprint US, épinglés dans ces 20 dernières années : Christian Coleman, Justin Gatlin, Gil Roberts, Randolf Ross, Shawn Crawford, Tyson Gay, Tim Montgomery, LaShawn Merritt, Antonio Pettigrew, Jerome Young, et côté féminin, la star, Marion Jones et la jeune Sha’Carri Richardson.
Avec Marvin Bracy Williams, le camouflet est énorme pour l’athlétisme américain, qui avait su s’enorgueillir du triplé américain sur le 100 mètres devant son public lors du Championnat du Monde d’Eugene. Ce podium avec Fred Kerley, Marvin Bracy, Trayvon Bromell avait flatté le patriotisme américain. D’autant qu’il s’était répété trois jours plus tard sur le 200 mètres, avec Noah Lyles, Kenny Bednarek, et Erriyon Knighton.
Erriyon Knighton, suspendu 4 ans pour stéroïde anabolisant
Trois ans après, ils sont maintenant trois médaillés à être sanctionnés pour dopage. Le premier à être dégagé a été Erriyon Knighton, après un contrôle positif à la Trenbolone, un stéroïde anabolisant, en mars 2024. Dans un premier temps, le sprinter, auteur du record du monde junior du 100 mètres en 2022, avait été disculpé par un arbitre américain, au motif qu’il avait été positif après avoir mangé du bœuf contaminé dans un restaurant en Floride. Cela lui avait permis de disputer les JO 2024. Mais l’AIU et l’AMA refusaient cette relaxe, et portaient l’affaire en appel auprès du Tribunal Arbitral du Sport. Fin octobre 2025, la sentence tombait avec la confirmation d’une suspension de quatre ans stoppant le sprinter de 21 ans jusqu’en juillet 2029.
Fred Kerley, les défauts de localisation
Puis Fred Kerley subissait les foudres de l’AIU, pour des problèmes liés à sa localisation. La méthode déployée par l’instance anti-dopage de World Athletics, lorsque les simples contrôles hors compétition ne suffisent pas pour démontrer la tricherie d’un athlète, visiblement utilisateur de protocoles très sophistiqués et donc difficiles à dévoiler. Christian Coleman, Salwa Eid Naser, Mo Katir, et en France, Mouhamadou Fall, Amaury Golitin, Mehdi Frère, Wilfried Happio ont vu leur carrière interrompue plusieurs années pour ce motif, que très peu de sports utilisent, et en particulier le cyclisme.
La procédure lancée par l’AIU contre Kerley à la mi-août 2025 demeure encore en cours d’instruction, Fred Kerley a d’abord protesté et clamé bâtir une défense forte, avant d’annoncer mi-septembre qu’il disputerait en 2026 la compétition des « Enhanced Games », les « Jeux des Dopés », ce qui semble indiquer qu’il a admis qu’une sanction sera inévitable. C’est le champion du monde 2022, vice-champion du monde 2021, médaillé de bronze aux JO 2024 qui est ainsi torpillé.
Marvin Bracy Williams, une suspension gardée secrète depuis février 2024
Dernier en date, donc, Marvin Bracy Williams, qui est suspendu pour 45 mois. Une sanction en réalité plutôt clémente, car l’USADA a été contrainte de révéler que le médaillé de bronze d’Eugene comptait trois infractions aux règles anti-dopage…. C’est énorme, mais très généreusement, l’USADA a tranché pour regrouper deux infractions en une, à réduire la suspension d’un an pour reconnaissance rapide de culpabilité et à la réduire encore pour avoir fourni des informations très importantes aux enquêteurs de l’USADA, pour tomber à seulement 21 mois de suspension au lieu des 4 ans prévus.
Et l’USADA a également offert un joli privilège à Marvin Bracy Williams : le secret total sur son contrôle positif, qui date de février 2024, et sur sa suspension. Ce n’est que parce que Rae Edwards, un ancien sprinter, a révélé cette info à la mi-août via son compte « Track Trap God » sur le réseau X que l’agence américaine s’est enfin décidée début novembre à publier la décision sur son site. Avec l’aveu qu’elle a tout de même dû ajouter 24 mois pour cette 3ème infraction, la violation des règles de localisation, entre octobre 23 et juin 24.
Marvin Bracy a été dénoncé par Dennis Mitchell ?
Pourquoi tant de précautions ? A première vue, on pourrait y voir l’influence de Dennis Mitchell, le coach de Marvin Bracy, capable de déployer tout son réseau pour obtenir un semblant de protection de son athlète, et surtout de son groupe d’entraînement. Car Dennis Mitchell, nommé entraîneur national du sprint US pour les JO de Rio, Coach Nike de l’année en 2023, demeure l’un des entraîneurs vedette des Etats-Unis, grâce à Melissa Jefferson Wooden, triple championne du monde cette année.
Mais selon les informations dévoilées le 13 novembre par Robert Johnson et Jonathan Gault, sur le site Lets Run, à la suite des explications de Rae Edwards diffusées le 12 novembre, sur sa chaîne YouTube, ce serait en réalité Dennis Mitchell qui aurait dénoncé Marvin Bracy à l’USADA début 2024, provoquant le contrôle anti-dopage hors compétition qui allait se révéler positif…
Dennis Mitchell, un coach sulfureux, mais reconnu
Une histoire très étonnante et une attitude surprenante de la part de Dennis Mitchell, compte tenu de son passif plutôt impressionnant question dopage. Lui-même avait connu un contrôle positif à l’époque de sa carrière, qu’il avait réussi à torpiller avec un très vilain mensonge. L’USADA avait abdiqué. Pourtant il avait admis plus tard avoir utilisé de l’Hormone de croissance. Puis on le retrouvait aux côtés de Justin Gatlin, et selon « The Times », il serait lié à environ 15 violations des règles anti-dopage, en association avec un athlète, ou un entraîneur. Les fameuses règles d’élargir les sanctions à l’aéropage des athlètes, n’ont jamais été appliquées et Dennis Mitchell conserve encore toute latitude pour diriger son groupe.
Alors finalement pourquoi cette protection de Marvin Bracy ? Selon les éléments obtenus par les journalistes de Let’s Run, le sprinter aurait fourni des informations précieuses à l’USADA qui devraient prochainement aboutir à des nouvelles sanctions, comme l’a souligné Travis Tygard, le patron de l’USADA. Le sprint américain va-t-il être encore plus souillé par les affaires ??
- Analyse : Odile Baudrier
- Photo : D.R.
