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Le dopage dans le trail, une réalité à combattre ensemble par les contrôles et la prévention

Le partenariat inédit établi entre l’AFLD et le Festival Hoka les Templiers a été présenté à la presse et a fourni l’occasion d’interventions passionnantes de Jérémy Roubin, le secrétaire général de l’AFLD, et de Christophe Bassons, spécialiste antidopage. Jérémy Roubin a livré des réponses très précises pour confirmer l’importance accordée au trail par l’Agence sur le plan des contrôles. Christophe Bassons a lancé une vraie alerte pour inciter à la collaboration de tous, trailers, instances officielles, médias, organisateurs pour combattre ce fléau.

C’est peut-être le mot de la fin prononcé par Christophe Bassons qu’il faut retenir avant tout : « Je veux insister. Il y a urgence à agir ! J’ai pu voir cette année dans les Alpes des inscriptions sur la route identifiant un trailer comme dopé. Cela me perturbe. J’ai vu les dégâts dans le vélo. Une inscription comme ça, ça veut dire qu’on commence à jeter le discrédit sur une discipline. Peut-être au début sur un individu, mais il ne faudrait pas que l’année prochaine, il y ait deux, trois sportifs qui soient ciblés et que finalement on se retrouve avec des parcours avec plein de peintures et d’inscriptions qui discréditent complètement ces sportifs de haut niveau qui sont avant tout des sportifs de haut niveau qui s’entraînent, qui font des efforts et qui sont là pour faire le plus qu’ils puissent faire. »

Christophe Bassons, trailer confirmé, appelle à une union sacrée

Christophe Bassons connaît maintenant le monde du trail aussi bien que celui du cyclisme, qu’il a quitté pour marquer son opposition à l’utilisation trop répandue des produits dopants. Le trail, il l’a découvert en 2008 lorsqu’il est présent au Festival des Templiers, déjà pour animer une conférence sur le dopage. Il est tellement séduit par l’ambiance de l’évènement qu’il décide même, sur un coup de tête, de prendre le départ le lendemain matin du Grand Trail des Templiers. Ce sera alors une découverte dans la douleur, il n’est pas suffisamment préparé, il abandonnera, mais il reviendra ensuite fréquemment sur le Festival, avec beaucoup de réussites : finisher du Grand Trail des Templiers dès 2008 et plusieurs fois de la Boffi Fifty, vainqueur de la Rock Shot.

L’ancien cycliste et néo-trailer est demeuré ardemment engagé dans l’anti-dopage, à travers sa fonction de conseiller régional régional anti-dopage (chargé de la lutte contre le trafic de produits dopants) en Nouvelle Aquitaine. Et ce background exceptionnel lui confère une connaissance fine des contextes qui peuvent représenter un risque de dérive dopante. D’où son cri d’alerte pour inciter tous les acteurs du trail à s’unir pour s’opposer à ce fléau, sportifs, organisateurs, teams, agence anti-dopage et y compris les médias qu’il incite à mesurer leurs écrits dans la glorification des efforts d’ultra-trail, avec le danger que l’extrême dépassement de soi, l’accumulation des compétitions, puissent représenter autant d’occasions de recours au doping ou legal doping.

Jérémy Roubin explicite les risques présentés par le trail

Un discours en phase avec les propos de Jérémy Roubin, le secrétaire général de l’Agence Française de Lutte Anti-dopage, qui insistait sur la place importante accordée au trail dans le travail de contrôles effectué par l’AFLD. Avec la 12ème place au rang du nombre de contrôles, devant la natation. Et la présence de 6 trailers d’élite (*) dans le groupe cible de l’AFLD. Un chiffre qui peut paraître faible, mais à rapprocher d’un total de 200 sportifs français, et 34 athlètes-FFA, toutes disciplines confondues (**)

Dans cette approche, Jérémy Roubin souligne la prise en compte par l’agence de plusieurs critères : « On sait qu’on est sur un terrain « propice », entre guillemets, car dans les sports qui requièrent beaucoup d’endurance ou de force, comme le trail, le dopage présente sans doute un intérêt encore plus fort parce qu’il permet véritablement d’améliorer les performances. Les autres critères qu’on a l’habitude de manier et qui vont accroître le risque de dopage et la vulnérabilité au dopage, ce sont les incitations financières de plus en plus fortes, et également une visibilité, y compris médiatique, de plus en plus importante. Bref, des incitations qui peuvent conduire, pardonnez-moi l’expression, à perdre un peu la tête et à se dire que, finalement, franchir la ligne rouge, ça en vaut le coup. Et donc, on sait que quand une pratique sportive se développe, quand elle devient de plus en plus visible, quand elle devient de plus en plus suivie avec de l’intérêt financier, médiatique, sportif, du grand public, les incitations croissent. Et donc, l’Agence anti-dopage doit être de de plus en plus présente. »

Une présence avec des contrôles en compétition ou hors compétition pour les trailers intégrés dans le groupe cible ou groupe de contrôle. Mais l’AFLD souhaite aussi avancer sur le terrain de la prévention, afin de transmettre un message d’alerte sur les règles, les substances et méthodes interdites. Et également de faire mieux comprendre quels sont les mécanismes qui peuvent conduire à des vulnérabilités au dopage, à l’incitation au dopage.

Christophe Bassons incite à questionner sa pratique de trailer

Pour Christophe Bassons, la prévention marque justement l’axe majeur de sa réflexion, mais dans un cadre encore plus large : « L’éducation à la prévention, ce n’est pas simplement bien informer sur les règles anti-dopage. C’est aussi donner les outils aux sportifs pour s’interroger sur leur pratique. Cela à tous les niveaux. La question, pourquoi on le fait ? Est-ce que la personne fait une course comme l’UTMB pour que les gens l’encouragent sur la ligne ? Est-ce qu’ils le font pour les likes des gens qui les suivent depuis trois mois ? Ou est-ce qu’ils le font parce qu’ils veulent vivre un moment personnel, au fond d’eux-mêmes, de dépassement ? Il y a quand même une sacrée différence entre les deux. J’ai bon espoir que quand on donne ces clés, quand on provoque l’échange sur ce sujet-là, ça peut éveiller certains sportifs sur leur bonne pratique et faire évoluer les mentalités. Pour moi, la prévention doit provoquer des changements de mentalité ou de manières de penser. »

Un programme vaste et ambitieux pour lequel une « union sacrée » s’impose pour tous les acteurs du trail, comme l’ont rappelé tour à tour Christophe Bassons et Jérémy Roubin, très explicite : « Si on ne fait pas d’action, y compris de mobilisation des autres cercles concentriques, finalement, on se condamne peut-être un peu à l’épuisement vis-à-vis du public des sportifs qui n’est que la face émergée de l’iceberg. Donc, j’espère qu’à travers des actions comme celles qu’on pourra faire au Festival Hoka Les Templiers, c’est aussi une manière de sensibiliser tous ceux qui ne participent pas à la compétition mais qui sont dans l’environnement sportif ou même dans l’intérêt sportif, qui suivent ces compétitions. Car il faut constater, et ce n’est pas propre à la France, qu’il est parfois plus compliqué de faire prendre conscience à l’ensemble de cet environnement sportif, médiatique, de sponsors économiques, qu’ils sont aussi un maillon de la chaîne antidopage et qu’ils ont un rôle à jouer, ne serait-ce que dans la transmission des valeurs. »

Le débat autour des actions à entreprendre sur le dopage dans le trail est bel et bien lancé ! Pour s’y associer, tous les dossards afficheront un message très symbolique : «Les Templiers avec AFLD pour un sport propre ».

Analyse : Odile BAUDRIER – journaliste pour spe15.fr et co-organisatrice du Festival Hoka les Templiers

L’AFLD AU FESTIVAL HOKA LES TEMPLIERS

L’AFLD sera présente sur le Salon du Trail au Village des Templiers du jeudi 16 octobre au samedi 18 octobre pour sensibiliser aux dangers des produits dopants et pour présenter une application d’information sur les compléments alimentaires.

Damien Ressiot et Christophe Bassons animeront le samedi 18 octobre un Colloque consacré aux risques du dopage dans le trail et à la prévention des conduites déviantes au service de l’excellence. Nombre de places limitées – accès sur inscription préalable via ce lien : https://forms.gle/4hfND2tBXYWH2YDVA

Retrouvez l’intégralité de la conférence de presse du mercredi 17 septembre : https://www.youtube.com/watch?v=hvStfg2Incw

(*) Mathieu Blanchard – Vincent Bouillard – Aurélien Dunand Pallaz – Clémentine Geoffray – Germain Grangier – Blandine L’Hirondel – les noms des sportifs présents dans le groupe de contrôle ne sont pas communiqués publiquement. Le groupe cible de l’Athletics Integrity Unit intègre 16 athlètes français – aucun trailer – un marathonien : Morhad Amdouni

(**) Sur le marathon : Morhad Amdouni – Clémence Calvin – Hassan Chahdi – Abderrazak Charik – Fadouwa Ledhem – Mekdes Woldu