Le marcheur italien Alex Schwatzer demeure convaincu qu’un complot a été organisé pour rendre son échantillon positif en 2012. Et met en cause en particulier Thomas Capdevielle, responsable anti-dopage à l’IAAF à l’époque, et désormais actif au sein de l’Athletics Integrity Unit. Mais l’AIU soutient sans réserve Thomas Capdevielle, car disculpé par la commission d’enquête indépendante.
Le cas très compliqué d’Alex Schwatzer ressurgit à intervalles réguliers dans la presse italienne. En ce début février, c’est la « Gazzetta dello Sport», qui donne la parole au marcheur, condamné à huit ans de suspension en 2012 après un deuxième contrôle positif.
L’histoire a maintenant été disséquée à de multiples reprises, pour dévoiler une situation complexe, avec cet échantillon déclaré positif à l’EPO après une première analyse négative, et après une deuxième analyse effectuée, soutient le marcheur, à la demande de Thomas Capdevielle, responsable anti-dopage de l’époque au sein de l’IAAF.
Et le rôle de Thomas Capdevielle est apparu pour le moins trouble, à la faveur des révélations successives de divers journalistes italiens, informés en particulier par des hackers les rendant destinataires de mails compromettants. En particulier, il semble avoir été en relation directe avec le Docteur Fischetto, qui allait, par la suite, être condamné par la justice italienne pour avoir couvert le dopage d’Alex Schwatzer.
Le Français opérait alors comme responsable anti-dopage à l’IAAF, et travaillait aux côtés du Docteur Gabriel Dolle, mis en cause par la suite pour avoir couvert des cas de dopage. Et les questions ne peuvent que se poser sur le rôle exact de ce juriste dans les dérives constatées au niveau des acteurs de l’anti-dopage de l’IAAF, sous la houlette de Lamine Diack, Gabriel Dolle, Habib Cissé.
Ces points suscitent interrogations, d’autant que Thomas Cadepvielle conserve un rôle fort au sein de l’AIU, la structure chargée maintenant par l’IAAF de gérer le dopage et l’intégrité.
L’AIU joue la transparence
C’est après un certain délai de réflexion qu’Aditya Kumar, le responsable communication de l’AIU, a accepté de répondre à mes interrogations sur Thomas Capdevielle. Ceci en accord avec une ligne de conduite précise de l’AIU, qu’il explicite : « Nous voulons être clairs sur notre position. La transparence est un élément clef et un objectif de l’AIU. »
Malgré tout, Aditya Kumar ne dissimule pas son étonnement sur les interrogations formulées par écrit, et il répète à deux reprises : « Certaines questions posées sont un peu étranges. » Celles-ci tournaient autour du rôle exact de Thomas Capdevielle dans l’affaire Schwazer, de sa connaissance très précoce des dérives des athlètes russes (dès 2011 selon la presse anglaise). Ou encore de sa collaboration avec des personnes aussi corrompues que Gabriel Dolle ou Habib Cisse, qui ne peut qu’inspirer des soupçons sur une possible association à cette corruption.
Mais à l’AIU, les réponses sont peaufinées, pour s’inscrire dans un cadre très précis, celui de la confiance totale de l’instance de l’anti-dopage à l’égard de Thomas Capdevielle. Pour une raison toute simple : «Nous pouvons dire que tous les problèmes évoqués dans vos questions ont été présentés à une commission indépendante. La commission a conclu que Capdevieille, Garnier, Roberts, ont fait de leur mieux dans des circonstances difficiles. Cette commission était complètement indépendante et internationale. Nous ne pouvons donc pas commenter beaucoup plus ces éléments. »
Ceci élimine de facto l’idée d’une implication de Thomas Capdevielle dans les dérives de l’anti-dopage à l’époque du Docteur Dollé, avec cette réaction très étayée : « Pour nous, ces problèmes sont clairement derrière nous. Capdevielle, Garnier, Roberts étaient tous dans le département anti-dopage de l’IAAF. Mais cela a été tranché par la haute autorité de la commission d’enquête indépendante, qui a conclu qu’il n’y a pas eu de fautes. Ce n’est pas ce que tout le monde veut penser. Mais nous suivons les conclusions de la commission d’enquête, qui a fait des investigations, des recherches, et après ce travail, a décidé que Monsieur Capdevielle, Monsieur Garnier, Monsieur Roberts peuvent être disculpés de toute faute. Certes ils ont travaillé dans des circonstances très délicates, mais ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient faire. C’est la position de l’AIU sur ces cas. Et depuis que l’AIU les a intégrés dans son équipe, ils ont vraiment fait du très très bon travail. »
Toutefois à la remarque que le passé demeure encore très méconnu, et que ce manque d’informations complètes ne peut qu’alimenter les doutes, Aditya Kumar se justifie: « Nous pouvons comprendre votre position. Mais certaines affaires sont encore sous le coup d’investigations, et il ne serait pas correct de commenter des affaires non jugées. » La justice française n’a effectivement pas levé tous les voiles sur les dérives de la famille Diack, du Docteur Dolle ou de Habib Cissé, qui ne sont encore connues que de manière parcellaire.
Thomas Capdevielle, également présent dans l’anti-dopage de l’UCI
Concernant le rôle exact joué par Thomas Capdevielle dans le dossier Schwatzer et l’envoi de mails au Docteur Fischetto, la réponse semble un peu plus embarrassée : « Il y a des détails qui ont été révélés, qui apparaissent comme des erreurs de comportement, dans la manière dont ils sont présentés. Toutefois, pour le moment, cette affaire est encore en investigation, et nous ne pouvons pas la commenter. Je peux juste dire que cette théorie du complot ne s’inscrit pas dans notre philosophie. Nous sommes ici pour faire du bon boulot, pour travailler en toute transparence. Nous ne pouvons donc adhérer à ces idées. »
Ainsi l’AIU demeure solide derrière son responsable anti-dopage, qui présente aussi une particularité étonnante, celle d’être administrateur du CADF, l’organisme chargé de gérer l’anti-dopage pour l’UCI. Cette concomitance de fonctions, tantôt côté athlétisme avec l’IAAF, puis l’AIU, et tantôt côté cyclisme avec le CADF, ne peut qu’interpeller. Mais là encore, l’AIU ne souhaite pas alimenter le moindre débat sur un possible conflit d’intérêts : « Techniquement, il n’y a pas de conflit majeur d’intérêts entre cette position au CADF et son travail à l’AIU. C’est plutôt un rôle de consultant. Nous ne voulons pas être une organisation isolée, et donc nous recherchons les opportunités de comprendre les actions des autres fédérations majeures dans l’anti-dopage et leur organisation dans ce domaine. C’est un grand avantage de pouvoir échanger avec d’autres structures anti-dopage. Il n’y a pas de difficulté à voir Thomas Capdevielle à ce poste au CADF, nous ne savons pas combien de temps il continuera. »
Et de conclure avec fermeté : « Nous n’avons pas de problème avec Thomas Capdevielle ». Une attitude positive propice à rassurer les observateurs les plus méfiants ?
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.