Aller au contenu

Les médicaments de la thyroïde, un must pour l’élite britannique ?

La thyroxine, médicament destiné à soigner les carences de la thyroïde, apparaît avoir été largement conseillée aux sportifs du Royaume Uni par le Docteur Chakraverty, médecin officiel de la Fédération Britannique, qui incitait les meilleurs athlètes à l’utiliser même en l’absence de pathologies. Une méthode également utilisée aux Etats-Unis par le Docteur Brown, en collaboration avec Alberto Salazar. Avec en ligne de mire, l’effet boost sur l’organisme et les performances !

Un effet domino du pire effet. C’est l’impression laissée par les évènements qui se succèdent au Royaume Uni. Car le deuxième documentaire diffusé par BBC-Panorama et consacré à Mo Farah, à ses relations avec Alberto Salazar a levé le voile sur les mensonges du quadruple champion olympique.

Avec en ligne de mire à ses côtés, Barry Fudge, entraîneur national demi-fond, et le docteur Chakraverty. La révélation que celui-ci avait injecté à Mo Farah plusieurs doses de L-Carnitine deux jours seulement avant le Marathon de Londres 2014 a jeté un certain trouble Outre Manche.

Mais l’explosion au grand jour de pratiques douteuses a aussi libéré la parole et le Docteur Chakraverty est maintenant présenté par plusieurs athlètes comme un adepte invétéré de la Thyroxine, médicament normalement prescrit pour pallier aux hypothyroïdies, ces cas où la thyroïde est insuffisamment produite. Et l’on sait aussi que dans le foot où il est maintenant actif, il plaide pour cette même méthode.

Emma Jackson, le corps meurtri par l’excès de thyroxine

Emma Jackson, qui avait été un jeune talent du 800 mètres, a ainsi livré un témoignage pathétique au « Daily Mail » en expliquant en détails comment le Docteur Chakraverty lui avait prescrit des doses très fortes de thyroxine, lui provoquant des troubles majeurs jusqu’à précipiter, selon elle, la fin de sa carrière par son épuisement général.

Le cas est particulièrement troublant puisque Emma Jackson souffre en réalité depuis sa naissance d’une absence de glande thyroïde. Les médicaments lui sont donc impératifs, mais le Docteur Chakraverty a eu l’indécence de l’inciter à augmenter fortement les quantités habituelles. Et de ne tenir aucun compte des effets négatifs sur son organisme, avec en particulier une perte de poids très forte en parallèle à un appétit démesuré, à des arythmies cardiaques, puis en final l’incapacité à s’entraîner.

Avant le sujet réalisé par BBC-Panorama, Emma Jackson n’avait pas parlé publiquement de ce problème, même si elle s’en était ouverte à la Fédération d’athlétisme du Royaume Uni. Sans aucune réaction d’ailleurs de celle-ci, visiblement peu regardante sur les dérives médicamenteuses de son médecin référent.

Andy Vernon, spécialiste de 5000-10000 m, a lui aussi saisi l’occasion de cette parole libérée pour avouer qu’un médecin de la Fédération Britannique (qu’il n’a pas nommé) l’avait invité à utiliser la thyroxine, en 2014, à la suite d’une maladie. Et qu’il avait refusé ce qu’il considérait comme « zone grise ».

Les pertes de poids brutales, les corps squelettiques

Mais combien d’athlètes n’ont pas eu les mêmes réticences et ont suivi ce conseil ? Comme aux Etats-Unis, où le « maître » de la médication de la thyroïde se nomme Docteur Brown, l’égérie d’Alberto Salazar, avec lequel il a fomenté l’utilisation de la thyroxine, comme celle des médicaments anti-asthme, qu’il prescrivait également à tort et à travers.

Et en France, quel usage du Lévothyrox chez les athlètes ?? Le secret demeure évidemment entier. Hormis quelques signes physiques qui ne passent pas inaperçus aux yeux des spécialistes. En particulier ces pertes de poids importantes et très brutales pour produire des corps squelettiques. Ou encore des fractures de fatigue à répétition, car l’hyperthyroïdie les provoque, de même que l’utilisation par des sportifs fraudeurs, surtout sur des parties inhabituelles du corps, comme sur les hanches ou le fémur. Autant d’éléments qui peuvent alerter sur ces dérives choquantes, même si non interdites par le Code Mondial Anti-Dopage, qui sont aussi particulièrement nuisibles pour la santé sur le long terme.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photo : D.R.