Avec des résultats catastrophiques, l’équipe de France juniors hommes se fait étriller au soir des Mondiaux de St Galmier. Pour autant, trois des sélectionnés vont s’inscrire dans une carrière internationale, Yoann Kowal, Benjamin Malaty et Denis Mayaud. Preuve qu’il ne faut jamais tirer trop tôt sur l’ambulance.
« La sélection des juniors pour le Mondial », longtemps ce fut la patate chaude que les cadres fédéraux se sont refilés faute d’avoir une idée précise sur ce qui était juste de prendre comme décision à ce propos. A vrai dire, la question de la présence des juniors français au Mondial a largement pollué les débats d’après championnat de France.
La question, il est vrai, était légitime. Avec l’émergence des nations africaines, Kenya, Ethiopie, Ouganda, Erithrée et Maroc, quel pouvait être l’intérêt d’envoyer une équipe de France dans un tel contexte international qui ne laisse plus aucune place pour que les équipes européennes puissent s’exprimer ? On peut le comprendre, les avis furent partagés, les esprits bien échauffés sur la question. Grosso modo, deux camps se distinguèrent avec les tenants du « ça permet d’acquérir de l’expérience, de goûter au niveau mondial, de mesurer l’écart avec les meilleurs mondiaux », ce clan s’opposant à la rangée des « ça va les dégoûter » le tout argumenté par une idée simple, les Europe de cross suffisent amplement pour développer l’expérience et la motivation des jeunes crosseux.
Les juniors sont intégrés dans le programme des Mondiaux dès la première édition en 1973 avec 21 nations présentes. Les Français sont bien présents avec une équipe hommes (et femmes) dès cette année là. Citons les noms, Jean Luc Cherrier (15ème), Jean Luc Lemire (16ème), Gilbert Bessières (24ème), Bernard Meseure (33ème) et Claude Biteau (41ème). Cette équipe termine à la cinquième place avec neuf nations européennes dans le Top 10.
L’équipe de France sera ainsi présente sans interruption jusqu’en 1988. A Auckland en Nouvelle Zélande, les juniors restent à la maison puis en 1999, seuls 2 coureurs sont sélectionnés pour Belfast. Par la suite, il n’y aura plus de ligne de conduite stricte et spécifique pour sélectionner ou non une équipe U20. Sur les 14 Mondiaux qui suivront, seules 6 équipes complètes seront au départ.
Ce classement est la résultante de la très belle place de 14ème réalisée par Benoît Zwierzchiewski, déjà 14ème l’année précédente
Lors de ces 41 Mondiaux, les Français n’ont que très rarement brillé, 7 fois dans le Top 10, avec pour meilleurs résultats 5ème en 1973, puis trois fois 8ème en 1974 et 1975 ainsi qu’en 1995, le résultat le plus probant dans un tel contexte international avec la présence de toutes les nations africaines. Ce classement est la résultante de la très belle place de 14ème réalisée par Benoît Zwierzchiewski, déjà 14ème l’année précédente.
Sur le plan individuel, le meilleur résultat enregistré par un junior français, c’est celui de Thierry Watrice, 4ème en 1976, suivi de Cyril Laventure 7ème en 1983, Guy Bourban 11ème en 1974, Benoit Z par deux fois 14ème, Jean Luc Cherrier 15ème en 1973, Jean Luc Lemire 16ème en 1973, Bouabdellah Tahri 22ème en 1997, Hassan Chahdi 23ème en 2008, Jean Louis Prianon 26ème en 1979 et Alexandre Saddedine 29ème en 2013. Les performances d’Hassan Chahdi à Edimbourg et d’Alexandre Saddedine à Bydgoszcz, tous les deux premiers européens, sont très certainement les meilleurs résultats réalisés par des juniors français lors d’un Mondial.
L’analyse de ces résultats sur ces 44 années prouve également que l’on ne peut tirer aucune leçon sur l’avenir des juniors français au plus haut niveau. Sur les 215 coureurs qui ont été sélectionnés, 40 ont connu une carrière internationale (ou sont encore internationaux), dont 14 investis dans une carrière de niveau mondial dont 4 médaillés en grands championnats sur piste (Mahiedine Mekhissi, Yoann Kowal, Bouabdellah Tahri et Medhi Baala).
Baala 129ème en 1997, Mekhissi 60ème en 2004, Kowal 106ème en 2005, avec de tels classements, rien ne laissait penser que ces trois coureurs allaient connaître un tel destin athlétique.
La génération St Galmier
Benjamin Malaty a les mots justes « il ne faut jamais tirer de conclusions trop hâtives ». Car qui aurait misé un kopeck sur ces juniors tricolores terrassés sur la cendrée noire de l’hippodrome de St Galmier ? La génération St Galmier à jeter au panier, sans pitié, c’est à peu près ce qu’il s’est dit et écrit au soir d’un Mondial frôlant la correctionnelle pour les six juniors masculins. La France se classe en effet 18ème équipe et dernière avec sur le plan individuel les places suivantes, Denis Mayaud 90ème, Yoann Kowal 106ème, Anthony Saudrais 107ème, Maxime Fico 114ème, Jason Dufresne 117ème, Benjamin Malaty 123ème.
La sanction ne se fait pas attendre, l’année suivante, alors que ce Mondial a lieu au Japon, les juniors restent au bercail. Un an plus tard, pour Mombasa, dans le fief kenyan, devant une foule déchaînée, les cadres fédéraux restent sur leurs positions, no french guys inscrits en collectif. La position de la DTN est désormais établie, seuls les grands espoirs du demi-fond français seront du voyage. Une ligne directrice qui, depuis, n’a pas changé à l’exception de 2008. Edimbourg n’est qu’à une heure d’avion, alors pourquoi priver les juniors du Mondial ? Une équipe est sélectionnée mais une nouvelle fois, l’essai n’est pas probant. Les 6 crosseux terminent à la 11ème place sur 15 équipes, seul Hassan Chahdi sauve sa peau à la 23ème place. En 2013, la FFA renouvelle l’expérience, les frenchies pourtant bien soudés et d’un niveau très homogène ne se classent que 13ème.
De St Galmier, l’exemple est probant, il ne faut jamais tirer à boulet rouge sur ces minots aux pointes longues, aux dents longues. Comme le dit encore si bien Benjamin Malaty « sans cette sélection, je serai sans doute passé à côté de quelque chose ».
Ainsi, 3 coureurs sur les 6 sélectionnés connaîtront une carrière internationale, Yoann Kowal de niveau mondial avec sa participation à 5 championnats d’Europe, titré à Zurich en 2014 et en bronze à Amsterdam en 2015, ses deux sélections à un Mondial et ses deux participations aux J.O. et cette 5ème place acquise à Rio en 2016.
A St Galmier, le résultat de Benjamin Malaty est désastreux mais pour autant ce n’est pas un frein pour un avenir radieux en cross ainsi que sur la route du marathon. Il compte à ce jour 14 sélections internationales dont 6 chez les jeunes, son plus beau fait d’arme, sa 5ème place chez les espoirs aux Europe de cross puis sa 12ème place à Velenje chez les seniors médaillés d’or par équipe. Puis il s’échappe sur la route du marathon pour se classer deux fois meilleur français à Paris avec un meilleur temps personnel de 2h 12’00’’.
Quant à Denis Mayaud, le plus discret des trois, il compte pas moins des 21 sélections internationales, dans les trois disciplines, la piste, le cross (10 dont deux fois sélectionné chez les seniors pour les Mondiaux (Amman et Bydgoszcz) ainsi que sur la route. Il est présent à Cardiff pour le Mondial dans un temps de 1h 05’48’’ (et un record à 1h 03’05’’).
N’oublions pas les trois autres coureurs, Anthony Saudrais 107ème, Maxime Fico 114ème et Jason Dufresne 117ème, .
Maxime Fico, après deux sélections en cross (Europe et Mondial), sa meilleure saison reste celle de 2007, il n’a que 20 ans, il réalise 15’00’’09 sur 5000 m et 8’39’’4 sur 3000 m. Chez les juniors, il remporte le titre de champion de France de course en montagne et participe au Mondial en 2006 à Bursa en Turquie où il se classe 9ème. On le retrouve enfin sur la route du marathon, en 2014, à Paris où il réalise 2h 45’51’’.
Après une sélection jeunes pour un match Algérie-Espagne-France-Tunisie sur 1500 m, Jason Dufresne se qualifie donc pour St Galmier. Il reste ensuite performant l’année suivante. Il réalise 30’16’’ sur 10 km après réussi 14’50’’41’’ en 2005 sur 5000 m. Puis il part sur une pratique loisir. On le retrouve en 2009 sur les Templiers format court puis en 2015 à Chamonix pour le cross du Mont Blanc.
Quant à Anthony Saudrais, il débute une longue carrière de cross en junior 1 à St Quentin en Yvelines en 2004 par une 23ème place. L’année suivante, il se qualifie au Mondial en terminant au pied du podium des France. Puis il se qualifie régulièrement au National dans l’anonymat du peloton, cross court ou long selon les années, en 2016, il prenait encore la 87ème place sur le court. Il n’a pas connu le destin d’un Benjamin Malaty mais il s’est totalement impliqué dans la vie d’un club. Il est là chaque année aux Interclubs à lancer le disque, au départ du 100 mètres et à la longueur. Puis il s’éclate sur la route (record à 31’04’’ sur 10 km) et en trail court. Un touche à tout qui se fait plaisir sur tous les formats de l’athlé moderne.
> Dossier réalisé par Gilles Bertrand